Bonjour Philippe. Vous êtes ici pour suivre le stage « dix mois vers l’emploi » mis en place par l’UNECATEF. Comment ça se passe ?
Très bien. Je fais partie du comité directeur de l’UNECATEF, donc j’en entends parler depuis trois ans. J’ai décidé d’intégrer le stage cette année. On se retrouve entre gens sans emploi qui veulent bosser. C’est une période difficile à gérer. Moi, à la limite, je vais avoir 56 ans, et ne pas reprendre une saison, c’est presque la première fois que ça m’arrive depuis que je suis entraîneur. En 25 ans de carrière, je m’estime donc plutôt privilégié.
Qu’avez-vous appris de beau ? Il y a quelque chose que vous faisiez avant et que vous ne referez plus par la suite ?
Il ne s’agit pas de corriger les erreurs. Le stage ne porte pas sur le métier d’entraîneur, on n’est pas là pour améliorer les aspects techniques ou physiques. Le but, c’est d’être plus complets dans notre approche du métier après la huitième session, au mois d’avril. Moi, je me suis fait dégager de Laval il y a un an et demi et je suis parti de Créteil il y a un an. Bon. Quand on se fait virer, il y a obligatoirement des erreurs qui sont commises. Et pas seulement du fait de l’entraîneur. Mais le but de l’UNECATEF, ce n’est pas de dire « venez chez nous et vous ne vous ferez plus virer » . On vient chercher autre chose. On essaie de se remettre à travailler, de repartir dans une dynamique positive.
Les cours de la semaine portent sur comment se comporter avec les agents, parler anglais, apprendre à gérer les médias et les réseaux sociaux. Mais en vous observant, on a vraiment l’impression que le travail de fond est avant tout psychologique…
Oui. Il y a trois semaines, on est allés tous ensemble passer cinq jours à Autrans, au-dessus de Grenoble. C’était un peu notre stage de pré-saison (rires). On a fait de la spéléologie dans les grottes, un peu d’escalade dans les montagnes. Des activités en outdoor, un peu comme peuvent faire les grandes entreprises avec leurs cadres, pour chasser nos peurs, prendre confiance. Cette semaine, les cours sont plus théoriques : il y a des modules en anglais, des apports en media training, avec des intervenants comme Karl Olive, qui était directeur des sports de Canal +. C’est pas n’importe qui. Donc, forcément, ça motive. Quand on sort d’ici, on se sent vraiment reboostés. On se remet direct sur les réseaux sociaux, on contacte des gens. En fait, on apprend un nouveau métier : celui de chercheur d’emploi (sourire).
C’est difficile, hein ?
Oui, parce que le monde du football, c’est un monde à part. On ne trouve pas d’emploi en lisant les petites annonces du Figaro ! Quand il y a un poste qui se libère, même en CFA, le soir même il y a déjà 30 candidats dessus (fataliste). Récemment, j’ai été reçu à Grenoble avec Jean-Louis Garcia (ancien entraîneur de Châteauroux, ndlr) et Pascal Gastien (ancien entraîneur de Niort, ndlr). Au final, c’est Jean-Louis qui a eu le poste, tant mieux pour lui. Maintenant, il faut que je me demande ce que je peux faire de mieux pour que mon prochain entretien d’embauche se passe mieux… Sachant que très souvent, les présidents de club ont déjà une idée et que quand vous êtes dans la short list, c’est presque gagné. C’est tout un réseau qu’on doit tisser. Le problème, quand on est en poste, c’est qu’on a quasiment le temps de ne rien faire d’autre, car on est assaillis toute la journée par les agents, les médias, les coups de fil… Et d’un coup, quand tu arrêtes de bosser, c’est le calme plat. C’est quelque chose qui est très très difficile à vivre.
Quels genres de défis pourraient maintenant vous intéresser ? Vous recherchez quoi, dans l’idéal ?
Idéalement, je cherche un poste en France. Je suis français, je ne me suis jamais expatrié par le passé. Mais c’est vrai qu’à mon âge, et avec le temps qu’il me reste à travailler – même si on n’a jamais envie de s’arrêter quand on est dans le sport – une expérience à l’étranger, ça me tenterait bien aussi. Peut-être dans un pays émergent comme la Chine ou un autre pays d’Asie, voire le Moyen-Orient. À l’ouest aussi, il y a le Canada, les États-Unis, ce sont des marchés qui s’ouvrent. Alors qu’au contraire, on le sait, il y a des pays pour nous qui sont fermés : l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre, ce sont des pays où les Français ne sont a priori pas les bienvenus. Il faut donc se tourner vers des continents où nos compétences, qui restent mondialement reconnues, jouent en notre faveur.
