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Montpellier champion de France 2012 : « Parfois, on se disait qu’on était un club de touristes »

Propos recueillis par Maxime Brigand, Julien Duez, Diren Fesli et Clément Gavard
Montpellier champion de France 2012 : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Parfois, on se disait qu’on était un club de touristes<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En 2012, le Montpellier HSC devenait champion de France pour la première fois de son histoire, au bout d’une saison où le club de Loulou Nicollin était pourtant programmé pour jouer le maintien. Le triomphe d’une équipe de copains, celle d’Olivier Giroud, Younès Belhanda, Geoffrey Jourdren et tous les autres, faisant la nique au Paris Saint-Germain pour la première année de l’ère QSI. La saison d’une vie pour un club et pour des hommes entrés dans l’histoire du football français. Dix ans après, retour en témoignages et en deux chapitres sur l’épopée pailladine. Au menu de cette première partie : un stage en Lozère, des parts de pizzas et une grosse gueulante avant Noël.

Des Galactiques, un esprit et de l’eau de boudin

Rémy Cabella : La première fois que je viens à Montpellier, c’est pour un stage. J’ai 12 ans et je me régale, donc quand je dois choisir un centre de formation en 2004, je n’hésite pas.

Quand le club est en Ligue 2, je vais à La Mosson avec les mecs de ma génération, on demande des photos et des autographes aux pros. Je me souviens qu’un jour, Abdoulaye Cissé me donne ses crampons, des Mizuno. Je suis comme un fou.

Rapidement, je sais que j’ai fait le bon choix. Le club est en Ligue 2, je vais à La Mosson avec les mecs de ma génération, on demande des photos et des autographes aux pros. Je me souviens qu’un jour, Abdoulaye Cissé me donne ses crampons, des Mizuno. Je suis comme un fou. En parallèle, lors de la première réunion avec la génération 1990, Serge Delmas, qui est alors directeur du centre de formation du club, nous dit : « Vous savez, un jour, vous jouerez la Ligue des champions… » On a 14 ans et derrière, on ne va quasiment jamais perdre un match. Cinq ans plus tard, on gagne la Gambardella contre Nantes, en mai 2009.

Laurent Nicollin : El Kaoutari, Belhanda, Stambouli, Cabella… Ils sont tous au Stade de France. Serge Delmas, qui est convaincu depuis le premier jour d’avoir une génération à part entre les doigts, les appelle « Les Galactiques » . C’est des enfants du MHSC, mais surtout des mecs qui ont pris l’habitude de se déchirer les uns pour les autres, qui ont été élevés dans un esprit. Quand tu as des joueurs comme ça, tu peux être sûr de deux choses : tu ne vas pas descendre et tu vas faire chier des gens. René Girard : Fin 2008, je quitte la DTN dans des circonstances un peu étranges et, dans la foulée, je décide de redescendre chez moi, dans le Gard. Je suis donc un peu les performances de Montpellier, notamment de cette génération Gambardella. Au printemps 2009, le club monte en Ligue 1, mais Rolland (Courbis, NDLR) décide de quitter son poste. Je reçois un coup de fil du président Nicollin, qui me demande si j’ai envie de faire un bout de chemin avec eux. On ne se connaît pas plus que ça, seulement de la rivalité entre Montpellier et Nîmes, mais j’accepte de le rencontrer pour déjeuner au Mas Saint-Gabriel. Il connaît mon caractère, je connais le sien. Finalement, je ne suis pas difficile à convaincre. Le seul objectif est de savoir où on va et comment on y va.

Romain Pitau : Quand René Girard arrive, je suis en fin de contrat à Sochaux. Montpellier, dans ma tête, c’est le club familial par excellence, un peu comme Lens, avec qui j’ai été champion en 1998. J’ai 32 ans, le club me propose de venir encadrer des jeunes talentueux qui ne connaissent pas la Ligue 1 avec d’autres mecs expérimentés.

