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« On va tout faire pour que Julia devienne une vraie supportrice des Verts »
En mai dernier, Alain et Océane, habitants de l’Aisne, ont parcouru 700 kilomètres en camping-car pour que Julia, leur fille, naisse à Saint-Étienne, ville de leur club favori. Le papa s'explique.
Comment va Julia ?Super bien. Elle a sept mois et demi, maintenant.
Alors, racontez-nous cette folle histoire. Dès qu’Océane est tombée enceinte, on a décidé que Julia naîtrait à Saint-Étienne pour qu’elle soit stéphanoise. C’était une évidence. Il n’y a même pas eu de débat. Ma conjointe est devenue fan de l’ASSE quand elle m’a connu, je lui ai transmis ma passion. La naissance était programmée le 21 mai, donc on est parti sur les routes le 3, ne sachant pas exactement quand cela allait se passer. Habitant dans l’Aisne, très loin de Saint-Étienne, c’était un long voyage. Moi, je suis à mon compte, donc ce n’était pas un problème pour le travail.
Vous partez pour 700 kilomètres de camping-car avec votre femme et le bébé dans son ventre, juste pour qu’elle naisse dans la ville de votre club. Quelles ont été les réactions quand vous avez expliqué votre projet autour de vous ?
On n’en a pas parlé. C’était notre histoire à nous, une simple envie personnelle pour séduire le peuple vert. Nous n’avions personne d’autre à séduire. Cela représentait une fierté d’incarner le club et la ville qu’on aime. C’est un geste d’amour envers Sainté pour montrer que quand on dit « Les supporters sont venus de loin » dans la chanson Allez les Verts de Monty, c’est une réalité.
C’est vrai que vous avez tenté d’avancer l’accouchement pour que Julia naisse le 12 mai 2016, qui correspond au 40e anniversaire de la finale de coupe des clubs champions perdue face au Bayern Munich ?
Effectivement. On avait pris conseil auprès des sages-femmes pour faire des choses simples qui pouvaient accélérer le truc. Donc on faisait des exercices physiques avec Océane. On marchait énormément, on lavait le camping-car plus que de raison… Mais ça n’a pas fonctionné. Bon, de toute façon, le 21 (date de la naissance, ndlr), ça fait 12 à l’envers.
Vous avez en revanche eu un problème un peu plus sérieux en arrivant début mai, puisque vous vous êtes rendus au CHU situé sur la commune de Saint-Priest-en-Jarez.Ce n’était pas vraiment un problème, mais quand on est arrivés, on a expliqué notre volonté, et on nous a répondu que si Julia naissait dans cet hôpital, elle ne serait pas stéphanoise. Du coup, je leur ai dit : « Ok, au revoir. » On nous a dit qu’il fallait se rendre à l’hôpital privé de la Loire, qui lui était bien situé sur les terres stéphanoises. Ça aurait été une énorme désillusion si on avait fait tout ça pour rien ! Mais on leur a bien expliqué notre demande, donc on ne pouvait pas se tromper.
D’où vous vient cet amour pour les Verts, vous qui êtes originaire et habitant de l’Aisne ?Je suis supporter depuis que je suis gamin. En 1976, j’avais dix ans, et mon père, qui était un amateur de foot, voulait suivre un match de Sainté. Le match n’était pas retransmis à la télévision, mais à la radio. J’étais assis sur les genoux de mon père, à écouter le poste, et de là, ma passion est restée. Et puis, ma mère adorait la couleur verte. Elle a dû me transmettre inconsciemment cette couleur.
Aujourd’hui, vous ne loupez pas un match ?J’ai toutes les chaînes, donc je peux suivre toutes les rencontres des Verts. Parfois, nous allons au stade, mais c’est un peu difficile, puisque c’est à 700 kilomètres. Sept heures de route quand ça roule bien, jusqu’à onze dans le cas contraire ! On passe une partie de l’été à Saint-Étienne, alors on profite généralement de la reprise du championnat. En août dernier, Julia est venue avec nous dans les gradins pour son baptême. Elle a découvert les tribunes de Geoffroy-Guichard, c’était la petite mascotte. Et elle a donné chance à notre équipe puisqu’on a gagné 3-0 contre Montpellier.
Elle a déjà son maillot ?
Bien sûr. Floqué à son prénom. Et le responsable de communication du club est passé nous voir à la maternité pour lui offrir son premier body et un pyjama aux couleurs du club. Sans oublier une superbe fleur vert et blanc.
Tout le monde connaît Julia, au club ?Ah oui. Pour son premier match, on était invités par le président Roland Romeyer. On s’était parlé au téléphone et il m’avait demandé de le prévenir quand je voulais organiser le baptême de Julia.
Vous le connaissiez avant, le président ?Oui. Moi, quand je vais aux matchs, je discute avec les joueurs, je leur demande leur maillot, des autographes. Je ne viens pas juste pour voir la rencontre. Je les attends après.
Imaginons que vous fassiez un deuxième enfant. Vous feriez la même chose qu’avec Julia ?Je ne pense pas, non. Ça reste le truc de Julia, c’est son histoire. On va tout faire pour qu’elle devienne une vraie supportrice des Verts, et qu’elle ne défende surtout pas l’équipe voisine !
Est-ce que vous vous rendez compte que pour la majorité des gens, ce que vous avez fait représente quelque chose d’un peu insensé ?J’en ai pris conscience au travers du buzz que ça a fait en mai dernier. On est passé dans dix-sept journaux sans qu’on le veuille. Nous, on voulait juste avoir un article papier dans un journal local.
Vous l’avez mal vécu ?Oui. Je ne voulais absolument pas que ça se passe comme ça. J’ai été submergé par les demandes médiatiques pendant cinq ou six jours. Entre les journalistes télé, radio… Comme je dis toujours, je voulais séduire le peuple vert, pas le peuple noir. Parce que je sais que le peuple vert a été touché et a apprécié notre geste. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les autres régions, au vu des commentaires qu’on a reçus. Certains ont été très durs. Je suppose qu’ils viennent d’une grande ville voisine. Le pire qu’on ait lu, c’est quelqu’un qui disait : « J’espère que vous allez vous casser la gueule avec votre camping-car en repartant. » On ne s’attendait pas à ça, mais tant pis.
Par Florian Cadu