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On était au match présidentiel d’Emmanuel Macron à Poissy

Par Adrien Hémard, à Poissy
On était au match présidentiel d’Emmanuel Macron à Poissy

Pour la première fois de l’histoire, un président en exercice a tâté le cuir sur une pelouse hexagonale. Au stade Léo-Lagrange de Poissy, Emmanuel Macron a pris part jeudi à la victoire du Variétés Club France face à l’équipe de l’hôpital de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (6-1). Comme dans un rêve, le président a même ouvert le score sur penalty.

« Ils ont peur de Macron, c’est pour ça que pour une fois, ils ramassent les poubelles. » Sur le parvis de la gare, cette habitante ne prend même pas le temps de donner son nom, tout juste son avis. C’est encore l’heure de la sieste devant la gare de Poissy, mais le nom du président de la République est déjà sur toutes les lèvres dans cette banlieue de l’ouest parisien, où les panneaux publicitaires à l’effigie du PSG sont légion. C’est d’ailleurs ici que le club parisien bâtit son nouveau complexe de vie. Mais pour l’heure, c’est Emmanuel Macron qui est attendu sur les coups de 16h15 au stade Léo-Lagrange, où il est annoncé titulaire pour le match entre le Variétés Club de France et une équipe composée de membres du personnel soignant de l’hôpital local. Le but : lever des fonds pour les pièces jaunes.

Antipass, penalty et kermesse

En attendant le convoi présidentiel, Poissy est déjà quadrillée par les forces de l’ordre, et notamment le stade Léo-Lagrange qu’on atteint après avoir remonté le boulevard Robespierre. Devant l’enceinte, on croise justement deux révolutionnaires : Mélinda* et Barbara*. « On n’aime pas le foot, on n’a pas de place pour le match », annoncent les deux femmes. Pourquoi être venues dans ce cas ? « Pour dire au dictateur qu’il faut arrêter avec le pass sanitaire, qu’il faut nous rendre nos libertés. » Et le foot dans tout ça ? « S’il marque, c’est que c’est truqué », assure Mélinda, selon qui le président n’a aucune chance de marquer. Et pour cause : « Il ne fait rien de bien depuis cinq ans, comment peut-il marquer un but ? » Et Barbara d’ajouter : « Pour moi, c’est un disciple du diable. » Le débat dévie sur la politique, ce dont se fout royalement Oscar, 17 ans, venu de Seine-et-Marne en espérant gratter une place. « Vu que c’est l’Élysée qui gère, je n’y crois pas trop, mais bon je suis là, je profite », sourit le lycéen, lunettes de soleil sur le nez, tout en observant le déferlement de journalistes politiques. À deux heures du coup d’envoi, les portes ouvrent déjà, histoire d’absorber l’imposant dispositif de sécurité : les palpations ne sont pas assurées par des stadiers, mais par les forces de l’ordre dont les chiens démineurs reniflent chaque sac.

Les journalistes politiques multiplient les vannes sur le positionnement du président sur le terrain, tandis que d’autres essayent de saisir le déroulement de ce meeting original : « L’échauffement, c’est avant le match ? », « Mais pourquoi il va deux fois au vestiaire ? » Après de longues minutes de protocole, on accède enfin au rectangle vert, ceinturé d’une piste d’athlétisme sur laquelle on croise Malika : « Ce sont mes collègues qui vont affronter le président. On est fiers et heureux de l’accueillir chez nous à Poissy », apprécie l’infirmière anesthésiste. Elle ajoute : « Si le président a mal, il pourra vite être soigné par les collègues, c’est pratique. » Sur la pelouse, Mathieu Bodmer, Clément Chantôme et Nicolas Douchez reconnaissent les lieux, dans leurs beaux costards du Variétés Club de France. Pas d’interview : le service presse de l’Élysée veille au grain. Les 80 journalistes sont parqués en bout de tribune, avec moins de libertés que des ultras stéphanois au Groupama Stadium. Pour les duplex, ça se passe depuis un terrain de tennis adjacent. Pas l’idéal donc, peste Xavier, de Tout le sport : « On ne peut pas bosser, on nous parque dans un coin à contre-jour, c’est injouable. C’est dommage, on ne peut pas en faire grand-chose. »

Dans les tribunes, 1200 personnes prennent place – ce qui donnera un chèque de 50 000 euros à Brigitte Macron et aux Pièces jaunes. Au micro, Dominique Grimault annonce les compositions d’équipes, alors que le président de la République arrive avec une bonne demi-heure de retard. Le personnel soignant est déjà à l’échauffement, mais pas encore le Variétés Club de France. Emmené par Arsène Wenger et Emmanuel Macron, le VFC apparaît sur la pelouse sur les coups de 17h pour un échauffement pas violent (d’autant qu’une partie de l’équipe jouait la veille au match des Héros à Marseille). On installe les poteaux de corner à la hâte, et c’est parti après l’entrée des deux équipes sur la pelouse, les hospitaliers étant accueillis par une haie d’honneur du VFC avant une photo de groupe. 17h30 : avec un quart d’heure de retard, le match commence dans une ambiance de kermesse. Comme attendu, le président est titulaire au centre droit – logique -, aux côtés de Rudi Garcia. Débordement à droite, difficulté à gauche… Les vannes politiques fusent. La vérité, c’est que le président de la République affiche rapidement des lacunes dans le positionnement. Et on parle bien là de football.