À ce titre, il y a l’Afrique, qui reste la destination numéro 1 des entraîneurs français à l’export…
Oui, depuis une vingtaine d’années, beaucoup de coachs français y sont passés. Claude Le Roy a été un véritable ambassadeur, mais il y a aussi eu Pierre Lechantre et Michel Dussuyer. Il y a beaucoup de monde sur l’Afrique. C’est intéressant. Moi, je suis ouvert, cela peut être une sélection, cela peut être un club.
À l’intention de vos futurs employeurs, en tant que coach, quelle est votre philosophie ?
(Il réfléchit) Moi ? Bon, allez, on va dire que j’ai ma petite réputation dans le monde fermé de la Ligue 2. En toute modestie, et sans prétention, mes équipes jouent plutôt bien au ballon. J’aime jouer en passes, après il y a des gens qui adoptent un jeu plus physique, plus direct. Quand je suis arrivé à Créteil, avec tous les grands gabarits, c’était un peu difficile de mettre le ballon au sol. Il m’aurait fallu plus de temps pour aller au bout de mes idées. Après, tous les entraîneurs vous diront qu’ils veulent une équipe qui joue bien au ballon, qui ne prend pas de buts et qui en marque beaucoup. Qu’est-ce qu’on fait pour arriver à ça ? C’est la question.
Justement, la réponse nous intéresse…
Il y a deux temps dans le football. Premièrement : j’ai le ballon, qu’est-ce que je fais ? Deuxièmement : je n’ai pas le ballon, qu’est-ce que je fais ? C’est pas compliqué (sourire). Avec moi, quand on a le ballon, on est plutôt dans le jeu de passes, après c’est sûr qu’on n’est pas sur ce que produit le PSG en Ligue 1. En Ligue 2, ce n’est pas la peine de faire du jeu de passes pour faire du jeu de passes, parce que techniquement, certains ont un niveau moyen. Il y a des zones où on ne peut pas prendre trop de risques, car les joueurs n’ont pas toujours la qualité technique pour faire les bons choix. Ils peuvent se mettre en difficulté rapidement et quand ça arrive dans ta propre moitié de terrain, ce n’est jamais bon.
Niveau système de jeu, vous nous proposez quoi ?
Je suis un peu à contre-courant de ce qui se fait actuellement. J’aime bien jouer avec deux attaquants pour avoir un peu de poids devant. J’aime bien jouer aussi avec des extérieurs qui vont vite. Mais si les quatre de devant ne se replacent pas, on est rapidement en difficulté. Après, c’est toujours pareil, pour mettre mon système en place, il faut que je trouve les joueurs qui correspondent exactement aux spécificités recherchées, et ce n’est pas toujours possible.
À quel point le coach doit s’adapter aux joueurs, et inversement ?
Quand vous arrivez dans un club, vous êtes obligés de vous adapter aux joueurs. On a tous une équipe type en tête, je voudrais tel arrière gauche, tel milieu défensif, mais on sait bien que pour avoir la moitié des joueurs demandés, c’est difficile. Déjà, il faut qu’ils puissent venir financièrement. Et surtout, il faut au moins pouvoir passer deux ou trois ans dans un même club pour avoir une vraie cohérence, ce qui aujourd’hui est presque inenvisageable. Quand on y pense, les sept ans que j’ai passés à Laval, c’est une grosse anomalie sur les 20 dernières années. Donc, on s’adapte, on fait passer ses idées tranquillement. Faut pas être pressé. Les joueurs ont aussi très souvent des réflexes des années précédentes. À Créteil, par exemple, ils avaient l’habitude d’avoir un jeu très direct. On ne transforme pas une équipe physique en une équipe technique en deux mois.
