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OM Champions Project, place à l’acte II
Le peuple marseillais a vaincu. Après des semaines de révolte, marquées par la prise de la Commanderie le 30 janvier, les supporters olympiens ont obtenu gain de cause : Jacques-Henri Eyraud a été démis de ses fonctions, remplacé par Pablo Longoria, tandis que Jorge Sampaoli débarque pour deux ans et demi sur le banc. Trois décisions fortes annoncées par un même communiqué, qui posent peut-être plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.
« Eyraud doit comprendre qu’il n’est pas à sa place. Il a fait la démonstration qu’il était certainement doué pour plein de choses, mais en tout cas pas pour diriger un club de football comme l’Olympique de Marseille. » Le 2 février dernier sur France Info, Bernard Tapie démontait publiquement Jacques-Henri Eyraud, trois jours après les incidents de la Commanderie. Trois semaines plus tard, le « boss » marseillais et le peuple olympien soufflent un grand coup : « JHE » n’est plus le président de l’OM. Frank McCourt s’est rendu à l’évidence en écartant celui qui était son homme de confiance depuis le début du projet en 2016. Un choix fort, attendu, qui pose plusieurs questions.
Jacques-Henri Escroc
Une fois passée l’euphorie, les supporters marseillais auront un goût amer en bouche : débarqué, Eyraud est toutefois nommé au conseil de surveillance du club, signe que McCourt n’a pas totalement perdu confiance en lui. Mais entre « JHE » et Marseille – on ne parle même plus du club, mais de toute la ville -, le divorce était devenu inévitable. La faute à plusieurs graves erreurs de communication, allant de l’épisode de la « tisane » à celui des « Marseillais trop nombreux au club », en plus des résultats sportifs loin des promesses faites en 2016. Derrière ces provocations maladroites (?), signées d’un homme connu pour son goût pour le conflit, il fallait surtout voir une fracture : celle entre un président à la tête d’un club qu’il n’a jamais compris, dans une ville qu’il n’a jamais comprise. « Eyraud n’aime ni Marseille, ni les Marseillais, ni la mentalité marseillaise », nous assurait il y a peu Éric Di Meco, faisant partie des nombreuses personnalités à demander son départ.
Dernier coup d’éclat d’Eyraud : l’Agora OM, une refonte utopique et totalement hors sol du supportérisme marseillais, avec pour but caché de virer les groupes ultras des virages, comme il l’avait fait avec les Yankees en 2018. Par ce projet ubuesque, JHE avait réussi l’exploit d’unir toute la cité phocéenne et tous les bords politiques contre lui. À jamais le premier. Son départ n’était donc plus qu’une question de temps. Restait à lui trouver un remplaçant. Les Marseillais souhaitaient un président qui connaisse le football et qui comprenne leur ville : Pablo Longoria a au moins la première de ses qualités. Et nul doute que la deuxième est en cours de validation. « L’histoire et la culture de ce club sont véritablement uniques. Le football est inconcevable sans passion », a ainsi tenu à rassurer l’Espagnol dès sa nomination à 34 ans, ce qui en fait le plus jeune président de l’OM depuis 1909.
Le Longoria Project
De quoi augmenter encore un peu plus la cote de sympathie de Longoria sur le Vieux-Port. Car depuis sa nomination en tant que directeur sportif, l’Espagnol s’est vite mis la Canebière dans la poche grâce à ses bons coups sur le mercato, réalisés sans un rond (Milik, Balerdi, Cuisance, Nagatomo, Ntcham…), tout en expédiant des gros salaires vers la sortie (Strootman, Sanson, Mitroglou…). Une efficacité redoutable, à tel point que certains commencent à parler de Longoria Project, tant le nouveau président avait les rênes du club en mains ces dernières semaines. Et après avoir eu la tête de Villas-Boas, avec qui les relations étaient froides, Longoria vient d’avoir celle du président Eyraud, qui avait une totale confiance en lui. Alors faut-il s’en méfier ? Ou était-il simplement au bon endroit, au bon moment ?
« J’ai confié la présidence du club à Pablo. Son expérience en tant que directeur sportif et recruteur de talents n’a d’égal que son amour du jeu. Sa principale priorité sera de remettre le football au cœur de l’OM », a justifié Frank McCourt. Derrière ces décisions, on peut aussi voir un retour aux affaires de l’Américain, jugé déconnecté et trop lointain par ses supporters. En tout cas, ça y ressemble bien. D’autant que le Bostonien a annoncé sa venue dans la cité phocéenne la semaine prochaine. Enfin. « L’âme de Marseille m’a séduit au moment d’acheter le club. J’arrive à Marseille, et j’ai hâte de faire connaître ma vision de l’avenir directement auprès des supporters, notamment en ce qui concerne les projets de développement et d’investissement pour les prochaines générations.(…)Je demande à tous nos supporters de s’unir et de nous soutenir au moment d’ouvrir ce nouveau grand chapitre », a promis le propriétaire de l’OM, qui mènera cette opération de re-séduction auprès des « groupes de supporters, des chefs d’entreprise, des élus et des représentants des pouvoirs publics », précise le communiqué du club.
Enfin, dernière question posée par ce communiqué : Jorge Sampaoli est-il l’homme de la situation pour Marseille ? Intronisé entraîneur de l’OM jusque 2023, l’Argentin a visiblement conscience d’où il met les pieds, c’est déjà ça. À l’écouter, c’est même ce qui l’a séduit : « On m’a dit toute ma vie que l’OM est une passion. Que l’Orange Vélodrome s’allume quand l’équipe se rend au stade. Marseille est un club du peuple et je me sens moi-même dans cette chaleur. On n’est pas là pour se cacher : on va jouer dur.(…)Dans le monde, il y a des endroits calmes et des endroits intenses. Ce sont ces derniers que je veux et j’ai accepté sans hésiter. » Mais le fait est qu’en dehors de ses succès avec le Chili, Sampaoli n’a ni duré ni convaincu lors de sa seule expérience européenne à Séville. Présenté comme un « grand tacticien » , adepte d’un « jeu d’attaque » , Sampa va devoir rallumer la flamme, après que McCourt vient d’éteindre l’incendie. L’acte II du Champions Project vient de démarrer.
Par Adrien Hémard