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On était à Fontenay-le-Fleury pour la venue de Julian Draxler et Thilo Kehrer

Par Valentin Lutz, à Fontenay-le-Fleury
11 minutes
On était à Fontenay-le-Fleury pour la venue de Julian Draxler et Thilo Kehrer

Pour la première édition de Rendez-vous en terrain bossu, chapeauté par le Vrai Foot Day, deux joueurs du PSG, Thilo Kehrer et Julian Draxler, se sont rendus à Fontenay-le-Fleury, où ils ont défié le club amateur du FCFF à l'occasion d'une série d'épreuves dans le plus pur esprit du foot amateur. On y était.

Mardi 8 février 2022, 21 heures passées. Sur un terrain synthétique des Yvelines, à quelques encablures de Versailles, dans la petite commune de Fontenay-le-Fleury, d’environ 15 000 âmes, douze footballeurs se livrent à un exercice en vogue, celui du crossbar challenge. Oui, mais voilà, deux d’entre eux sont des joueurs pros, et pas n’importe lesquels, puisqu’ils évoluent au Paris Saint-Germain : Thilo Kehrer et Julian Draxler sont bien là, entourés des équipes 1 et 2 du FCFF, pensionnaire de Départemental 4. L’image semble impensable, du moins issue d’une imagination malade, mais elle est pourtant bien réelle : elle s’est produite dans le cadre de la première édition de Rendez-vous en terrain bossu, chapeauté par le Vrai Foot Day, notre journée d’hommage au foot amateur. Un projet dingue, qui a permis à une trentaine de footballeurs amateurs de rencontrer et de se mesurer à deux pros sur différentes épreuves barrées : traçage de ligne, gonflage de ballon et jongles notamment. Bref, une certaine idée du football amateur.

« Le foot amateur, tu connais »

Les préparatifs ont commencé quelques heures plus tôt, avec comme contremaître, Marc, le président, et comme QG, le club-house, soit une petite salle en tôle ondulée et au sol bétonné, dans laquelle on peut voir, en vrac, des coupes cassées dans un caddy, de la vaisselle oubliée, les maillots d’anciens joueurs, notamment Flavien Tait, et enfin, cinq frigos, dont trois qui ne fonctionnent pas. Marc est le seul à connaître le plan : tous les autres pensent qu’il s’agit d’une simple réunion de mi-saison en la présence de la trentaine de licenciés qui constituent les équipes 1 et 2. À l’origine, un coup de fil passé il y a quelques mois par le Vrai Foot Day. « On m’avait proposé un projet avec un club pro, se marre encore Marc, alors qu’on lui pose un micro. Sur le coup, j’étais un peu interloqué. Et ensuite, on m’a dit que ça serait avec le PSG ! Là, j’ai cru que c’était une blague. » Pourtant, Marc est vite convaincu par l’idée, qui s’inscrit bien dans la politique de ce club centenaire en plein essor depuis l’arrivée en 2021 de nouveaux dirigeants et fort de 500 licenciés, un record. « On essaye de mettre beaucoup de choses en place. On a sensibilisé les jeunes en organisant des collectes de déchets, on a créé trois équipes féminines, on a lancé une mini-série sur notre chaîne YouTube en mode « Sunderland Till I Die ». Après, cet évènement, c’est peut-être le plus grand. Tu sais, on a besoin de visibilité : le foot amateur, tu connais. » Du coup, Fontenay s’est mis en branle, et pendant quelques mois, Marc et Hippolyte, l’alternant du club, ont travaillé d’arrache-pied, dans le plus grand secret. « Vivement que ça se termine ! Je te jure, je ne suis pas quelqu’un de stressé, mais là, j’espère juste que tout se passera bien. »

À 20h pétantes, les Parisiens font justement leur apparition : d’abord Kehrer, puis Draxler. Tous deux vont garer leur berline aux confins d’un parking aux allures de terrain vague, à l’abri des regards indiscrets, mais droit sur une légère pente couverte de mauvaises herbes, qui viennent caresser les pare-chocs. Lorsqu’ils sortent de leur véhicule, vêtus simplement – pantalon kaki et sweat noir pour Kehrer, jean et veste sombres pour Draxler -, l’encadrement leur tend des vestes du PSG. « Je ne la mets pas, balance le milieu en rigolant. C’est pas marqué dans le contrat. » Mais il est déjà l’heure de rejoindre le club-house, où Marc tire son discours en longueur en attendant qu’on lui donne le feu vert. Le moment venu, il se lance : « J’ai vu qu’on a eu quelques difficultés offensives, donc j’ai demandé à une connaissance de nous aider. Julian, tu peux venir ? » Draxler de son nom entre et rejoint son nouveau président. « On a aussi eu quelques problèmes défensifs… Thilo ? » Kehrer suit son comparse. « La tête des gars quand ils sont entrés… Je pense qu’en vrai, ils n’ont pas réalisé, rigole Marc. Ils étaient tellement surpris qu’ils en étaient choqués, je l’ai vu dans leurs yeux. Mais bon, ils n’ont pas hurlé, c’est des mecs fiers. »

