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Omar Da Fonseca : « C’est Lionel Messi, merde ! »
À la fin de la conférence de presse de présentation de Lionel Messi au Parc des Princes, mercredi dans la matinée, il n'a pas réussi à contenir sa joie. Messi, son Messi, au PSG, son PSG, c'était trop beau pour Omar Da Fonseca, qui a fendu la torpeur dans laquelle était plongé un auditorium du Parc très studieux en se mettant à applaudir et chanter à la gloire de la Pulga. Une réaction qui lui a valu d'enflammer des réseaux sociaux à qui il en faut peu pour se déchirer. Pourtant, le consultant de BeIN, qui officie notamment sur la Liga depuis des années, n'a fait que ce qu'il sait faire de mieux : laisser éclater sa joie de vivre communicative. Entretien à tête reposée.
Quand le patron du petit bistrot du quinzième arrondissement dans lequel Omar Da Fonseca a ses habitudes fait irruption à la table d’à côté, il pointe le logo du FC Barcelone tatoué sur son épaule en riant de bon cœur. « Ah, lui il est énervé parce qu’on lui a piqué Messi. Avant il me disait bonjour, il me servait, hyper sympa, maintenant il veut me casser la gueule » . Évidemment, c’est faux. En revanche, ce qui est vrai, ce sont les messages postés sur les réseaux sociaux accablant le consultant argentin depuis hier d’avoir acclamé Lionel Messi à la fin de sa conférence de presse. Attablé devant un diabolo menthe et une pile de feuilles sur lesquels il a griffonné quelques notes, le commentateur star de la Liga semble un peu dépassé par les proportions prises par son geste. Et, si nous avons bien évidemment évoqué cet épisode avec lui, il aimerait surtout parler de ce qui compte vraiment : Messi.
Il y a 24 heures, tu voyais Messi débarquer au PSG. Tu es redescendu de ton petit nuage, ou pas encore ?Pas encore (rires). Tant qu’on ne le verra pas sur le terrain, on sera encore dans l’illusion, dans l’expectative. Jamais je n’aurais pensé que je vivrais ça à 61 ans. J’ai tellement parlé de Messi, j’en ai tellement rêvé, je l’ai tellement vu, et aujourd’hui il est dans la ville où j’habite, où je suis. Donc je suis un peu euphorique, j’ai de l’adrénaline, désolé.
Tu pensais vraiment que c’était possible, Messi à Paris ?J’avais déjà dit, en déconnant un peu, que si un jour Messi venait, je prendrais trois sièges au Parc des Princes et je m’installerais avec ma gazinière. Nous avons eu Beckham, Ibra, Neymar, Mbappé, Cavani, Alves, Marquinhos, tellement de belles choses que je pouvais le désirer, le souhaiter. Maintenant, c’est une réalité.
Quand on t’entendait commenter les matchs sur BeIN, on pouvait se dire « Omar, il est pour le Barça » . Mais en fait, tu es juste dingue de Messi.C’est exactement ça ! Tout le monde me dit « t’es pour le Barça », alors que j’ai toujours été pour Messi ! Messi, il m’a éveillé des sensibilités, des sensations, des émotions. De par sa manière de jouer, le mec qu’il est, il était dans une équipe et dans un football que je ne pense pas que je pourrai revoir de mon vivant. Aujourd’hui, Messi vient dans une équipe à laquelle je suis lié, déjà parce que je travaille à BeIN et qu’on est dans la même boîte, et aussi parce que j’y ai joué, mais dans un Paris qui était à des années-lumière de ce qu’il est aujourd’hui. C’est un référent international ! Il vient dans notre maison, je vais l’avoir proche de moi, et j’espère le côtoyer et surtout le voir jouer. Pour moi Messi, c’est un joueur de foot. Le reste…
Tu espères le voir jouer dès samedi contre Strasbourg ?Non, il faut lui donner du temps. Je lui disais hier : c’est la première fois que tu déménages ! Le déménagement d’un professionnel, le fait d’aller dans un autre pays, dans une autre ville, il te faut des repères, où tes enfants vont aller à l’école. Pour que lui soit performant, il faut que lui et sa famille aient des bases solides. T’as vu que Ramos lui a proposé d’habiter ensemble ? (Rires) On est souvent dans le côté critique, sévère du football, parce qu’on lit tout avec ce spectre qu’est l’argent. Mais t’imagines Ramos, Messi, même Neymar, ils ont tout connu, gagné, mais ils viennent dans un nouveau défi, ils viennent pour montrer de nouvelles choses. Le poids du résultat, c’est lui qui le porte, il a plus à se faire massacrer qu’à gagner.