Geoffrey Dernis : Quand la famille Nicollin t’appelle, c’est forcément flatteur. Montpellier, c’est aussi une histoire, les années 1990, quelques beaux noms… Venir aider le club à se stabiliser en Ligue 1, c’est un beau défi. Certains sont surpris de me voir quitter Saint-Étienne, trouvent bizarre que j’aille jouer le maintien, mais ce délire de monter progressivement une équipe pour la rendre la plus compétitive possible, ça me motive. Au-dessus, il y a aussi René Girard, qui me parle vite du potentiel des jeunes, qui installe rapidement une ligne de conduite stricte.

Quand tu es formé à Montpellier, tu sais que tu joues pour le président Nicollin, un mec qui a fait tous les sacrifices possibles pour son club, et que tu ne peux pas te permettre de faire la petite starlette. Tu te bats, point.

Cyril Jeunechamp : Moi, je suis né à Nîmes, j’ai été formé à Nîmes, et forcément, Montpellier, c’est d’abord un voisin à battre par fierté. Malgré tout, quand je passe de l’autre côté, je donne immédiatement le maximum, et mon attitude m’aide à être bien accueilli par les supporters. René m’accompagne aussi dans cette direction : dès l’été 2009, il pousse tout le monde à se défoncer et tout l’effectif se plie à ses exigences. Les jeunes amènent leur insouciance et leur talent, ils nous écoutent, nous demandent des conseils… J’ai plusieurs discussions avec Younès Belhanda, par exemple, à qui j’explique qu’une carrière se construit, qu’il y a des étapes à passer. C’est la première force de ce groupe : à l’intérieur, on peut se dire les choses.

Mapou Yanga-Mbiwa : Les jeunes, on est curieux d’apprendre des anciens. Ils connaissent tous les coins et recoins du monde pro, donc on leur pose pas mal de questions. Parfois, ils sont durs avec nous, mais ils veulent simplement nous mettre face à la réalité, nous pousser dans nos retranchements, nous faire « cracher » . Ils nous inculquent une leçon : dans le monde pro, on n’a rien sans rien. On ne peut pas simplement venir avec son talent et rester dix ou quinze ans dans le milieu rien qu’avec ça.

Younès Belhanda : On arrive avec notre humilité, mais aussi avec la mentalité Paillade. Quand tu es formé à Montpellier, tu sais que tu joues pour le président Nicollin, un mec qui a fait tous les sacrifices possibles pour son club, et que tu ne peux pas te permettre de faire la petite starlette. Tu te bats, point. René Girard est aussi dans cette idée : il n’a peur de personne.

Laurent Pionnier : Beaucoup de gens ont entendu parler de l’esprit Paillade, mais il faut avoir joué ici pour le comprendre. C’est quelque chose qui s’inculque, qui se cultive. C’est une histoire, des valeurs, un héritage.

Laurent Nicollin : L’esprit Paillade, c’est ne rien lâcher, être solidaire, se battre… C’est un reflet du quartier, qui n’est pas très favorisé à Montpellier. Beaucoup de pieds-noirs y sont arrivés d’Algérie, il y a un grand brassage de population. C’est des gens qui souffrent, se battent, et quand ils viennent au stade, ils ne demandent qu’une chose : qu’à la fin du match, le maillot soit trempé. Une fois que tu as ça, tu peux tomber sur plus fort que toi, mais tu peux aussi renverser des montagnes.

À la base, il faut se souvenir qu’on est une équipe corpo de gars qui ramassent les poubelles, et dans ce groupe, il y a un peu de ça : chacun a son talent, mais chacun le met au service d’un collectif.

Benjamin Stambouli : Dans les tribunes, les gens sont contents quand Younès fait une roulette, mais ils attendent surtout qu’on mette un tampon. Ils veulent que quand l’adversaire vient à La Mosson, il le sente. À la base, il faut se souvenir qu’on est une équipe corpo de gars qui ramassent les poubelles, et dans ce groupe, il y a un peu de ça : chacun a son talent, mais chacun le met au service d’un collectif. Quand ça se passe comme ça, le niveau augmente forcément.