À l’ouest de Paris, rien de nouveau

Passé la stupéfaction, on se dirige déjà vers la première épreuve, celle du gonflage de ballon à la main. Pour rejoindre les vestiaires, où se déroule le défi, seules quelques enjambées sont nécessaires, le temps d’échanger quelques mots. L’occasion aussi de découvrir les installations, soit un terrain d’honneur parfait, accoudé à une deuxième pelouse légèrement pentue dont l’herbe est plus haute et à une troisième, synthétique, le tout jouxté par un gymnase en rénovation. Arrivés dans le vestiaire, une petite pièce carrelée à la lumière pâlotte et encerclée de bancs en bois qui n’ont rien à envier à ceux du Parc, les protagonistes se font face : Julian et Thilo à gauche, Cédric et Erwann, désignés par le président, à droite. Les premiers à s’activer, ballon entre les genoux et pompe à la main, sont justement Cédric et Thilo. « Heureusement que tu me filmes de face », balance le Parisien, visiblement vite à l’aise. À l’aise, les pros le sont aussi à la gonfle, puisqu’ils disposent aisément d’amateurs certes pénalisés par un ballon… crevé. Mission impossible pour les uns, victoire pour les autres : au bout de dix minutes, le PSG mène 1-0, comme d’hab. À l’ouest de Paris, rien de nouveau.

À la sortie des vestiaires, les locaux attendent leurs rivaux de pied ferme pour la deuxième épreuve. Les deux formations vont s’affronter sur un traçage de ligne en relais, sur trente mètres, à vue d’œil bien sûr. « Ça fait du bien de revenir aux sources, lâche Kehrer en marchant. Ça m’arrive de retourner dans mon club formateur : les mecs viennent jouer par plaisir : c’est le football pur. » L’épreuve se déroule sur le deuxième terrain, dans le sens de la largeur et à quelques mètres de deux lignes de but, tracées en parallèle. Opportunistes, les locaux se sont déjà rués sur l’engin le plus perfectionné, une machine de guerre rutilante qui pourrait donner des complexes à celle dont s’emparent les visiteurs, visiblement bien moins stable. Draxler et Kehrer n’ont pas perdu le nord et négocient en un rien de temps de s’échanger les machines une fois la mi-distance atteinte. Modiane et Julian sont les premiers à s’élancer. Aux abords de la main courante, on s’esclaffe : « Si on m’avait dit un jour que Draxler et Kehrer traceraient une ligne devant moi avec une machine comme ça… » À mi-parcours, comme attendu, le PSG galère, et Kehrer chambre son collègue : « Julian a une petite maladie, il a toujours tendance à trembler. » De son côté, Fontenay se balade. Et là, c’est le drame, car une fois le changement effectué, l’opposition bascule : Kehrer tient la baraque, quand Harouna, en perdition, se détourne irrémédiablement de la cible, devant un public hilare. À l’arrivée, la ligne parisienne est à peu près droite, celle des hôtes est une catastrophe dans une pure tradition amateur. 2-0 pour le PSG, le match est déjà plié.

« Je me dis que les Parisiens, je les ai un peu mis sur le côté »

Pour Fontenay, il faut donc sauver l’honneur. Le troisième défi est un concours de jongles, sur un principe cher à Denis Brogniart : à la fin, il n’en restera qu’un, et celui-là donnera la victoire aux siens. Sur la route, Julian Draxler se lâche. « On a tous commencé là. Mon frère joue en amateur en Allemagne : c’est la bonne ambiance, tu rigoles, tu joues et ensuite, tu bois une petite bière, tu sais, les six pack, ce n’est pas la pression du monde pro. Mais les pelouses sont super moches en général ; là, je suis surpris par la qualité du terrain. » De fait, l’épreuve se déroule sur un synthétique parfait qui tire sur le vert criard. Une partie de l’équipe y est réquisitionnée depuis que les présentations ont été faites : l’entraînement, visiblement, reste la priorité. Mais la discipline est rompue lorsque les Parisiens pointent le bout de leur nez. Quant à l’épreuve, elle est pliée par les pros en cinq minutes, pourtant en infériorité à deux contre vingt, les amateurs échouant les uns après les autres. Et un, et deux, et trois-zéro, les pros tiennent leur tarif.