Vous dites qu’il faut au moins deux saisons pour modifier convenablement un effectif. Mais c’est un vœu pieu dans les petits clubs, puisqu’aujourd’hui, les joueurs vont et viennent sans discontinuer…
C’est vrai. Aujourd’hui, le joueur n’a qu’une volonté : c’est de partir au mercato d’hiver (rires). Il arrive au mercato d’été et il part en hiver s’il trouve mieux. Mais c’est nous qui permettons ces inepties, puisqu’on autorise un mercato d’hiver qui profite à tout le monde, sauf aux clubs. À qui ça profite, je vous le demande ?
Aux agents ?
Surtout aux agents, effectivement. Eux sont partisans du mouvement, puisque c’est leur gagne-pain. Dès lors, les clubs moyens comme Laval ou Créteil se retrouvent amputés de leurs meilleurs joueurs sans pouvoir les remplacer.
Vous, au contraire, vous étiez un joueur très fidèle, avec pas moins de quinze saisons passées au FC Metz. Cela vous énerve cette évolution du foot ?
Non, pas vraiment. On s’adapte. À mon époque, c’était les années 80 et 90. C’était le XXe siècle, faut-il encore le rappeler. Quand on signait un contrat de deux ans, on restait deux ans. Il y avait des transferts, mais beaucoup moins. Aujourd’hui, c’est la bouteille à l’encre, cette affaire-là. L’attachement du club au joueur existe, mais l’inverse n’est plus vrai. Et quelque part, c’est normal. Les carrières sont de plus en plus courtes, sans compter les blessures. Aujourd’hui, quel footballeur finit sa carrière sans s’être fait les croisés ? C’est déjà un an d’indisponibilité sur une carrière qui en compte dix ou douze. Donc voilà, je ne dirai pas que c’est énervant, il faut faire avec, mais c’est frustrant. Le football est devenu très individualiste. Plus que jamais, le rôle de l’entraîneur, c’est d’amener le joueur à briller individuellement au service du collectif. Le joueur, il sait que s’il enchaîne les bonnes performances, il aura des espoirs ultérieurs de promotion. Mais il faut bien lui faire comprendre qu’il ne va pas y arriver tout seul, et que la victoire se décroche avec les copains.
En tant que pro, vous étiez un joueur très polyvalent. Vous avez joué attaquant, milieu offensif et même libéro sur la fin. À quel point votre expérience de joueur vous aide-t-elle dans votre métier d’entraîneur ?
Cela ne me sert pas à grand-chose. Le monde du foot a beaucoup trop changé. Je peux me servir de mon passé uniquement pour savoir quel était mon état d’esprit aux moments clefs. Personnellement, j’étais un joueur de club, 500 matchs sous le maillot grenat, une longévité de 15 ans qui s’explique par une certaine hygiène de vie. Je me rappelle comment je réagissais parfois par rapport à mes entraîneurs quand ils me sortaient ou qu’ils ne me faisaient pas jouer. Même si j’étais quelqu’un de privilégié. J’ai été pendant cinq ans capitaine du FC Metz, j’ai quasiment joué 90% des matchs, c’est énorme. Je n’étais pas un joueur frustré, mais parfois, j’essaie de me mettre à la place de mes joueurs pour savoir comment ils ressentent mes choix.
C’est tout, vraiment ?
J’essaie aussi de me rappeler ce qui m’a plu chez mes différents entraîneurs. Ce que je trouvais bien, ce qui était pourri, ce que je vivais mal. Par exemple, avec Marcel Husson (coach du FC Metz de 1984 à 1989, ndlr), on partait pour une heure d’entraînement, et au final, on en faisait deux heures et demie. Marcel, il était pris par un enthousiasme de gamin, il jouait souvent avec nous, il participait. C’était génial, un vrai junior (rires). Mais bon, est-ce que c’est la place d’un entraîneur d’être au milieu de ses joueurs ? Je ne sais pas. Avec Joël Müller, au contraire, c’était très très cadré. Donc voilà, je me souviens quel type d’entraînement je préférais, quelles étaient les causeries qui me touchaient…. Mais bon, au bout de dix ans, le souvenir s’efface. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin d’avoir été joueur de haut niveau pour savoir que quand tu vas annoncer à un joueur qu’il est remplaçant, il va y avoir conflit.