Geoffrey Jourdren : Et les résultats suivent, car on finit la première saison à la cinquième place. Derrière, on fait une finale de Coupe de la Ligue contre Marseille, qu’on perd un peu injustement parce qu’il y a peut-être faute sur Laurent (Pionnier, NDLR) sur le but de Taiwo… Dans tous les cas, jouer une finale, c’est un événement pour Montpellier. On n’est pas programmé pour faire des finales. Le petit souci, c’est que dans la foulée, on finit un peu la saison en eau de boudin. On perd six de nos huit derniers matchs, on finit quatorzièmes…

Laurent Nicollin : Ces deux saisons permettent d’équilibrer le club sportivement et financièrement. Lors de l’été 2011, on vend Emir Spahić à Séville et on cherche ensuite à remplir les cases, donc on recrute Hilton à l’OM et Bedimo à Lens. On rend simplement l’effectif encore plus compétitif.

Vitorino Hilton : Montpellier me contacte à la suite des problèmes à Marseille, où je suis invité à partir. Un lundi, on se donne rendez-vous pour discuter, et le lundi suivant, je signe. C’est très simple. Quand j’arrive, je sais que je mets les pieds dans une bonne équipe. Je garde aussi le souvenir du passage de Júlio César au club, à la fin des années 1980. Henri Bedimo : Pour un joueur camerounais, Montpellier, c’est aussi quelque chose. C’est Milla, Mahouvé, Mézague, N’Gambi, Tchato… Le premier qui m’appelle, c’est René Girard. On a un échange très riche. On parle de foot, de mes qualités, de mes axes d’amélioration, de tout. Je suis étonné, parce qu’il a une image de commandant dans ma tête, avec une voix qui marque, mais on a une discussion très posée. Je découvre aussi un as dans le management. Très vite, via le discours des anciens, on sent que le premier désir est de faire une meilleure saison que la précédente. Puis, on se laisse prendre au jeu.

***

Il était une fois en Lozère

Joris Marveaux : À la reprise, on n’a pas de grosses ambitions. La défaite en finale contre l’OM nous a fait mal et a créé un peu de démobilisation, donc on revient en toute modestie. On veut simplement continuer à faire parler de nous, être durables en Ligue 1, jouer à fond les coupes nationales… À aucun moment on n’aborde le sujet d’une qualification pour l’Europe.

Mapou Yanga-Mbiwa : Durant l’été 2011, il y a des rumeurs sur un potentiel départ, mais en étant honnête, je n’ai pas digéré la défaite en finale face à Marseille et je ne veux pas quitter Montpellier sans avoir laissé de trace avec mon club formateur. Impossible.

Benjamin Stambouli : Quand on reprend, l’effectif n’est pas trop chamboulé. Il n’y a pas beaucoup de pièces rapportées. On garde l’idée d’une progression. Nous, les jeunes, on sait qu’il faut qu’on aille chercher notre place face à des anciens dont on respecte la carrière. En tant que milieu, Pitau, pour nous, c’est du costaud. Le staff aide à ce que la sauce prenne, et comme tous les ans, on part faire un stage à Mende, en Lozère, où les petits rituels aident à créer une alchimie. C’est aussi là qu’on accueille les nouveaux, qu’on doit chanter en arrivant chez les pros. Je crois qu’à mon époque, j’ai chanté Aznavour ou Claude François. On fait du vélo, du canoë, des randonnées, de l’accrobranche, du ping-pong, des fléchettes… Mais c’est aussi très physique. Ça cravache sous 50 degrés. À la fin de chaque exercice, on se tape dans la main : « Bravo, tu y es arrivé ! » Le staff nous dit que si on passe ce truc-là, on va gérer tranquillement les cinq premiers matchs. Le président vient aussi et nous présente les objectifs. Ils sont clairs. Maintien. 42 points. Rester en Ligue 1.