Parlons de cette conférence de presse, et de tes chants à la fin. Raconte-nous ce qu’il s’est passé dans ta tête.Déjà, si j’ai offensé ou blessé quelqu’un, je suis le premier à m’excuser, à aucun moment j’ai voulu être malveillant. Mais j’insiste sur le fait que c’était la pré-sen-ta-tion, il y a une différence avec une conférence de presse d’après-match. Là, c’est quelqu’un qui vient dans le club. C’est comme un mariage : le mec, il va dire oui. Et le marié, c’est Messi ! (Rires) Désolé, mais c’est une icône. Nous tous qui étions dans la salle, on aime le football, on est passionnés, et on VIT du football. Celui qui vit du football, pour moi, il doit faire vivre le football. Mais j’accepte qu’on puisse vivre des sensations différemment, en étant tiède, fade, ou moins exubérant que je peux l’être. Moi, j’ai déjà eu la chance d’aller dans des conférences dans d’autres pays, en Turquie, en Argentine, va voir là-bas ! Quand les uns et les autres parlent de l’image que l’on renvoie à l’étranger, ils n’ont jamais mis les pieds là-bas… Je trouve qu’il y a même limite un manque de savoir-vivre de notre part. Normalement, le monsieur qui a signé, on doit l’applaudir à la fin. À la fin du mariage, on célèbre ! On n’avait pas le riz, on n’avait pas les fleurs, mais voilà. Il manquait de la joie. Les gens dans la salle, je me suis demandé : est-ce qu’ils sont contents ? C’est le meilleur joueur du monde qui vient dans notre ville. Je l’ai ressenti égoïstement, je l’avoue.
? @Omar_daFonseca présent en toute occasion ?#PSGxMESSI pic.twitter.com/V5v6CYjONG
— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) August 11, 2021
Les réactions de certains sur les réseaux t’ont surpris ?Quand je vois certains qui se sont exprimés sur les réseaux… Tout le monde me connaît, appelle-moi, on en parle ! « Omar, putain, t’as exagéré » et ciao. Regarde les proportions que ça a pris, pour un acte d’une simplicité… Je ne comprends pas que les autres ne comprennent pas. En plus, moi, je suis consultant. J’ai lu : « Dans ces conférences de presse sont désormais invités tout un tas de gens » , c’est pas élégant. Qui tu es toi pour considérer que le reste c’est un « tas » de gens ? Pareil, quand on dit « à l’étranger, il vont croire… » qu’est-ce qu’ils en savent ?Ça a duré vingt secondes, stop. Moi, j’étais dans un moment de joie simple, de gaieté. Osons, permettons-nous une sorte de douce violence, un brin d’enthousiasme, d’euphorie.
Tu penses que tu aurais fait ça si tu avais été un journaliste « classique » ?Je ne suis pas journaliste, je suis un ex-joueur, j’ai joué au PSG il y a trente ans, et je suis Argentin, donc je le vis avec un grand lien affectif. Je suis encore plus égoïste, mais je peux dire que moi, j’ai passé une journée magnifique ! Vous vous rendez compte, la chance que nous avions d’y être ? Des milliards de personnes auraient voulu être au Parc voir ce petit être humain en costard-cravate. Arrêtons de nous limiter. Ce n’est que du football, ce n’est qu’un jeu. Cette histoire, c’est une différence d’interprétation et ça défavorise le football. Pour moi, le sport va vers l’échange, la communication, qu’on crie, qu’on s’embrasse, qu’on pleure, qu’on rie : qu’on ait des émotions. Ce qui me chagrine, c’est de devoir me justifier de témoigner de la reconnaissance que j’ai envers Messi. Je dois me justifier d’aimer.
