- Serie A
- J11
- Salernitana-Spezia (1-0)
On était à Salerne pour la dernière de Kaiser Franck Ribéry
Franck Ribéry a pris sa retraite sportive ce samedi sur la pelouse du stade Arechi, à Salerne. Une ville qu’il avait rejointe l’été dernier à la surprise générale, mais qui, un peu plus d’un an plus tard, l’a complètement adopté.
Il le redoutait, il ne voulait pas y croire. Mais ce samedi, sur les coups de 14h30, Franck Ribéry (39 ans) ne peut plus faire demi-tour. Bien aidé par l’effervescence du stade Arechi, le Salernitain d’adoption sort du tunnel sous une haie d’honneur pour rejoindre le centre de la pelouse et entame un ultime tour d’honneur qui se termine devant la Curva Sud Siberiano. Laquelle commence à vrombir de plaisir. Sans plisser les yeux, le Français peut apercevoir un tableau de sa ganache sur un deux-mâts, un maillot Zeus à son effigie ou encore une banderole que les ultras viennent de déployer sous ses yeux. « Certaines lumières ne s’éteignent pas. Ciao frérot, vrai champion !!! », est-il écrit. Après quoi, les chants en son honneur s’échappent de l’enceinte en réveillant les larmes du Kaiser. Avant que ses coéquipiers et le staff ne l’enlacent, à tour de rôle. Ce n’est qu’après la victoire de ses nouveaux ex-coéquipiers contre le Spezia Calcio et une ultime ovation des 12 000 spectateurs présents ce samedi après-midi au stade Arechi, enceinte vétuste encerclée par la mer et les montagnes ou les grues, que Franck Ribéry prend la parole : « J’ai déjà beaucoup pleuré pendant la semaine, pas seulement aujourd’hui, tout a été formidable avec l’équipe et le club. »
Hippocampe fou
Effectivement, la veille, ses coéquipiers et le staff lui ont fait la surprise de lui offrir un trône confectionné avec la dernière liquette qu’il a portée. Un maillot grenat qui rappelle forcément celui de Metz, où il a explosé aux yeux du football français il y a vingt ans. La suite, tout le monde la connaît. À commencer par les supporters de la Salernitana, même si ces derniers n’ont pas tout de suite compris pourquoi l’ancien du Bayern Munich avait opté pour leur club. « On a eu quelques champions italiens, notamment Agostino Di Bartolomei qui a joué à l’AS Roma et qui a terminé sa carrière ici à la fin des années 1980, mais il n’y en a pas beaucoup eu, rembobine Pepe, qui tient depuis 1994 un fan’s shop consacré à la culture ultra. Alors, l’été dernier, quand les rumeurs de son arrivée sont sorties, on a d’abord pensé à une sorte de fake news créée pour vendre plus de journaux. Mais c’était fondé et ça s’est concrétisé, ce qui est exceptionnel pour notre petite ville et notre petit club. »
Mela & Pepe du Fan’s shop di Nasti Giuseppe
Comme plusieurs autres supporters croisés avant la rencontre, Pepe insiste sur la particularité de sa ville et de son club. Il faut dire que Salerne n’a pas été habituée à accueillir pareille star depuis 1943 et l’exil du roi d’Italie Victor-Emmanuel III (lors de la fuite du nouveau gouvernement face à la progression allemande, dans le Nord du pays). Pareil pour la Salernitana, club centenaire qui a connu trois refondations dont deux rien que depuis le début des années 2000. Une histoire aussi cabossée que le visage ou le parcours de Franck Ribéry et matérialisée, entre autres, par son emblème : un hippocampe dessiné en 1949 par le peintre et professeur salernitain Gabriele D’Alma, qui en eut l’idée au cours d’une balade sur la plage de Santa Teresa où il vit un cheval de mer se débattre dans les filets fatigués d’un pêcheur. L’hippocampe représenterait la disposition d’un peuple avide de rédemption, comme celui de Salerne. La rédemption, Ribéry connaît aussi, lui qui a été viré du centre de formation du LOSC avant de galérer à signer son premier contrat pro. Critiqué en France après les affaires Zahia ou Knysna et régulièrement moqué pour sa manière de parler, Ch’ti Franck a toujours su rebondir en évitant les vagues avec la bonne humeur qui le caractérise.
Du rire aux larmes
Si les Salernitains se sont d’abord demandé ce que l’ancien faux pied du Bayern venait foutre chez eux après presque deux décennies de haut niveau, ils n’ont pas mis énormément de temps à le comprendre. « Il y a des joueurs qui finissent leur carrière au Qatar, ou en Chine. Mais là-bas, souvent, ils vivent dans leur coin, constate Pepe, présent au stade juste après la fermeture de sa boutique pour prendre des photos des tifosi. Ribéry a fait un choix différent, en venant ici. Celui du football, de la passion. Mais aussi celui d’un endroit et d’une ville solaire, comme Marseille. Chose dont il a dû se rendre compte dès son arrivée, d’ailleurs, car on l’a accueilli chaleureusement. » Grenat comme Metz et solaire comme Marseille, Salerne sied donc à merveille à Ribéry. Ce qui ravit les supporters, lesquels ont également vite cerné et apprécié le personnage. « Il a beaucoup été dérangé par les blessures, mais sa présence a toujours été importante. Parce qu’il a une immense expérience sur la scène européenne et mondiale, mais surtout pour sa personnalité », analyse Amedeo, supporter de 42 ans croisé au pied de la tribune principale avec un maillot de Francky sur les épaules.
À ses côtés, Bruno ne tarit pas non plus d’éloges pour le Français : « C’est une personne exquise, qui a fait des efforts financiers pour venir ici. Puis, au-delà de ça, il est super important dans le groupe. C’est quelqu’un de joyeux et déconneur, mais aussi charismatique et rassembleur. » Autant de qualités qui ont convaincu le club de lui proposer d’intégrer le staff de Davide Nicola, sitôt sa retraite annoncée. Un choix qui peut à nouveau paraître étonnant, mais qui ne l’est en réalité pas du tout au vu du lien qui l’unit à Salerne (où il n’aura pourtant joué que 25 matchs, pour aucun pion marqué). Qu’importe, Ribéry veut rendre au club grenat ce que ce dernier lui a donné l’été dernier quand il quittait la Fiorentina dans un relatif anonymat. « Le football m’a tout donné, j’ai vécu une enfance spéciale et pas facile. Le football a changé ma vie, je dois tellement à ce sport. Je n’oublierai jamais mon parcours, le chemin que j’ai emprunté pour obtenir les résultats obtenus. Je veux transmettre un sentiment d’humilité, de modestie, de respect, d’éducation à la jeune génération. Je peux encore donner beaucoup au football, je veux rendre ce que j’ai reçu et je veux transmettre mon expérience aux autres. » Un souhait que la Salernitana et ses tifosi accueillent à bras ouverts, en espérant ne plus voir pleurer leur frérot de sitôt.
Par Maxime Renaudet, à Salerne
Tous propos recueillis par MR, sauf ceux de Franck Ribéry, recueillis par Sky Sport.