Laurent Pionnier : Si on montre à toutes les équipes de Ligue 1 les conditions dans lesquelles on fait ce stage, je pense qu’elles rigolent. Nous, on s’en fiche : on est ensemble, et c’est fondateur. C’est là que les complicités se font, qu’on joue les premiers matchs amicaux, qu’on se met dans les bonnes conditions psychologiques.

Sur le moment, le stage, c’est horrible, horrible, horrible… À l’hôtel, il y a trois escaliers et à chaque fois, j’ai l’impression d’avoir 100 kilos à porter dans chaque chambre. Chaque jour, on enchaîne les courses, les 1000 mètres, les 800 mètres, certains vomissent… Mais au bout, on est prêts.

René Girard : À mon époque, quand tu partais avec Bernard Michelena (préparateur physique des Girondins de Bordeaux lors du mandat de Jacquet, NDLR) l’été, ça ne rigolait pas non plus… Tu ne pars pas en stage pour faire du tourisme, mais pour bien préparer ta saison. Quand le président m’a parlé de Mende, j’ai tout de suite accepté et on y a bien travaillé. Ça nous a servi toute la saison.

Romain Pitau : Nous, les anciens, à nos âges un peu avancés, on ne peut pas se mettre en mode gestion. On se met directement au taquet, ne serait-ce que pour rivaliser avec les jeunes qui nous poussent. Ça tape fort, avec trois séances quotidiennes.

Geoffrey Jourdren : Mende, c’est un peu le premier train de la saison. Tout est top, on finit même par un match contre une sélection du coin.

Mapou Yanga-Mbiwa : Sur le moment, c’est horrible, horrible, horrible… À l’hôtel, il y a trois escaliers et à chaque fois, j’ai l’impression d’avoir 100 kilos à porter dans chaque chambre. Chaque jour, on enchaîne les courses, les 1000 mètres, les 800 mètres, certains vomissent… Mais au bout, on est prêts.

***

Le chic des générations

Romain Pitau : Dès ce stage, on sent qu’il n’y a pas de barrières, pas de jeunes, pas de vieux, mais seulement un groupe uni, fort. Malgré ça, on sent que les plus jeunes de l’effectif ne veulent pas nous décevoir. On n’a aucun droit sur eux, mais ils comprennent qu’ils ont besoin de nous, alors que nous, on sait déjà qu’on va avoir besoin d’eux. L’addition de leurs qualités et de nos expériences fait qu’il peut se passer quelque chose. Quoi ? On n’a aucune certitude, mais on part avec un capital confiance assez fort.René Girard : Toute la saison, l’idée est d’avancer avec un 4-3-3 assez équilibré. Je sais que je peux varier les approches, car j’ai des mecs qui m’assurent une grosse solidité. Un joueur comme Jamel Saihi, par exemple, est très précieux là-dedans. Sur ce début de saison, il y a bien des moments forts, charnières, mais on prend les points, et ce qui est pris n’est plus à prendre. Avec le staff, on cherche à attaquer fort et à faire une bonne série pour anticiper les temps faibles futurs.

Souleymane Camara : Dans le vestiaire, l’ambiance est aussi très légère. Parfois, on peut se dire qu’on est un club de touristes parce qu’on s’amuse beaucoup. On sait faire la part des choses : être à 100% sur le terrain et rigoler en dehors. Quand un mec comme Geoffrey Dernis se met à mettre l’ambiance dans le vestiaire, qu’il est suivi par Cabella et Belhanda…

Laurent Pionnier : Avec les plus anciens, on sent rapidement qu’on peut faire un truc. On ne l’expose pas au grand jour parce qu’on ne veut pas sortir les jeunes de leur concentration, mais quand tu débutes la saison en dominant Auxerre, Lille, Rennes, que tu fais un gros match à Lyon malgré la défaite, tu sens que tu ne vas pas seulement jouer le maintien. On met du contenu dans nos rencontres. L’enjeu est alors de garder ce contenu.