Quand tu commences à applaudir, personne ne te suit. Ça t’a surpris ?Oui je suis surpris, surtout au début ! Au début je commençais simplement par applaudir. C’était un automatisme. L’union est faite, on applaudit. C’est instantané, putain ! On est venus pour ça, maintenant que c’est fait, comment tu peux m’empêcher de faire ça ? À aucun moment je n’aurais imaginé qu’il n’y aurait que moi. Je ne veux pas dire que c’est une norme. C’est Lionel Messi, merde ! Je n’ai pas besoin de me justifier d’aimer. J’ose croire, je me permets, qu’à partir du moment où il a entendu « Messi ! » il s’est senti mieux accueilli. On s’en est parlé après, il m’a dit « je ne t’ai pas bien reconnu, mais je pensais que c’était toi » . Moi j’aurais bien aimé quand je suis arrivé, quarante ans en arrière, qu’un vieux con d’Argentin vienne et me crie « Omar ! Omar ! » .
? Peut-être aurais-je dû le repousser… ? pic.twitter.com/euY5bHufb3
— Omar da Fonseca (@Omar_daFonseca) August 12, 2021
Sortons un peu de cette conférence de presse. Globalement, tu as aimé l’accueil réservé à Messi par les Parisiens ?Oui, bien sûr. Eux-mêmes, Messi, le papa, la famille, ils ont adoré. Nous, on a parfois des phrases faciles de dire qu’on n’a pas de culture foot, pas d’esprit sport. Ça me gêne énormément. Ce qu’ils ont remarqué, eux, c’est le contraire. On a cette étiquette de ne pas être un pays de foot, mais c’est faux ! Tout le monde est venu, de Paris, de la banlieue, toutes sortes de personnes, des jeunes, des femmes, des anciens, des grands, des petits, des maigres, des enfants. Quand il est sorti, ils ont allumé les fumigènes ! Ce spectacle, c’est ce qui a été retenu et apprécié. Messi, il va beaucoup plus se nourrir et beaucoup plus apprécier ce moment quand il est sorti et qu’il a vu les gens que quand Omar Da Fonseca a chanté tou seul comme un con. Le sportif, il a besoin de ça. On dit que le bruit qui descend des tribunes, c’est régénérateur, ça « gonfle ». Et je trouve que de ce côté-là, pendant trois jours, on a vu du monde au Bourget, au Parc, j’ai rencontré des gens venus de Belgique, j’en ai rencontré un qui venait de Mulhouse ! L’impact que le public de Paris a montré, ça a été à la hauteur de ce que représente Messi, et ça dépassait même les attentes de son entourage.
Beaucoup on regretté que Messi ne termine pas sa carrière à Barcelone. Est-ce que tu partages cet avis ?Pour moi, il a été fidèle à Barcelone. Rester aussi longtemps, c’est une forme de fidélité. Les choses se sont rompues pour des raisons que j’ignore, et il vient dans un autre pays, dans un autre club. Au contraire, je trouve que ça donne une image que le sportif est toujours dans l’ambition, il ouvre une nouvelle étape, il doit faire des efforts d’adaptation. C’est un défi. Il faut qu’il gagne, qu’il soit bon. Est-ce que partir, ça veut dire qu’il a trahi Barcelone ? Je ne ressens pas ça. Aujourd’hui, il est à Paris, profitons de lui, et qu’il se déguise en footballeur le plus vite possible car ce que l’on veut, c’est le voir sur le terrain. C’est planétaire, tout le monde attend Messi. Ça va faire drôle de le voir avec ce nouveau maillot… Désolé, mais moi ça me titille, ça me chatouille, de le voir avec ce petit maillot bleu, avec l’écusson de Paris !
