- Coupe de France
- Finale
- Marseille-PSG (2-4)
On a scruté le dernier match d’Ibrahimović au PSG
À son image, la dernière rencontre de Zlatan sous les couleurs parisiennes a symbolisé son aventure avec le PSG : un titre national, des buts vainqueurs, une passe décisive et beaucoup de marche. Sans oublier la touche d’arrogance et d’ego qui va avec. Au revoir Ibra, tu nous manqueras.
On joue la 89e minute quand l’histoire d’amour prend fin. Alors qu’il est en train de houspiller Lucas en lui expliquant comment défendre pour récupérer la balle afin de la lui donner, Zlatan Ibrahimović entend le speaker annoncer le changement. Bien sûr, il s’y attendait. Reste que l’émotion est bel et bien présente. Sous un tonnerre d’applaudissements provenant d’une partie du stade, mêlé aux sifflets de l’autre moitié (les supporters de l’OM), le meilleur attaquant de l’histoire du PSG shake Layvin Kurzawa, Laurent Blanc, puis se retourne une dernière fois vers ses fans pour applaudir à son tour sa propre sortie. Une fois la star assise sur le banc, l’écran géant du Stade de France montre un plan serré de sa tronche et de son immense pif. Lorsqu’il s’en aperçoit, le patron se marre avec ses compères. Zlatan est sans doute un peu triste, mais Zlatan est surtout heureux. De son parcours, de ce qu’il a apporté à la Ligue 1, et heureux de l’achèvement de son règne. Car il quitte la capitale sur une nouvelle victoire, un nouveau titre, deux nouveaux buts, une nouvelle passe décisive et une nouvelle performance à la hauteur de sa réputation : talentueuse et outrecuidante.
Les craintes, Ronaldinho et Le Graët
Mais rembobinons la cassette. Deux heures avant, aux alentours de l’enceinte accueillant la finale de Coupe de France entre les deux rivaux historiques du championnat de France, Paris et Marseille, le nom Ibra est loin d’être sur toutes les bouches, comme il est loin d’apparaître sur tous les maillots. À vrai dire, ce sont surtout les fans de l’OM qui en parlent, priant n’importe quel Dieu pour que le joueur se blesse à l’échauffement ou passe à côté de la partie. « Les Parisiens, ils font les beaux depuis qu’il y a Ibrahimović, ilsn’arrêtent pas de nous fracasser, mais après cette soirée, c’est terminé » , lance une supportrice en se dirigeant vers l’entrée du stade. Un discours qui relate à peu près l’état d’esprit du camp olympien. À l’approche du coup d’envoi, quelques « Zlatan, Zlatan, on t’encule ! » se font entendre. Pas de quoi déstabiliser le Z, qui en a vu d’autres.
Pour lui, pas question de terminer comme ces gros nazes de Sušić, Ronaldinho ou Pauleta, pas foutus de quitter le PSG sur une victoire. Pendant que ses buts inscrits en Coupe de France sont diffusés sur l’écran, le Z s’économise à l’échauffement, même s’il régale au toro. Une interrogation reste toutefois en suspens : après le show orchestré lors de l’ultime journée de Ligue 1, qu’est-il prévu pour (par ?) Zlatan ? Va-t-il venir mettre une démo à ces danseurs de hip-hop qui font le spectacle en attendant le début du match ? Ou va-t-il prendre le micro et entonner la Marseillaise ? Bah non, rien de tout ça. Le Suédois a juste le droit à une poignée de main de Noël Le Graët, qui lui chuchote quelques mots à l’oreille et qui prend une petite tape dans le dos en réponse. Une accolade avec Stambouli, une dernière tof avec les joueurs marseillais et c’est parti.
Thauvin, Nkoulou et l’impatience
Cerné par Nkoulou et Rekik, Ibra joue très haut dès l’entame. Pas vraiment une surprise. Sa première accélération, son premier ballon chopé au physique face au défenseur néerlandais et sa première passe pour Matuidi amène la première occasion. Quelques secondes plus tard, le Géant est déjà en train de féliciter son milieu, qui vient de convertir une offrande de Di María. « Bien joué petit. Ce match, ça va être du gâteau » , semble traduire la gueule de l’attaquant. Les minutes suivantes sont moins joyeuses. Quitte à zapper ses partenaires sur les côtés, le Z veut marquer… mais sans courir. En position défensive, son équipe est coupée en deux : dix joueurs + lui. Ça fait quatre ans que c’est comme ça, ça ne va pas changer maintenant. Les autres bossent pour lui et c’est normal. Même quand il perd de manière un peu ridicule le ballon au milieu du terrain, il ne revient pas. C’est qu’il met du temps à se relever, Zlatan. C’est vrai que sortir sur blessure, ce serait con. Après quelques contrôles ratés, une ou deux fautes et beaucoup de marche à petites foulées, Ibra voit l’OM se révolter. Sur l’égalisation de Thauvin, le Z reste stoïque. Mais clairement, le match commence à le gonfler. Ce ne sont quand même pas ses partenaires au niveau L1 ou ces ploucs de Marseillais qui vont lui gâcher sa sortie. Et puis, pour qui il se prend, ce Nkoulou – qu’il ne connaît toujours pas –, à rester dans ses pattes et se frotter à lui dès qu’il s’approche de la quille ?