Geoffrey Dernis : Assez vite, on se dit que chacun va amener quelque chose à un moment donné. Lors de la deuxième journée, on gagne 1-0 à Lille, et c’est le jour de Laurent (Pionnier, NDLR), qui joue parce que Geoffrey Jourdren s’est blessé lors de notre dernier match de préparation contre Bordeaux. Même si c’est Olivier (Giroud, NDLR) qui marque en deuxième période, c’est quasiment Laurent qui nous file trois points à lui tout seul.

Le match aller face au PSG, on prend une démonstration d’efficacité chez nous. Quand le match se finit, plutôt que d’être abattus, on se regarde et on se dit : « Ok, ce match doit nous servir de référence. » Derrière, on devient plus solides que jamais. On arrête le football total.

Joris Marveaux : Contrairement aux saisons précédentes, cette fois, on joue notre jeu, mais contre Auxerre (3-1), c’est un peu poussif, et à Lille, c’est un miracle. On ajuste donc quelques détails : Marco Estrada se met notamment à décrocher à la place d’Henri Bedimo pour lui permettre de monter tout en nous garantissant une certaine rigueur. Ça peut paraître banal, mais à l’époque, je trouve que ça ne se faisait pas beaucoup. Ensuite, il y a Younès, qui se déplace beaucoup entre les lignes, ou Marco, qui peut déclencher une diagonale dont lui seul a le secret pour Olivier Giroud. Notre jeu est assez varié, avec des couloirs très forts : à droite, c’est dangereux, mais à gauche, le duo Bedimo-Utaka fait peur à tout le monde. Puis, derrière, le duo Hilton-Yanga Mbiwa, c’est tout simplement un mur. Les deux se baladent, c’est assez affolant. Parfois, on est comme des fous sur le banc : on voit Mapou crocheter son adversaire, Hilton prendre tous les ballons…

Mapou Yanga-Mbiwa : J’ai côtoyé pas mal de défenseurs centraux : Frédéric Mendy, Bruno Carotti, Nenad Džodić, Emir Spahić… En 2011, Vito vient compléter cette collection et je suis trop content de jouer avec lui. J’ai encore plein de choses à apprendre et je me régale à ses côtés, comme avec tous les autres mecs de notre ligne défensive. Vito, c’est propre, clair, intelligent… On réussit vite à développer une confiance aveugle.

Vitorino Hilton : C’est le mélange de la jeunesse et de l’expérience. Mapou est jeune, mais je le cadre, on communique pas mal, on se découvre vite…,

Henri Bedimo : Il y a pas mal d’insouciance dans ce début de saison. À Lille, on accepte les vagues sans plier et je comprends qu’on va être solide, qu’on va pouvoir voyager. On tient notre idée commune, ça avance bien…

Souleymane Camara : Personne ne nous attend. On fait un très bon départ, mais on s’attend aussi à perdre des matchs. On sait aussi que le PSG est en train de monter en puissance, et fin septembre, ils viennent nous battre 3-0 chez nous.

Jamel Saihi : Cette défaite n’a pas d’importance. Le résultat n’est pas mérité si on regarde la physionomie du match. On refuse un but à Olivier alors qu’il n’est pas hors jeu, Paris met trois buts en trois occasions… C’est très lourd. On prend une gifle, mais pas un coup sur la tête parce qu’on sait qu’on a fait jeu égal avec eux.

Henri Bedimo : Ce match aller face au PSG est quand même une leçon parce qu’au bout de vingt minutes, on doit mener 2-0. Au lieu de ça, on prend une démonstration d’efficacité chez nous. Quand le match se finit, plutôt que d’être abattus, on se regarde et on se dit : « Ok, ce match doit nous servir de référence. » Ce jour-là, on apprend, et derrière, on devient plus solides que jamais. On se découvre moins, on ne déborde plus comme des suicidaires avec Garry (Bocaly, NDLR) en laissant nos centraux en un-contre-un, on arrête le football total.

