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Oh Dia Dia, y a pas Boulaye Dia Dia
Grâce à une splendide bicyclette qui a laissé Keylor Navas sur les rotules dans le temps additionnel, Boulaye Dia a donné encore plus de pep’s à la victoire rémoise au Parc des Princes ce mercredi soir (2-0). Le deuxième but de la saison après celui inscrit au Vélodrome pour un gamin de 22 ans qui a bien failli passer à côté de son destin.
Trois minutes sont écoulées dans le temps additionnel ce mercredi soir au Parc des Princes. Boulaye Dia se trouve au niveau du point de penalty, dans le dos d’Abdou Diallo et hors de portée de Thomas Meunier. Reims mène au score, s’apprête à faire tomber Paris pour la première fois de la saison dans son jardin, mais Dia en veut plus. Sur ce centre côté droit de Thomas Foket, le numéro 11 rémois s’envole et expédie un ciseau qui laisse Navas, Diallo et tout le Parc des Princes sans réaction. Un chef-d’œuvre en forme de cerise sur le gâteau d’un match plein et abouti, célébré avec ses coéquipiers et un staff qui lui fait de plus en plus confiance depuis son arrivée en 2018. « Quand le ballon vient, je ne me pose pas de questions, c’est la dernière minute alors je tente la volée et ça me réussit » , commentait en zone mixte un Dia aux anges après la rencontre. Une soirée hors du temps, qui ne suffit pas non plus à faire oublier au natif d’Oyonnax d’où il vient. Qu’il y a deux ans à peine, sa signature en National 2 à Jura Sud lui permettait d’arrêter de bosser à l’usine pour subvenir aux besoins de sa famille. L’histoire d’une ascension express qui aurait très bien pu ne jamais exister.
Rajoute Boulaye et du persil
Sixième d’une fratrie de sept enfants, c’est donc à Oyonnax, véritable terre de rugby, que Boulaye fait comme tous ses frères et prend sa première licence au Plastic Vallée FC. « Boulaye est d’Oyonnax, il a fait toutes ses classes depuis qu’il est petit au club. Ses frères sont passés par le club, le papa, on le voit encore. C’est une grande famille » , raconte Fabrice Niard, son coach en seniors au club. Dia a d’ores et déjà des envies de percer au plus haut niveau, mais sa progression est ralentie par des essais non concluants à droite et à gauche. Il y a aussi ces deux années en U15 et en U17 Nationaux du côté de Jura Sud, le gros club du coin à vingt minutes de chez lui.
Une expérience qui tourne finalement court, et à 18 ans, Boulaye Dia est déjà de retour au Plastic Vallée FC. « À l’époque des U19, je l’ai récupéré dans mon équipe senior. Il était surclassé. Je l’ai vraiment découvert à ce moment-là, même si je le connaissais un petit peu à l’époque de réputation, car plusieurs clubs professionnels étaient sur lui. » En parallèle, Dia empoche son bac pro en électricité et doit mettre ses rêves de devenir footballeur pro entre parenthèse. Ses grands frères ayant quitté le cocon familial, son papa ayant des soucis de santé, il doit désormais filer un coup de main au quotidien : « Je me suis dit que c’était momentané, juste histoire de quelque temps, ensuite j’allais pouvoir me concentrer un peu plus sur le foot. J’avais le choix, mais pour moi, c’était tout à fait normal » , racontait-il à France Football en mai dernier. Une période où Boulaye doit travailler le jour à l’usine, s’entraîner le soir et jouer au niveau régional le week-end. « À cette époque, il fallait qu’il travaille. Le travail, sur Oyonnax, c’est souvent l’usine, reprend Fabrice Niard. Tout le monde à l’époque avait néanmoins constaté ses qualités, les coachs adverses me demandaient en permanence d’où venait Boulaye. De mon côté, je suis peut-être trop exigeant, mais je trouvais qu’il était parfois trop laxiste, trop à s’amuser plus qu’à être dans la compétition. Il m’avait d’ailleurs dit :« Je serai sérieux lorsque je jouerai plus haut. » Il sentait qu’il était bien au-dessus de ce niveau-là. »
Dia du Jura
La lumière arrive enfin à l’aube de la saison 2017-2018. Pascal Moulin, coach de la N2 de Jura Sud, flaire le bon coup et veut redonner une chance à Dia dans son club. À sa manière. « Je connaissais ses qualités, je l’avais vu jouer en R2-R3, mais je voulais que ce soit lui qui fasse la démarche, qu’il me contacte. Pour cela, j’ai fait passer le message à certains joueurs qui le connaissaient, car c’était important que cela vienne de lui. Il a mis un peu de temps à m’appeler, mais il l’a fait. » Boulaye Dia a alors 20 ans, et ne sait pas encore que sa vie va enfin basculer du bon côté : « On a eu une bonne discussion tous les deux, enchaîne Pascal Moulin. Je voulais bien connaître le jeune homme pour lui permettre ensuite de s’exprimer pleinement. Il avait des grands frères, mais il était tout seul avec ses parents et son petit frère et devait travailler à côté pour ramener des sous à la maison. Le fait de pouvoir enfin gagner de l’argent grâce au foot, et seulement en jouant, lui a enlevé un poids, même si le travail à l’usine lui sert tous les jours. Car il sait ce que c’est, maintenant, d’aller à l’usine la journée et de s’entraîner le soir. »
Car seulement huit jours après cette entrevue et un premier contrat amateur, Moulin insiste pour offrir un contrat fédéral de trois ans au jeune Oyonnaxien. Une rareté dans le milieu : « Il avait signé un contrat amateur en arrivant chez nous. Mais au bout de huit jours, j’ai dit à mes présidents : « On va faire quelque chose que je n’ai jamais fait depuis que j’entraîne à ce niveau-là : on va signer Abdoulaye trois ans en contrat fédéral. » J’étais convaincu de ses qualités. Pas mal de gens autour du club ont dû en rire, mais le fait est que je connais un petit peu mon métier. Je savais qu’il avait un tel potentiel qu’il pouvait aller au-dessus. »
Une ascension continue
À Jura Sud, désormais débarrassé de la pression économique, Boulaye Dia s’éclate et explose tous les compteurs en claquant 14 buts en à peine 21 matchs de National 2. Une saison pleine en partie due à une attention de tous les instants selon Moulin : « Boulaye a une grande capacité d’écoute. Chaque conseil qu’on lui donnait, il le mettait en pratique derrière. On a aussi travaillé dans la finition, sur ses appels de balle de l’axe vers le côté et du côté vers l’axe. Il lui restait évidemment des points d’amélioration, qu’il a ensuite bossés à Reims, comme le jeu dans les petits espaces, comment se retourner… Son travail paye aujourd’hui »
Car oui, le Stade de Reims insiste et fait déménager Boulaye Dia dans la Marne après une saison à peine du côté de Jura Sud. Dans le club de Jean-Pierre Caillot, le jeune attaquant passe les étapes une par une, fait ses débuts en Ligue 1 face à Angers le 20 octobre 2018 et est désormais titulaire à part entière. La suite logique des événements, à en croire son ancien mentor : « Je ne suis pas surpris, il fallait être patient avec lui, et Reims pour ça était le club qu’il lui fallait. Ils ont pris le temps de le préparer à venir tout doucement en Ligue 1. Il a réussi à rester dans le groupe pro quand on lui a donné sa chance, aujourd’hui il est titulaire. Je l’ai revu à Reims il y a peu, et il n’a pas changé. Parfois un peu réservé, mais toujours avec un grand sourire et des yeux grands ouverts. C’était son rêve de devenir pro, mais il est plein d’envie pour ne pas s’arrêter en si bon chemin. » À coups de bicyclette ou non.
Par Andrea Chazy