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Paul Pogba : la bonne opération pour la Juventus ?
Paul Pogba renoue avec la poisse dès son retour à la Juventus. Il n’a même pas eu le temps de regoûter à la Serie A que déjà un genou droit défaillant l’éloigne des terrains. Rageant, même presque une rengaine pour lui. Toutefois, ce nouveau pépin de santé risque aussi de l’empêcher de participer à la Coupe du monde avec les Bleus. Tout dépend de la gravité du mal, et de la liberté que lui laissera son club pour se soigner comme il l’entend.
L’information provient de la Gazzetta dello Sport. La Juventus désirerait ardemment, voire insisterait lourdement pour que Paul Pogba accepte une opération sur son genou droit, qui l’a lâché lors d’un banal entraînement. Si parmi les pistes thérapeutiques, cette option priverait les Bianconeri du milieu de terrain durant au moins quatre mois, elle offrirait en revanche davantage de certitudes en matière de rétablissement complet, et donc éventuellement de la possibilité de le retrouver à son meilleur niveau de jeu pour la seconde moitié de la saison. Un point essentiel pour l’employeur, aussi bien pour les performances de l’équipe que dans la perspective d’un éventuel transfert et revente. Au regard de son parcours à Manchester United, où son passage fut compliqué par les soucis physiques (il avait d’ailleurs raté le dernier rassemblement des Bleus en juin), la préoccupation de la Juventus peut facilement se comprendre. Le joueur professionnel se révèle autant un ouvrier qu’une machine dans la manufacture du foot, l’entretien et la réparation s’apparentent à de l’investissement puis de l’amortissement à moyen ou long terme. Dans cette perspective, les autres considérations deviennent bien secondaires.
L’exercice d’équilibriste des footballeurs
Même la primauté d’une Coupe du monde cède ses privilèges devant la fiche de paie. Partie prenante du projet de Superligue européenne, la Vieille Dame d’Andrea Agnelli ne doit plus regarder avec beaucoup de respect des sélections nationales qui la prive si souvent de ses meilleurs éléments, qui peuvent aussi y aller pour revenir à la maison blessés (au point de réclamer des dédommagements désormais). Certes, une procédure alternative n’induisant que deux mois d’absence a été évoquée, sauvegardant l’utopie d’une présence de cet élément central de l’équipe de Deschamps. La pression de la Juventus pour conduire l’un des héros de 2018 à privilégier sa « boîte » à son pays suscitera donc en retour quelques rancœurs. Une telle situation illustrera surtout, une fois de plus, les réalités et les pesanteurs du football moderne, notamment en Europe. Malgré leur statut et leur salaire, nos stars à crampons sont loin d’être les maîtres capricieux de leur sport, y compris quand leur propre corps est concerné.
Ce cas emblématique permet également, ne serait-ce que par la dimension « nationale » qu’il possède, de jeter un petit éclairage sur le délicat exercice d’équilibriste que les footballeurs doivent constamment effectuer pour leur santé. Les décisions qu’ils sont amenés à prendre ne répondent pas toujours aux nécessités premières de leur bien-être. Le cas des infiltrations, qui ont récemment, et enfin, défrayé la chronique, en sont la démonstration extrême (avec le témoignage émouvant de Bruno Rodríguez, ancien du PSG notamment, demandant une amputation de la jambe pour mettre un terme à ses souffrances). Aujourd’hui donc, un grand joueur doit s’interroger en des termes bien étranges : tenter le tout pour le tout pour réaliser son rêve d’un nouveau (et sûrement dernier) Mondial ou donner la priorité à la suite de sa carrière en satisfaisant son patron. Et bien malin, faute d’un diplôme de médecine dans la spécialité requise, est celui qui se sentirait de privilégier l’un ou l’autre.
Par Nicolas Kssis-Martov