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Mourad Boudjellal et l’OM, les clés d’une idylle
Malgré les coups de frein de Jacques-Henri Eyraud, Mourad Boudjellal n'en finit plus de pousser sa candidature à la tête de l'OM, lui qui serait le « porte-drapeau » d’un projet de rachat par un fonds saoudien. L'ancien patron du rugby à Toulon semble avoir en tout cas en main quelques atouts pour faire de son rêve une idylle avec le club phocéen...
« Je confirme que je suis porteur d’une offre pour le club de l’OM, de fonds du Moyen-Orient. » La phrase est signée Mourad Boudjellal, sur RMC, ce vendredi. Elle vient alors confirmer l’information de Nice-Matin l’envoyant à l’OM en tant que futur patron, à la tête d’un projet encore flou de rachat. Une nouvelle à rebours de l’actualité, puisque l’ancien président du RCT, avait trouvé un accord avec Claude Joye pour prendre les rênes du Sporting Club de Toulon (National 2). Jusqu’ici, cela ressemble surtout à une belle opération de comm’ réalisée à moindre frais. Et quand on lui demande dans L’Équipe pourquoi toute cette esbroufe, l’intéressé ne se débine pas : « C’est la décision stratégique qui a été prise de s’afficher au grand jour. C’est une façon de faire un contre-pied. On est sûrs de notre proposition et de la viabilité de notre offre. » Dans sa besace, Boudjellal emmènerait des fonds saoudiens, privés et étatiques, le tout ficelé par, d’après l’AFP, l’homme d’affaires franco-tunisien Mohamed Ayachi Ajroudi. Un projet « pharaonique », selon les propres mots du Toulonnais, avec pas moins de 700 millions d’euros d’entrée. Une enveloppe qui devrait permettre de racheter le club, éponger les dettes et recruter cet été. Mais que les supporters olympiens ne sautent pas au plafond : le président Jacques-Henri Eyraud continue d’assurer que « l’OM n’est pas à vendre », comme ce samedi en conférence de presse.
Un candidat sans parachute
Pourtant, la perspective de voir Mourad Boudjellal président de l’OM a de quoi intriguer. Personnalité clivante au franc-parler légendaire, self-made man (il reliait lui-même ses propres BD avant de lancer une société d’édition qui culminera à 40 millions d’euros), passionné, il s’est fait connaître en 2006 au moment de reprendre en main les destinées d’un RC Toulon ramant alors en deuxième division. Sept ans plus tard, le RCT signait un triplé inédit sur la scène européenne entre 2013 et 2015. Un savoir-faire (autant qu’un faire-savoir) et un leadership déjà loués par un certain Bernard Tapie. « Saoudiens, Martiens, qu’importe le pognon. Il faut un taulier, et il est de cette trempe, assurait l’ancien boss de l’OM à Nice-Matin. On ne peut pas dire que c’est un inconnu dans la région. Il a démontré ses compétences pour diriger un club de sport. Franchement, ça ne serait pas une mauvaise nouvelle. » Parmi les promesses d’une campagne naissante, Mourad Boudjellal ne cesse de mettre en avant un retour aux valeurs locales, une volonté de « redonner une identité méditerranéenne à l’OM ». Un projet ambitieux sur le papier, qui intéresserait jusqu’au sommet de l’État, puisque le Varois a lui-même confié que le président Macron suivait de près cette affaire, en faisant d’ailleurs un gage de crédibilité : « Si l’Élysée m’a appelé pour prendre des infos, c’est que c’est du sérieux. »
Difficile pourtant de suivre Boudjellal, lors de ces dernières semaines. Après son insistance pour redorer le blason du Sporting Club de Toulon, on l’a ensuite annoncé au chevet de l’Athlético Marseille, avant donc qu’il ne saisisse en plein vol cette occasion de diriger l’Olympique de Marseille. Pour L’Équipe, celui-ci faisait samedi un point étape : « Ma priorité, c’était le Sporting de Toulon. Mais, dès le début, ça ne s’est pas bien passé. Puis j’ai rencontré Cyril Hanouna et un avocat(Stéphane Hasbanian)qui m’ont parlé d’un grand projet sur Aix (avec l’Athlético).[…]Ça a capoté car le club a été relégué en Division régionale pour des raisons administratives. » S’ensuivront « un nouveau clash » avec Toulon et donc, « vers la fin du confinement », cette proposition de devenir le « porte-drapeau » d’un groupe de repreneurs lorgnant sur l’OM. On n’aura jamais vu autant d’en-avants dans une seule partie, ce qui n’a pas manqué d’irriter les supporters toulonnais.
Un roman de science-fiction à mettre en couleur
Qu’importe, Mourad Boudjellal s’accroche à ce rêve de se frotter au monde du foot, lui le transfuge de l’ovalie. « Quand j’ai repris le RCT, quelqu’un avait dit :« Gérer un club de rugby, c’est autre chose que de mettre trois BD sur deux étagères », assurait-il à Sofoot.com. Tout le monde me dit que le foot, ce n’est pas le rugby. Certainement. Mais on va s’adapter. » Ce défi a beau encore relever de la « science-fiction », lui faisant encore un peu « peur », cela reste à ses yeux « un truc incroyable » à vivre. Après tout, pourquoi ce personnage volcanique ne correspondrait pas un club qui se met aussi facilement en fusion que l’OM ? Le club est en quête d’un président fédérateur et charismatique depuis le départ de Pape Diouf. Boudjellal a déjà prouvé son aura en faisant entendre sa voix au sein des instances européennes du rugby ou en attirant les meilleurs rugbymen du monde à Mayol. Moyennant une copieuse rémunération chaque mois, mais quand même. Au moment où le fossé se creuse d’année en année entre le PSG et le reste des clubs français, et dix ans après son dernier titre, voir l’OM se réarmer ne serait en rien anecdotique. Au-delà des enjeux sportifs, c’est aussi un duel géopolitique qui se trame, avec le risque de voir le Classique se transformer en un match Qatar-Arabie saoudite. Mais avant d’en arriver là, Boudjellal devra remplir son livre d’autres choses que de bulles et mettre ces belles intentions en images.
Par Guillaume Laclotre et Mathieu Rollinger