Si Ibra ne paraît pas dans un bon jour, c’est aussi le cas de ces coéquipiers. Emmerdant quand on veut marquer des buts. Du coup, Zlatan décide de bouger (un peu) et décroche. Sans plus de résultats. Alors évidemment, la coupe est pleine et Ibra s’en prend aux autres. Il débute par Aurier, à qui il reproche de choisir une autre solution que la passe à Zlatan. À la demi-heure de jeu, c’est l’arbitre qui subit les foudres du Suédois. À juste titre : son tir est repoussé par la main de Thauvin devant le but de Mandanda à la suite d’un coup de pied de coin. L’occasion est trop belle pour les fans olympiens. Les « Zlatan, Zlatan, on t’encule ! » résonnent malgré les sifflets du camp d’en face. Ibra pense se consoler avec un coup franc aux vingt mètres provoqué par le soldat Cavani. Mais sa frappe est contrée par le mur, sa deuxième manque d’envie et sa troisième de force. Mains en supination, regards vers le sol, doigt sur le nez… Les gestes d’agacement, certes discrets, se multiplient. Attention Ibra, tu es en train de foirer ta der.
Le penalty, le bonheur et Cavani
Bien bougés par leur entraîneur à la pause, les camarades de Zlatan redémarrent tambour battant pour mettre leur chef en situation de but. Matuidi, qui avait osé rêver du Man of the Match, se fait pardonner en lui obtenant un penalty. Ni une ni deux, l’attaquant va s’emparer du ballon sans rien demander à personne. La concentration est intense, la course d’élan parfaite, le tir nickel, les filets secoués. Le sourire, franc, s’affiche enfin. Toute l’équipe se rue vers son maître, Cavani le premier. Ibra fête ça en tapant les mains des remplaçants, venus honorer sa Majesté sur la ligne de touche, et du boss à la touillette. La joie est marquée et sincère. Zlatan vient d’inscrire son premier but en finale de Coupe de France, le quinzième en treize matchs dans la compétition, le 155e sous les couleurs parisiennes.
La scène est identique à dix minutes du terme. Parti à la limite du hors-jeu, le Suédois remporte son duel avec Mandanda et kiffe la voix du speaker qui gueule son nom. Zlatan vient d’inscrire son deuxième but en finale de Coupe de France, le seizième en treize matchs dans la compétition, le 156e et dernier sous les couleurs parisiennes. Mais Ibra sait également se montrer généreux. Les miettes, il peut les laisser aux autres. Ce qu’il fait entre ses deux pions, en offrant un caviar à Cavani. La réaction incroyable du Suédois après le goal est si représentative du bonhomme qu’elle passe presque inaperçue : le Z lève les bras, ne décolle pas de sa position, comme s’il était l’auteur du caramel, et attend qu’on vienne le remercier. Ce que font d’ailleurs pas mal de Parisiens. Résultat : Cavani est quasiment tout seul à aller célébrer avec les supporters. En marchant, toujours, Zlatan rejoint l’Uruguayen derrière le but (même si c’est l’inverse en réalité). Bel aplomb.
Maxwell, la vanne et la punchline
Zlatan s’en cogne. Personne ne lui reprochera. Après un coup franc envoyé dans les nuages, une petite réprimande à l’attention de Di María, une engueulade évitée de peu avec Stambouli qui se permet de perdre un ballon donné par ses soins, des mains sur les hanches, des accélérations contrôlées, un égoïsme assumé et un coup de gueule à l’arbitre pour un penalty non sifflé sur sa personne, le Z termine sa promenade. Au tableau d’affichage, les lettres de son nom sont encore et toujours inscrites. L’histoire retiendra qu’il fut – comme d’habitude – le héros d’une rencontre (nationale) décisive, sa dernière avec le PSG, contre le rival honni. Et que le titre lui revient de droit. Pour la dernière fois, il sert les pognes des arbitres de l’Hexagone, montent les marches du Stade de France avec l’ami Maxwell, fait une vanne à Di María (la blague de « je te tape l’épaule du côté où je ne suis pas » ) et célèbre le titre avec une tour Eiffel sur le torse. Et lâche son ultime punchline: « Je n’ai pas appris à parler français, mais j’ai tout gagné. Je suis venu, j’ai vu, j’ai conquis. » Il en a le droit. Car sa voix manquera.
Par Florian Cadu, au Stade de France