John Utaka : Il y a aussi des signes que ça tourne dans le bon sens. Derrière la défaite face au PSG, on va à Bordeaux. On perd 2-0 et on revient à 2-2 en marquant à la 88e et à la 90e grâce à Vito. Si on perd ce jour-là, une dynamique peut se casser.

Souleymane Camara : On voit aussi que l’équipe déteste perdre. La preuve : dès qu’un joueur est touché, tout le monde saute sur l’arbitre ou vient défendre le joueur en question, même ceux du banc. C’est aussi à ça que tu vois le caractère d’une équipe. John parle du match à Bordeaux, mais il y a aussi celui contre Dijon encore derrière. 0-2 au bout de onze minutes, le coach nous rentre dedans à la mi-temps, et, finalement, on gagne 5-3 avec un triplé d’Olivier.

***

Le phare Giroud

Romain Pitau : Dès la première partie de saison, Olivier marche sur l’eau. Finalement, il va mettre 25 buts, quasiment tous décisifs, et faire 10 passes décisives. Il peut faire n’importe quoi, ça rentre. C’est la première fois de ma carrière que je joue avec un profil d’attaquant comme le sien. Il nous amène une énorme diversité dans le jeu. Quand on n’est pas bien, on sait notamment qu’on peut allonger sur lui, qu’il va nous soulager. Quand on met un ballon dans la surface, on sait aussi qu’il va être là. Geoffrey Jourdren : Olivier, c’est simple : on sait qu’il est dans la zone. Parfois, on se dit qu’on a juste à être solides et qu’Olive va marquer.

René Girard : Humainement, on ne peut qu’apprécier. Il est arrivé avec nous en 2010. Au départ, beaucoup me disent : « Mouais, il n’avance pas, il est comme ci, il est comme ça… » Moi, j’ai toujours adoré son profil, dès ses années à Grenoble, Istres, Tours, et finalement, on connaît l’histoire.

En pointe, on a joué avec l’un des meilleurs attaquants du monde. Après, je serais menteur de dire qu’à cette période, j’imagine qu’Olivier va avoir cette carrière. Sa première saison au club n’a pas été évidente, mais la deuxième…

Olivier Giroud : Ce qui est marrant, c’est que Montpellier, pour moi, a d’abord été une lutte pour la montée au printemps 2009. Je suis à Tours, on n’est pas loin du podium, au coude-à-coude avec plusieurs équipes pour monter en Ligue 1 et à la 37e journée, il y a un Tours-Montpellier. Si on gagne ce match, on a plus ou moins notre destin entre les mains. Finalement, on fait 0-0 et lors de la dernière journée, Montpellier gagne, monte, alors que nous on perd à Sedan (2-0). J’ai entendu dire que le club a ensuite commencé à avoir un œil sur moi, mais j’étais bien en Ligue 2 et je suis resté une saison de plus à Tours, avec qui j’ai terminé meilleur buteur. À l’été 2010, j’ai ensuite plusieurs options : quelques clubs français, le Celtic, Middlesbrough… Je choisis Montpellier pour grandir et 2011-2012 est la saison bascule pour moi. Une première image, preuve que tout tombe du bon côté : je me souviens du match à Sochaux, où je mets un triplé, dont une espèce de frappe lobée du droit que je ne tente peut-être pas si je n’ai pas le vent en poupe.

Joris Marveaux : En pointe, on a joué avec l’un des meilleurs attaquants du monde. Après, je serais menteur de dire qu’à cette période, j’imagine qu’Olivier va avoir cette carrière. Sa première saison au club n’a pas été évidente, mais la deuxième… Je suis fier d’avoir joué avec ce mec-là.

Geoffrey Dernis : En plus d’être un tueur devant le but et d’être un pur avant-centre, Olivier est surtout un énorme bosseur. Il avait peut-être une chance sur trois d’atteindre la dimension qui est la sienne aujourd’hui, mais il a su la saisir parce qu’il a fait les bons choix, sans jamais faire trop de bruit. Son destin est extraordinaire, et c’est la juste récompense d’un mec bien.