La tactique en marchant

Sa première touche de balle donne le ton. Capitaine, Laure Boulleau taquine : « Il a commencé par un dribble au ralenti, c’était fou. (Rires.) Après, les joueurs (et les adversaires, si je peux me permettre) l’ont mis en confiance. Pendant une heure, ce n’était plus le président de la République, il était hyper abordable, humain. » Alors que le VFC est mené 1-0 d’entrée après un coup de billard, l’ancienne latérale du PSG obtient un penalty : « J’ai un peu plongé. » Ni une ni deux, Emmanuel Macron prend son courage à deux mains. Une frappe éclatée plus tard, le président fait trembler les filets tricolores après 7 minutes de jeu. Gardien des hospitaliers, Christopher brise la magie : « On ne va pas dire que j’ai fait exprès, mais bon, je lui ai laissé l’avantage en choisissant un côté rapidement… Après, le ballon m’arrive sur le pied, j’aurais pu le sortir… Mais c’est fait. Il est content, c’était mieux que ça se passe comme ça, non ? (Rires.) » Un but partout, le président peut reprendre fièrement sa place au milieu de terrain. Mais il ne touchera plus beaucoup de ballons. Bras ballants le long du corps, adepte du pas chassé plus que du sprint, et souvent planqué derrière des adversaires qui ne le bousculent pas trop, Emmanuel Macron a passé une mi-temps à l’image de celle du Variétés : tranquille. Résultat : 4-1 à la pause.

L’heure d’analyser la rencontre avec coach Rudi Garcia, déjà douché au retour des vestiaires : « C’est un joueur de football comme un autre sur ce match, il était demandeur de communication sur le terrain. Comme on jouait côte à côte et qu’on a beaucoup de joueurs offensifs dans cette équipe, on s’est dit avec le président qu’on devait tenir la baraque défensivement. On s’est donné des conseils mutuels, moi tactique, lui sur le mental », assure l’ancien coach de l’OM, qui avait déjà affronté le président en 2017 à la Commanderie. « En blaguant avant le match, je disais que j’avais l’avantage de savoir comment il joue, et donc comment être un coéquipier modèle pour lui », sourit Garcia, avant de se projeter sur la suite : « Une troisième mi-temps à l’Élysée, c’est assez fou, un moment unique. C’est une fierté de pouvoir en faire partie. » Mais avant cela, il y a bien un match à finir. « Ils ont encore la niaque hein, comme Sonny Anderson qui me met une belle patate sur le côté. Bodmer et Cheyrou m’ont bien entourloupé aussi, je ne pouvais rien faire sur le quatrième but », reconnaît Christopher, portier hospitalier en PLS. Dans les haut-parleurs – qui diffusent en continu une playlist allant de Brel à Manau en passant par des tubes antillais -, Dominique Grimault n’en finit plus d’écorcher les noms. C’est ainsi que le cinquième but de Frédéric Piquionne est un temps attribué à Sonny Anderson. « Je ne suis pas tombé loin », se défend le speaker d’un soir.

Pendant ce temps, Pascal, ami du maire de Poissy Karl Olive – autre star de la soirée – enchaîne les interviews en tribune. La faute à son maillot des Bleus de l’Euro 2000, floqué Guy Stéphan et bariolé de quelques autographes, qui attire les caméras. Pourtant, l’homme n’y connaît rien en foot : « C’est la première fois que je le porte, il est à mon père. Du coup, tout le monde vient me voir. Mais moi, je suis juste venu voir un président, parce que le seul que j’ai vu, c’était Charles de Gaulle en 1967 », se marre-t-il, alors que les trois coups de sifflet résonnent. Le chrono n’a jamais redémarré en seconde période, et le match s’arrête avec dix bonnes minutes d’avance. Score final : 6-1 pour le Variétés Club de France. Remplacé à l’heure de jeu par Smaïl Bouabdellah, le président de la République a déjà pris sa douche.

Dans le froid soudain du début de soirée, Arsène Wenger vient assurer le service après-vente. « J’étais content de jouer avec lui, et je pense que l’inverse aussi. Il avait un bon timing de passe, évidemment pas la dextérité technique des autres autour de lui. Mais il y a de quoi travailler », assure l’ancien Gunner, aussi crédible que sur une Coupe du monde tous les deux ans, mais lucide : « Le recul et la protection du président étaient instinctifs dans le camp adverse, on va dire… » Peut-être parce que le président a invité tout le monde à l’Élysée pour la troisième mi-temps, y compris Christopher. Le gardien a enfilé son costume et s’apprête à filer rue du Faubourg-Saint-Honoré. L’occasion peut-être de parler un peu au président : « Si j’ai un message politique, c’est plus de moyens pour les hôpitaux. C’est vrai qu’on galère un peu. On lui dira peut-être ce soir à l’Élysée. » Encore un qui a peur de Macron.

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Par Adrien Hémard, à Poissy

Tous propos recueillis par AH.
*Prénoms modifiés à la demande des intéressées.

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