Certes, mais le statut d’ancien joueur donne quand même une certaine légitimité…
Peut-être. Si tu as été Blanc, Zidane ou Deschamps, quand tu dis quelque chose, tu as une légitimité plus grande. Mais bon, aujourd’hui, quand je coache des joueurs de 25 ans, il n’y en a pas un qui m’a vu jouer ! Ils ne me connaissent pas. Quand ils regardent des images, ils voient bien que ce n’était pas le même football, c’était beaucoup moins rapide. Moi, je vais pas arriver et leur dire à la mi-temps : « Attendez les gars, écoutez-moi j’ai gagné deux coupes de France » (rires). Cela peut aider parfois, mais il y a des gens comme Guy Roux ou Gérard Houllier qui n’ont pas été de grands joueurs et qui ont pourtant été de grands entraîneurs. L’important, c’est le système que tu mets en place et ta façon d’interagir avec le groupe.
Avec le recul, quel est votre meilleur souvenir avec le FC Metz ?
(Il réfléchit) J’en garde un vague, grand et bon souvenir. Quand on arrive à 55 ans, le plaisir, c’est de se dire que c’était super ce qu’on faisait. On avait une vraie bande de potes. C’était pas le football d’aujourd’hui. Quand j’ai commencé on était 20 dans l’effectif, et il y avait 17 Lorrains. C’était un temps où l’identité des régions coexistait avec celle des clubs. On allait jouer à Lille contre des Polonais qui bossaient dans les mines et des Lillois. On allait jouer à Brest contre des Bretons. On jouait à Marseille, il n’y avait que des mecs du Sud. Tout ça a bien changé. Je me rappelle que notre club dégageait une véritable identité régionale, plus que Nancy par exemple.
Ah ! Ça fait toujours plaisir une petite pique, vous ne perdez pas la main…
Voilà, toujours (rires). Après, c’est vrai qu’il y a eu des moments plus forts que les autres. Évidemment, quand tu marques un but, c’est particulier. En près de 500 matchs, j’ai marqué à peu près 70 buts avec le FC Metz (74 exactement, ndlr), et à chaque fois, c’est un moment inoubliable et incroyable. Tu ne te rappelles pas de tous tes buts, mais tu te souviens de beaucoup. Après, bien sûr, il y a eu la victoire contre Barcelone en 1984, la Coupe 84, la Coupe 88, enfin tout le chantier… Personnellement, ce qui m’a le plus touché, c’est la victoire en Coupe de France 1988, car j’étais capitaine. J’ai reçu le trophée des mains de François Mitterrand. Il faut s’imaginer : tu entres dans la tribune, tu as cinq millions de personnes qui regardent à la télé, et puis toi, tu es là, au milieu de 50 000 gus… Tu es dans un truc… (il souffle) C’est la stratosphère, un autre monde.
Arrêtez, vous allez nous faire frissonner. Sinon, un autre club qui a beaucoup compté pour vous, c’est Laval.
Oui. J’arrivais de Niort, où les dirigeants m’avaient dégagé pour me remercier de les avoir fait monter. On est au mois de février, je me retrouve sans club. À ce moment, Laval m’a contacté. Il faut voir le contexte. Ils étaient descendus en national un an avant, et ils n’étaient pas remontés. À l’époque, il y a eu un changement de président, Bruno Lucas a cédé la place à Philipe Jan, qui était novice à ce niveau. Avant d’être nommé, Philippe gérait une société de location de matériel de BTP. Il connaissait le fonctionnement d’un club de foot comme un partenaire qui vient aux matchs dans une loge et qui boit un verre. Il a reçu sept ou huit entraîneurs comme toujours, mais dès que je lui ai serré la main, j’ai compris que ça allait se faire, que j’allais travailler là, c’était clair. Je ne peux pas expliquer pourquoi.
Le club repartait alors de zéro…
Oui. Il a fallu reconstruire. Le club était fortement endetté. Quand je suis arrivé, il restait seulement trois joueurs professionnels sous contrat. Il fallait voir l’étendue du chantier : pas d’équipe, pas d’argent. T’es en National et il faut remonter vite, car ça commence à tirer sec niveau budget. Bon. Mais je n’ai pas trop douté. Par rapport aux autres contacts que j’avais eus, avec le Paris FC ou Cannes, pour moi, c’était le meilleur projet. Je me suis engagé, sans adjoint. Michel Le Millinaire aussi est revenu, dans la cellule de recrutement. On s’est construit dans la difficulté, car on n’avait pas de moyens. On prenait des mecs à 1500 euros, pour jouer le haut de tableau de National, on tirait sur tout. On a monté une équipe en dix jours, composée de valeurs sûres et de dix jeunes issus du centre de formation. Soit la moitié de notre équipe !