Oui, mais voilà, ils se sont pris au jeu, et Draxler propose un crossbar challenge à l’improviste, au grand dam de l’encadrement du PSG. « C’est bon, je vais pas me blesser », tranche-t-il. « Les mecs du PSG se sont un peu lâchés, corrobore Marc. Et nous, on a répondu, parce qu’on aime bien la rigolade. » Il y aura donc une dernière épreuve : dix amateurs contre le PSG. Les sept premiers tireurs, dont Draxler, échouent. Le huitième, Mamadou, se prépare. « Il faut être détendu, c’est pas parce qu’il y a des pros qu’il faut stresser ou avoir peur, explique-t-il quelques minutes après sa tentative. Et le tir, je sais faire, ça fait partie de moi. Quand je la tape, je sais qu’elle va sur la barre. » Elle y va en effet, tout droit même, une réussite accueillie dans l’euphorie. « Je me dis que les Parisiens, je les ai un peu mis sur le côté », expédie-t-il en riant. Oui, car les derniers tireurs, Kehrer compris, ratent à leur tour, tous gênés par un concours de roublardise – obstructions côté pro, punchlinescôté amateur. Pour le FCFF, l’honneur est sauf.

« Eh oh, il est déjà fini, votre entraînement ? »

Pour clôturer la soirée, alors qu’il est environ 21h30, Marc annonce un temps d’échange entre amateurs et pros en direct du club-house. Naturellement, la foule se met en route, bien vite rappelée à l’ordre par le coach des locaux, qui n’a pas perdu le sens des priorités : « Eh oh, il est déjà fini, votre entraînement ? » Ni une, ni deux, la moitié du groupe revient à sa corvée : ce mardi soir, les pros sont du côté amateur. À l’intérieur du club house, où ont pris place une vingtaine de licenciés, Kehrer et Draxler, bouteille d’Oasis dans une main, verre en carton dans l’autre, font le service pour les amateurs. Puis, ces derniers s’assoient sur les chaises orange, les deux Parisiens leur faisant face, assis sur une des tables du club-house. À la première question posée, Draxler regarde son coéquipier et lui fait un signe de tête : « Le plus jeune commence. » Kehrer sourit, mais s’exécute : « Nous, on vient tous les deux de Schalke. J’avais 14 ou 15 ans, Draxler était déjà professionnel, et j’étais ramasseur de balle quand il jouait en équipe première. À l’époque, on avait trois ans d’écart.Ça n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui, le coupe Draxler en riant – Il faut toujours avoir des rêves, des objectifs et prendre du plaisir. » Puis, les questions et les réponses fusent, accompagnées d’une demande particulière, celle de passer le bonjour à Achraf Hakimi. Draxler révèle par exemple que le joueur le plus fort à l’entraînement est, « franchement, le petit arrivé à l’été ». « Ah, Xavi Simons ?, lance-t-on dans le public – Non, le petit Leo, répond l’Allemand. Lui, c’est trop. »

Le tout avant de conclure sur le souvenir de leur premier match en pro. Alors que Kehrer s’était émerveillé de découvrir un club de foot après avoir tanné son père pendant plus d’un an, Draxler se souvient d’un moment plus douloureux. « Mon premier match, j’avais quatre ou cinq ans, j’ai perdu le match 12-1. J’ai dit à mon père :« Plus jamais je ne vais jouer. » » À l’issue de la conférence de presse, ne reste plus qu’à sanctionner le succès des pros, grâce à un diplôme préparé pour l’occasion. À l’heure de tirer de bilan, Marc s’anime. « Ça a été à la hauteur des attentes, du travail entrepris. Sur le terrain, ils ne sont plutôt pas mauvais.(Rires.)Mais en dehors, ils ont été hyper accessibles, disponibles, ils ont pris pas mal de temps pour venir nous voir. » Il nourrit aussi l’espoir que l’évènement pourra apporter de la visibilité au club, qu’il puisse l’aider à se faire une place sur la carte du football français, « en toute modestie », et pourquoi pas, à continuer à mener des projets fous. « Sur le plan sportif, l’idée est de remonter en première division de Départemental en trois ans. Mais surtout, on a un vrai projet socio-éducatif : on va essayer de créer un lieu de vie au club, dans lequel les jeunes pourront avoir du soutien scolaire, par exemple en anglais, avant d’aller jouer au foot. » Peut-être que depuis la venue du PSG, Marc a dans un coin de la tête une autre idée, celle d’ouvrir une option allemand LV2 : après tout, il connaît déjà les deux professeurs idéaux.

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Par Valentin Lutz, à Fontenay-le-Fleury

Tous propos recueillis par VLU

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