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Philippe Redon, l’intello au service du foot

Par Clément Gavard
Philippe Redon, l’intello au service du foot

Décédé à l'âge de 69 ans ce mardi, Philippe Redon était un dingue de foot. Sans jamais arrêter ses études, il aura réussi à se faire une place dans le monde professionnel en collectionnant les matchs dans l'élite et fêtant sa première apparition dans la cour des grands avec le premier but de l'histoire du Stade rennais en Coupe d'Europe en 1971. Le palmarès vierge, mais la tête pleine, Redon se lancera ensuite dans une carrière d'entraîneur-éducateur à Rennes et ailleurs, s'imposant comme un passionné de tactique.

Ceux qui pensent que le football est un sport d’idiots n’ont vraisemblablement jamais eu la chance de boire les paroles de Philippe Redon. Le Mayennais faisait partie de ces gens capables de passionner son auditoire en quelques phrases, rendant sa présence autour d’une table précieuse. Les banalités, ce n’était pas sa tasse de thé. Chez les plus jeunes qui n’ont pas connu le joueur, il reste les souvenirs d’un homme de l’ombre. Mais aussi ceux d’un consultant brillant, que ce soit sur TV5 Monde ou sur le plateau de Pleine Lucarne (émission dédiée au Stade rennais, et diffusée sur TV Rennes). Il reste les regrets, aussi, de ne pas avoir pu échanger quelques mots avec lui. Philippe Redon est parti à l’âge de 69 ans ce mardi des suites d’une longue maladie, sans pouvoir décrypter un dernier match et laissant derrière lui une image d’intello du foot ainsi que deux carrières bien remplies.

À jamais le premier buteur en Coupe d’Europe du SRFC

Il faut imaginer le décor, à la fin des années 1960 : le foot n’est pas le même qu’aujourd’hui, et le père de Philippe Redon l’avait bien compris, répétant à son fiston de ne pas abandonner les études en parallèle des entraînements. Entre deux cours à l’université de pharmacie de Rennes, le jeune attaquant essaie de se faire une place au Stade rennais, club qui l’a repéré quand il tâtait le ballon du côté d’Avranches. Sans succès au départ, même si le gamin est prometteur. Quelques mois après avoir vu les grands remporter la Coupe de France à Colombes, Redon choisit de faire une entrée fracassante dans le monde professionnel. Le 15 septembre 1971, il fête sa première apparition sous le maillot rouge et noir et devient surtout le premier buteur de l’histoire du club breton en Coupe d’Europe en se retrouvant à la conclusion d’un joli mouvement entre André Betta et Serge Lenoir pour offrir le match nul à son équipe face aux Glasgow Rangers (1-1). Peu importe la symbolique, Redon doit attendre l’exercice 1973-1974 pour devenir un titulaire, un vrai, chez les Rouge et Noir. Avant d’être poussé dehors, par le président Bernard Lemoux.

La suite de sa carrière dévoile une caractéristique de l’homme : Redon était un voyageur. Un vagabond du football même, puisqu’il démontrera ses qualités de dribbleur, sa vitesse et sa percussion au Red Star, à Bordeaux, au Paris Saint-Germain, à Metz, à Rouen, ou encore à Saint-Étienne, disputant plus de 300 matchs en première division. C’est au début des années 1980 qu’il décide de revenir dans son département natal, en Mayenne, où il contribuera à la réussite du Stade lavallois qui termine deux fois de suite à la cinquième place dans l’élite. « Il fait partie de ces premiers footballeurs que j’ai eu l’occasion d’aller voir à Le Basser, se souvient le Mayennais Landry Chauvin, qui le côtoiera plus tard dans le staff rennais. C’était un ailier virevoltant, mais j’ai surtout des souvenirs de lui en tant qu’éducateur. » Car après un court exil à Tahiti – il évolue à l’ASCS –, puis deux piges en troisième division à Saint-Lô et Créteil, Redon décide de raccrocher les crampons pour commencer sa nouvelle vie. Toujours au plus près du terrain.

L’intello de la bande

C’est là qu’il choisit de mettre son intelligence au service de sa passion, le foot. Mais aussi au service des autres, désireux d’échanger et d’apprendre aux plus jeunes. « Au premier abord, il pouvait sembler très distant, rembobine Landry Chauvin, qui le découvre dans les années 2000 au moment où Redon est l’adjoint de László Bölöni sur le banc de Rennes. C’est quelqu’un qui avait une grande richesse intérieure et dès qu’il accordait sa confiance, il avait plein de choses à partager. » La deuxième carrière de Redon commence au début des années 1990 : il enchaîne les expériences à Créteil, avant de filer sur le continent africain pour prendre la tête du Cameroun avec lequel il décrochera une quatrième place à la CAN 1992.

Après une parenthèse de huit ans, il s’occupe pendant deux années de la sélection du Liberia. Puis il fait son retour dans son club formateur, au Stade rennais, où il occupera le poste d’adjoint aux côtés de Vahid Halilhodžić, László Bölöni ou encore Pierre Dréossi. Dans l’ombre des coachs rennais, Redon apporte ses compétences technico-tactiques. « C’était un précurseur, estime Laurent Huard. Il était intellectuellement au-dessus de la moyenne, il avait toujours une réflexion sur le jeu. Pour lui, ce qui était important, c’était le développement de son équipe, de la tactique et il était extrêmement pointilleux là-dessus. Pour moi, c’était un chercheur. » Landry Chauvin confirme : « Du temps de Dréossi, c’est lui qui analysait et faisait la présentation de l’adversaire. C’était toujours très pointu. Par moment, c’était tellement poussé qu’il fallait tout décrypter. Je suppose que c’était son côté scientifique. »

Trop tôt, évidemment

En décembre 2007, l’arrivée de Guy Lacombe met un terme à l’aventure rennaise de Redon qui laisse une trace indélébile auprès de ceux qu’il a pu côtoyer. « Il fait partie des personnes qui m’ont le plus influencé dans le foot. Au niveau de la post-formation des joueurs notamment, Philippe Redon a été essentiel pour moi, explique Landry Chauvin. D’ailleurs, quand j’étais entraîneur professionnel, j’aimais lui passer un coup de fil après mes matchs pour avoir son esprit critique. » Ce n’est sans doute pas un hasard s’il occupera pendant quelques années le rôle d’instructeur de la FIFA pour former les entraîneurs, avant de venir distiller ses analyses sur quelques plateaux TV. « Je me souviens de lui quand il avait presque soixante ans, il était encore comme un jeune athlète. Il faisait tellement attention à son corps, à son hygiène de vie, conclut Laurent Huard. Le voir partir si tôt, à 69 ans, ça sonne comme une forme d’injustice au-delà de la tristesse. » En bon savant, Philippe Redon n’aurait rien appris : la vie, comme le foot, est parfois injuste et bourrée de mauvaises surprises.

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Par Clément Gavard

Tous propos recueillis par CG

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