Il y avait Francis Coquelin ?
Quand je suis arrivé, il était là, oui. Il avait 16 ans, il jouait en réserve. Il est parti à la fin de ma première année.
Vous aviez remarqué son talent ?
Bien sûr, il s’est entraîné avec nous vers la fin de l’année. J’ai dû le prendre une ou deux fois dans le groupe en National, mais il est parti à Arsenal direct. Francis, je ne l’ai pas bien connu, mais je sais que c’est quelqu’un qui est resté très attaché à Laval, sa maman est encore là-bas. Il passe encore dire bonjour, il vient voir le match avec ses potes. C’est énorme.
Cela vous a plu, la Mayenne ?
Oh la la la, les gens posent la question, mais franchement…
Je dis pas que c’est nul…
Venant de Niort, c’est une petite ville qui me convenait très bien. J’aime pas les grandes villes, c’est chiant. Évidemment, il y a plus de choses à faire dans les grandes villes, on peut sortir davantage, aller voir des spectacles, se cultiver, manger à 10h le soir, ce qui n’est pas possible à Laval. Mais moi, j’étais avant tout là-bas pour bosser et retrouver un projet.
Pour en revenir au Stade lavallois, les résultats ont commencé à décoller lors de votre seconde saison…
Le fait d’en avoir bavé et chié pendant deux ans, c’était dur. Mais la seconde année, il y a eu un facteur déclenchant. On a recruté Johann Chapuis, qui était mon capitaine à Niort. Avant de l’accueillir, j’ai dit à mon président : « Je ne vais pas vous dire qu’il va nous faire monter, mais avec lui, on aura plus de chances de réussir. Il est monté avec Valence, il est monté avec Niort, partout où il passe, il monte. » Donc on l’a pris. Et il nous a fait du Johann. On est montés. Une fois en Ligue 2, c’était plus facile, surtout sur le plan financier…
Au final, vous avez passé sept ans au club. Comment expliquez-vous une telle longévité ?
Par mon entente avec le président. C’est une histoire qui nous a unis, il y avait une vraie alchimie, une complicité professionnelle évidente. En sept ans, il ne m’a jamais demandé comment on allait jouer par exemple. Jamais. Au début, il ne connaissait pas le foot, il a fallu lui expliquer comment ça marchait. Mais plutôt que d’attendre qu’on lui explique bêtement, il venait voir de lui-même. Il passait dix heures par jour au club, il allait voir les pros, le centre, les jeunes, l’école de foot, le kiné, le préparateur physique. Au bout d’un mois il avait tout compris. Et il a toujours fait en sorte de nous donner le maximum pour le sportif. Aujourd’hui, grâce à son impulsion, le club a une salle de musculation, un nouveau centre d’entraînement depuis quatre ans, un nouveau centre de jeunes depuis deux ans. Ce n’est plus le même club. Tout ce qu’il a changé en sept ans, pour moi, c’est extraordinaire.
Vous avez une anecdote particulière à nous raconter à son sujet ?
Un jour, on se fait sortir au 5e tour de la Coupe de France par une DH, piteusement. On revient dans le bus, je ne déserrais pas les dents. Il arrive et me dit : « Coach, ça va ou quoi ? » Ben non, ça va pas. « Il est ou le problème ? » Bah attendez, président, on vient de se faire virer par une DH. « Écoutez, c’est comme ça, on fera mieux l’année prochaine. De toute façon, on ne peut plus rien y faire. Les mecs, ils voulaient bien faire ? Oui. Vous avez voulu bien faire ? Oui. Bon ben, il faut accepter la défaite. C’est le sport. » Entendre de telles choses, ça te remonte le moral. Il était toujours dans le contre-pied, triste dans la victoire, solidaire dans la défaite. Dès qu’on gagnait deux matchs d’affilée, il calmait tout le monde, et quand on perdait deux matchs, il venait dégonfler la pression. Donc voilà, j’étais tellement bien dans mon fonctionnement de tous les jours que je n’avais pas envie de partir. Quand toutes les conditions sont réunies, tu as envie de grimper un petit peu avec le club, même si à un moment donné, tu es obligatoirement limité par tes moyens financiers.