Est-ce qu’avec le départ de Messi, un petit bout du Barça n’est pas mort ?Il y aura un avant et un après Messi, c’est évident. Le vide de sa personne, de son influence, l’habitude que nous avions tous de le voir, c’est inévitable. À Barcelone, on attendait toujours qu’il sorte sur le terrain pour le voir, et quand il ne jouait pas, on le cherchait dans les tribunes. Cette routine qui nous plaisait énormément, en tout cas moi personnellement, n’existe plus. Mais la vie est cyclique. Tout change, tout progresse. L’équipe va être amoindrie ? Je n’en sais rien. De façon purement individuelle, évidemment qu’on va se demander qui va marquer les 30-40 buts par an. On peut aussi penser que d’autres joueurs vont se sublimer, avoir plus de liberté, d’ambitions parce que l’ombre de Messi ne sera pas là. De toute façon, on savait que d’ici 2-3 ans, il partirait de Barcelone.
En tant que commentateur, tu ne vas plus pouvoir raconter ses matchs chaque week-end. Est-ce que ça va te manquer ?Je n’ai pas encore vécu le Barça sans Messi, donc je ne sais pas comment je vais le vivre. Mais en même temps, je crois au football. Tout ce que Messi m’a apporté d’un point de vue sensibilité, émotions, je ne peux pas tout oublier, mais à Barcelone il y a quand même une équipe importante, de beaux joueurs. Je commente de super matchs, j’espère qu’on pourra retourner sur le terrain, parce que c’est ça qui me plaît.
Au niveau du jeu, est-ce que le PSG est la bonne équipe pour accueillir Messi ?Pour moi, ce n’est pas une recrue, c’est un renfort. C’est quelqu’un qui va apporter plus. Quelqu’un qui a une connaissance absolue de tout. Lui, il a déjà connu les grands événements, les grands matchs, les grands stades, il a vécu tous les scénarios, les matchs nuls, les remontada, il est dans une espèce de plénitude. C’est un mec qui a une virtuosité, tu le mets ici (il montre du doigt le petit parc situé à côté du café) à onze contre onze, ou tu le mets en Ligue 2, le mec sera forcément le meilleur joueur. La pierre précieuse, même quand tu la plonges dans la boue, tu la nettoies et elle reste quand même précieuse. Et tu imagines : il va jouer à côté de Mbappé, Di Maria, Neymar, Paredes, Marquinhos, Ramos, Hakimi… Je ne peux pas imaginer que tout ça va le banaliser, au contraire, ça va le bonifier ! Si tu fructifies Messi, c’est pas pareil que quand tu fructifies « Papadopoulos » ! Toutes les conditions sont réunies, les feus sont vert fluo. En Argentine, on dit que dans une équipe, il y a toujours des joueurs qui rejettent la lumière, il y en a qui l’attirent et il y en a qui la produisent. Messi, Neymar, Mbappé, ce sont des centrales nucléaires. Certains craignent pour les égos, mais je pense que les égos se ressemblent et s’assemblent. Mbappé, quand Messi va lui mettre des ballons, ou quand Messi va faire 257 une-deux avec Neymar, ça va être quelque chose.
Pour finir, et même si c’est sans doute impossible, tu peux nous résumer ce que Messi représente pour toi, en un mot ?Messi, c’est l’instrument que j’aurais voulu jouer devant tout un théâtre. C’est le petit nounours avec lequel tu t’endors quand tu es enfant. C’est le représentant le plus exact d’une perfection footballistique, si ça existe. C’est le petit chien qui court derrière la balle. C’est le joueur que j’aurais voulu être. Je le dis tout le temps : qui n’aurait pas rêvé d’être Messi ? C’est une référence planétaire, tout le monde voulait l’avoir. Aujourd’hui, il est au Paris Saint-Germain. Messi, c’est l’élu. En tout cas, c’est mon élu.
Propos recueillis par Alexandre Aflalo