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Palace-Brighton, la rivalité méconnue

Par Julien Duez
Palace-Brighton, la rivalité méconnue

Ce samedi (13h30), Crystal Palace et Brighton s’affrontent dans un « derby » pas comme les autres. Pourtant distants de 70 kilomètres, les deux clubs se vouent une haine qui s’est construite au cours de leurs 140 oppositions, certaines étant entrées dans la légende du football anglais.

Avec tous les clubs qui y sont domiciliés, Londres ne manque pas de derbys. Arsenal-Tottenham au nord, Chelsea-Fulham à l’ouest ou West Ham-Millwall à l’est comptent parmi les exemples les plus célèbres. Au sud, Crystal Palace, fier représentant du quartier de Croydon, trouve pourtant son plus grand rival 70 kilomètres plus au sud, à Brighton. Ce samedi, les deux clubs s’affronteront au Selhurst Park de Palace, où Brighton ne s’est pas imposé depuis 2005. Ce sera la 141e opposition entre les deux clubs, 113 ans après la première. C’était en 1906, sur le terrain du défunt Goldstone Ground de la cité balnéaire. Brighton l’avait alors emporté 2-1, mais rien ne laissait supposer que ces deux équipes issues de deux régions complètement différentes allaient finir par créer l’une des plus grandes rivalités du football d’outre-Manche.

Du chemin-de-ferico à l’autoroutico

La raison qui pousse certains à appeler « derby » le duel entre les deux clubs est, étonnamment, géographique. « Palace est en réalité le club le plus proche ! Il est situé à 70 kilomètres au nord, tandis que Portsmouth est à 80 kilomètres à l’ouest » , explique ainsi Scott, membre du groupe de supporters We are Brighton. « Avant que Crawley Town ne soit promu dans la Football League en 2011, le Sussex (le comté où se situe Brighton, N.D.L.R.) n’avait pas d’autre club pro à part nous ! » On sera alors logiquement tenté de se tourner vers les équipes de la côte Sud de l’Angleterre, comme Bournemouth dans le cas de Brighton, ou Charlton pour Palace, mais la carte des chemins de fer en a décidé autrement. « Brighton et Croydon sont les deux seuls clubs professionnels situés sur la ligne qui relie Londres à Brighton, ce qui, pour les fans, signifiait des matchs où il était facile de se rendre, et qui a donc contribué à les rendre très populaires » , reprend Scott.

Andy* tient quant à lui à faire une mise au point étymologique : « Ce n’est pas un derby, c’est une rivalité. Les médias l’ont appelé « le derby de la M23 » à cause de la route qui relie les deux villes, mais personne au sein des supporters des deux clubs n’appelle ça comme ça. » Ce sympathisant des Holmesdale Fanatics, le groupe ultra de Crystal Palace (unique en son genre au sein du football professionnel en Angleterre) le reconnaît pourtant : le match contre Brighton est « le plus important de la saison » . Mais d’où vient-elle alors cette rivalité ? D’autant que les deux équipes semblent partager quelques points communs dans leurs identités. Harvey, issu d’une famille où l’on supporte Palace de père en fils, décrit son club comme « familial, avec une atmosphère différente de n’importe quel autre club en Angleterre. La relation entre les joueurs et les fans y est superbe, et le club fait énormément pour la communauté locale. » Scott approuve et va même encore plus loin : « Brighton et Palace sont probablement bien plus similaires qu’on aimerait l’admettre. Les deux clubs devraient aujourd’hui être capables de se maintenir dans la deuxième moitié de tableau de la Premier League. Palace a vécu plus longtemps que nous dans l’élite, mais je pense qu’on est partis pour y rester à présent. »

Tottenham, le café et la petite monnaie

Jusque dans les années 1960, les deux clubs ont vécu pas mal de saisons en commun, avant une coupure longue de plus de dix ans. Les retrouvailles se font en troisième division et c’est à cette période que la rivalité prend pleinement forme à travers la figure des deux managers de l’époque : Terry Venables côté Palace et Alan Mullery à Brighton. Alors qu’ils jouaient à Tottenham, les deux gaillards ne s’appréciaient guère. « Je ne sais pas vraiment comment ça a commencé » , racontait Mullery au Guardian en 2011. « Je crois que c’est probablement parce que j’ai hérité du brassard de capitaine avant lui. » Lorsqu’ils se retrouvent face à face en 1976, la haine est toujours féroce et cela se ressent sur le terrain. Opposés en Cup, Brighton et Palace se neutralisent deux fois d’affilée. Le match d’appui se joue alors sur terrain neutre, à Stamford Bridge, et restera dans l’histoire.

Alors que Palace mène 1-0 à dix minutes du terme, l’arbitre Ron Challis siffle un penalty pour Brighton, mais force Brian Horton à le retirer, estimant que ses coéquipiers étaient entrés trop tôt dans la surface. Le gardien londonien pare la seconde tentative, et les hommes d’Allan Mullery sont éliminés. Celui-ci file au vestiaire, mais se prend un gobelet de café brûlant dans la figure au moment de pénétrer dans le tunnel. Fou de rage, il jette alors au sol la monnaie qu’il avait dans sa poche et hurle à l’encontre des fans de Palace : « C’est tout ce que vous valez ! » Avant de refaire la même chose avec Terry Venables et un billet de cinq livres. Il s’en sortira avec cent livres d’amende, et Ron Challis gagnera le surnom de Challis of the Palace, en référence à un morceau de reggae populaire.

Quand des aigles donnent naissance à des mouettes

Surtout, l’année 1976 restera celle où Brighton adopte définitivement son surnom actuel : les Seagulls, les mouettes en VF, que l’on retrouve jusque sur le blason du club. Un surnom apparu justement en opposition à Crystal Palace, dont les supporters scandaient leur habituel « Eagles ! Eagles ! » (en français, les aigles) lors d’une visite au Goldstone Ground et auquel les fans de Brighton ont répondu des « Seagulls ! Seagulls ! » , pleins d’ironie, mais aussi pour l’amour de la rime.

La rivalité est établie, il ne reste plus qu’à l’entretenir, même si elle paraît toujours un peu déroutante pour certains. Scott résume pêle-mêle les arguments qui font que ce duel est à jamais gravé dans la pierre : « Henry Hughton de Palace a achevé la carrière de notre joueur Gerry Ryan en lui brisant la jambe. On a assisté à un match avec cinq penaltys (dont quatre pour Palace, c’était en 1989, N.D.L.R.). Palace a sorti Brighton des play-offs de Championship en 2013… Trop d’eau a coulé sous les ponts comme on dit en Angleterre. » Et même si elle paraît toujours un peu déroutante pour certains, Andy se veut philosophe : « Tout le monde a besoin d’avoir quelqu’un à détester. »

Dans cet article :
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Par Julien Duez

Propos recueillis par JD

*Le prénom a été modifié.

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