Vous avez fait référence à une défaite en Coupe de France contre une DH. C’est justement ce qui vous a coûté votre poste à Crétéil…
Oui. Je venais de quitter Laval. J’avais retrouvé Créteil après quatre mois, j’étais content. L’intégration s’était bien passée, je suis tombé dans un club très amical, avec une grosse consonance portugaise, dirigé par M. Lopes. Des gens vraiment attachants, qui sont dans l’affect. Ce match est arrivé alors qu’on restait sur deux défaites contre Nancy et Sochaux. Donc voilà, on joue ce match contre Saint-Maur, l’ancien club du président Lopes. Dans le vestiaire, je dis aux gars de jouer pour le président, c’est son match, il faut lui faire plaisir. À la mi-temps, on perd 3-0. Chez nous, à Duvauchelle ! Je ne m’attendais pas à ça. Finalement, on est revenus au score avant de perdre 4-3. Cette défaite a vraiment réveillé des fantômes…
C’est-à-dire ? Quels fantômes ?
Des fantômes de ce que j’avais vécu à Laval lors de ma dernière année de contrat. À l’époque, on avait commencé par cinq défaites d’affilée en championnat. Forcément, j’étais tout le temps sous pression dans les médias. Je lisais que j’étais menacé, on écrivait que c’était l’année de trop. J’en ai entendu des vertes et des pas mûres, j’étais sans cesse remis en cause. Forcément, j’abordais les matchs dans un état de tension extrême. Pas à l’extérieur, où je ne montrais rien, mais noué à l’intérieur. Je passais des nuits entières sans pouvoir dormir (il souffle). Donc, après cette défaite contre Saint-Maur, je ne me suis pas senti prêt à aborder les semaines qui allaient arriver. Ce n’était pas tellement le résultat du match en lui-même, puisque perdre au premier tour de la Coupe de France, ça m’est souvent arrivé. En dix ans, je crois que je me suis fait éliminer au moins neuf fois contre des adversaires hiérarchiquement inférieurs. Il y a certainement un problème dans mes préparations de matchs (rires).
C’est la magie de la Coupe de France…
Oui, ok, mais la magie chaque année, c’est bon ! J’ai donné. Pour en revenir à Créteil, ce n’est même pas le camouflet. La défaite, tu t’en remets. Mais c’était plus de se demander : « Bon alors, maintenant, qu’est-ce qui va se passer ? » Je ne me suis pas senti la force morale et psychologique de rester debout dans la tourmente. Cela commençait déjà à gueuler en tribunes « Hinschberger démission » . Je n’étais pas venu à Créteil pour entendre ça. Et puis ce jour-là, il faut bien le dire, les joueurs m’ont dégoûté. Cinq jour avant, j’avais aligné les mêmes joueurs à Nancy et on avait fait un super match malgré la défaite. Donc je me suis dit, soit les mecs choisissent leur match, soit ils m’envoient un signal. En tout cas, il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai donc demandé à ce qu’on se sépare. Ce qui était sans doute une connerie, puisque je n’ai pas rebossé depuis un an (sourire)…
Comment vous vivez le chômage ?
Plutôt bien. Mais cela m’a mis un coup quand même, alors j’essaie de m’occuper. Je me suis mis à faire des choses que je ne faisais pas d’habitude.
Comme quoi ?
Du sport. Me perfectionner en informatique. Suivre des formations. Donner un coup de main à la DTN ou à l’UNECATEF sur des missions ponctuelles.
Vous avez une passion en dehors du football ?
Non pas de passion, juste de quoi m’occuper. Je joue de la guitare, je fais du tennis, je fais du golf. Cela fait passer le temps. Mais ce qui me prend le plus de temps, c’est vraiment la cuisine. J’adore faire la cuisine.
C’est quoi votre spécialité ?
Je ne sais pas…
Allez coach…
J’adore cuisiner la viande. Je suis pas du tout dessert, je suis nul, j’aime pas ça.
Donnez-nous un petit conseil pour les apprentis cuistots qui nous lisent…
Tous les samedis, je vais au marché. J’ai pris l’habitude quand j’étais coach à Louhans-Cuiseaux, puis à Niort. Au Havre, j’allais faire mon marché à Trouville. Je n’achète jamais rien en grande surface. Je vais chercher mes produits à la source, chez des petits producteurs locaux. C’est très important d’avoir de bons fruits et légumes.
Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses