- Finale U18 R1
- Niort-Poitiers (2-1)
Niort-Poitiers U18 : la suprématie par la formation
La trêve estivale pointe le bout de son nez, la plupart des joueurs professionnels sont en vacances, et ce lundi soir, après un ultime duel entre les Bleus et la Croatie, la saison 2021-2022 tirera sa révérence. Mais aux quatre coins de l'Hexagone, loin de cette Ligue des nations dont le règlement est aussi flou que l'enjeu, certaines équipes de jeunes jouent encore leur avenir dans des matchs couperets. Exemple à Saint-André-de-Cubzac, dans la région bordelaise, où les U18 des Chamois niortais et du Stade poitevin ont croisé le fer une ultime fois, pour décrocher le Graal : une accession en U19 nationaux.
Le ciel est bleu, la brise est légère, le soleil est haut, les supporters se mettent à l’ombre, et à la 22e minute, l’arbitre interrompt le jeu pour permettre aux 22 acteurs de s’hydrater. Pas de doute, l’été est bien au rendez-vous ce samedi 11 juin à Saint-André-de-Cubzac, pour la finale régionale U18 de Nouvelle-Aquitaine entre les Chamois niortais et le Stade poitevin. Après une saison en championnat où les deux équipes se sont croisées deux fois, et des demi-finales de play-offs bien négociées respectivement face à Pau et Bergerac, cette finale sur terrain neutre oppose une dernière fois les deux gros poissons de leur catégorie dans le Sud-Ouest. Derrière cette affiche qui fleure bon le Poitou-Charentes, un enjeu capital : accrocher une place au niveau national en U19 la saison prochaine.
Les U19 nationaux, dommages collatéraux de la pandémie à Niort
Beaucoup plus qu’une simple montée sur le plan sportif, il s’agit d’un statut « qui détermine la suprématie locale, et qui offre un gage certain de qualité de formation », selon Franck Azzopardi. Le directeur de la formation des Chamois, reconverti après sa longue carrière de joueur, avait assisté impuissant à la décision de la direction du club, en 2020, de retirer son équipe de l’échelon U19 national. « Cela avait été justifié de deux manières. D’abord, sur le plan économique : on sortait à peine de la première vague de Covid, et une équipe à ce niveau, ça a des frais, détaille-t-il. Ça implique des déplacements lointains, un entraîneur diplômé au minimum du DES(diplôme d’État supérieur). La deuxième raison était plus vaseuse. On nous avait dit qu’avoir une équipe de U19 nationaux, ça nous obligeait à garder des joueurs dont on savait pour la plupart qu’ils ne pourraient sûrement pas viser plus haut. » Comprendre : des joueurs insuffisamment dotés pour prétendre évoluer ensuite avec le groupe réserve en National 3 et, à terme, en Ligue 2. Mais deux ans plus tard, la donne – et la direction – a changé, à Niort, et dès le mois de septembre dernier, l’équipe des U18 n’a eu qu’une idée en tête : reconquérir sa place au plus haut niveau dans la dernière catégorie de jeunes, pour son plus grand bonheur. « Quand on est un club avec un centre de formation, c’est la meilleure formule : U17 et U19 nationaux, N3, et les pros. Là, il y a un peu trop d’écart entre les U18 régionaux et la réserve, et ça dessert les gamins. »
Cholismo, claquage et opération séduction
Pour cela, les favoris des Deux-Sèvres doivent encore passer sur le corps du Stade poitevin. Voisin régional et rival sérieux chez les jeunes, les Dragons sont bien décidés à terminer leur saison en apothéose, pour accéder au niveau qui leur permettrait de devenir un nouveau point d’ancrage local. Le décor est posé, les joueurs entrent sous les bravos, et autour de la main courante afflue l’assistance. Pierre est là pour encourager le Stade, lui qui serait sur la pelouse au poste d’arrière central, s’il n’avait pas pris un carton jaune synonyme de suspension lors de la demi-finale. « Je savais pas que ça comptait ! Si j’avais su, je n’aurais pas fait le con », lâche le grand dadais, un brin frustré. Une chose est sûre, il ne se serait pas ennuyé, puisque dès le coup d’envoi, c’est Niort qui s’approprie le cuir et met à l’épreuve l’arrière-garde pictavienne. David, un ancien pensionnaire du Stade poitevin devenu Chamois, manque d’ouvrir le score contre ses anciens coéquipiers d’une frappe du droit trop écrasée. Les sauvetages s’accumulent sur la ligne des Dragons ; mais ce sont pourtant bien eux qui concluent une combinaison sur coup franc à faire pâlir Kevin De Bruyne, sur l’une de leurs seules incursions en territoire niortais. À 1-0 à la pause, la leçon est claire : le cholismo est encore bien vivace.
Même rengaine au retour des vestiaires : Niort tient le cuir et part à l’abordage, mais Poitiers résiste fièrement. Un effort qui confine à l’héroïsme, lorsque à la 75e minute de jeu, ils sont toujours devant à la marque, après avoir été réduits à dix en début de seconde période. C’est le moment choisi par Enzo, le latéral gauche niortais, pour enfiler son costume de David Alaba et envoyer une merveille de coup franc dans la lunette des Noir et Blanc. L’espoir de réaliser le casse du siècle s’estompe dans les têtes poitevines, et s’évapore pour de bon, de la pire des manières, à la 90e quand au bout d’un cafouillage trois étoiles sur corner, un défenseur niortais surgit pour pousser laborieusement la gonfle derrière la ligne. 2-1, score final. Les supporters des Chamois, c’est-à-dire les familles des joueurs et les jeunes du club ayant fait l’effort de venir encourager leurs aînés, exultent. Contrat rempli pour Johan Agnel, le coach deux-sévrien à l’accent marseillais. « Dès le 26 juillet, la montée en U19 Nat’, c’était l’objectif, confirme-t-il, visiblement soulagé. Je suis très heureux, cette saison a été fatigante pour tout le monde, on va pouvoir souffler et fêter ça. En revanche, je crois que je me suis claqué après le deuxième but, j’ai fait une course de 40 mètres ! »
Fin de saison ? Pas pour tout le monde. Pour Franck Azzopardi, un nouveau chantier vient tout juste de s’ouvrir avec cette accession. « Maintenant, les joueurs, il va falloir les garder. Et pour ça, il leur faut une proposition de contrat digne de ce nom. Cette année, ils ont 18 ans, ils deviennent autonomes, et il faudra leur proposer quelque chose d’intéressant pour qu’ils restent au club. Le niveau de la poule sera très relevé, la saison prochaine, mais ça ne suffit pas à les faire rester. » Voilà justement Enzo, l’un des buteurs de l’après-midi, qui s’approche pour prendre congé. « Enzo, on se fait une visio lundi avec ton père pour discuter, OK ? » Le coup d’envoi du mercato est donné.
Par Paul Citron, à Saint-André-de-Cubzac
Tous propos recueillis et photos par PC.