Souleymane Camara : Il savait ce qu’il voulait, et à l’entraînement, on a fait plusieurs concours cette saison-là. Il fallait absolument qu’il termine premier. Il a eu besoin de trouver de la confiance, du temps pour s’adapter, mais quand ça a pris…

John Utaka : Olivier nous a libérés de tellement de matchs… C’est le genre d’attaquants qui changent les rencontres. Moi, à ses côtés, sur le côté gauche, je peux bosser pour lui parce que je sais qu’il va la mettre au fond.

Henri Bedimo : Et il bosse aussi défensivement. Toute la saison, ça a été notre premier rideau défensif, lui qui a enclenché le pressing avec Younès. Il nous a fait un bien fou.

Benjamin Stambouli : Les gens ne se rendent pas compte à quel point Olivier fait partie de l’élite de l’élite. Il faut comprendre son profil : c’est un pivot, un mec qui te fait des remises dans la course, qui te transforme un ballon pas terrible en bon ballon, qui est adroit devant le but… Mais bon, les gens fantasment plus devant un joueur qui dribble trois joueurs ou enchaînent les passements de jambes.

Younès Belhanda : Un mec qui comprend le foot va te dire qu’Olivier Giroud est un top joueur.

***

« On peut à peine faire des pompes »

Geoffrey Jourdren : Cette saison-là, la semaine, tout est cadré. Chaque jour, on a nos repères : on sait ce qu’on va faire, comment… René Girard réussit à créer une petite routine de travail, de performance, et ça nous aide à contrôler notre sujet.

Olivier Giroud : La semaine, on sent une envie de sortir de sa zone de confort, de se surpasser, de repousser les limites. Le lundi, on va notamment dans la pinède de Grammont, tourner 48 heures après les matchs. Les mecs s’envoient, tout le monde veut finir devant et se mettre chiffon.

John Utaka : Bon, pas Geoffrey (Jourdren, NDLR) et moi. Nous, le lundi, on reste derrière. Sans ballon, moi, je ne suis pas le plus rapide du monde… (Rires.)

Tu es dans une région où il est facile de faire la fête. Avec le beau temps, tu es vite arrivé sur le bord de plage avec paillote. Quand on peut profiter de ces moments, on ne se gêne pas, et ça fait aussi partie de la réussite du groupe.

Geoffrey Dernis : Et le jeudi, c’est toro et tennis-ballon. Les perdants doivent payer les pizzas. On le fait aussi parce qu’un jour, Leonardo dit qu’un joueur pro ne peut pas gagner en arrivant le matin avec une barre chocolatée et en mangeant une pizza le midi. On a envie de montrer qu’on peut avoir des résultats en le faisant.

Jamel Saihi : Après chaque victoire, on fait aussi la fête. Chacun à sa manière. Ça et les pizzas, ce n’est pas très diète, mais ça nous réussit. Tout le monde s’entend bien, on organise les repas, on peut à peine faire des pompes. On n’a pas de salle de sport ou de muscu, on vit dans des vestiaires d’un club amateur, mais l’important, c’est l’esprit, la cohésion du groupe.

Joris Marveaux : Il faut voir le nombre de parts de pizzas que certains mangent. Je ne parle pas d’une ou deux parts, mais de vrais repas… Entre nous, on se dit : « Tu crois vraiment que les joueurs du PSG font ça ? »

Younès Belhanda : C’est plus dur de faire des choses avec les anciens en dehors du terrain parce qu’ils sont avec leur famille, je me souviens avoir mangé un kebab avec Cyril Jeunechamp. Bon, moi, à 21 ans, je suis en écart tout le temps… Cyril Jeunechamp : Tu es aussi dans une région où il est facile de faire la fête. Avec le beau temps, tu es vite arrivé sur le bord de plage avec paillote. Quand on peut profiter de ces moments, on ne se gêne pas et ça fait aussi partie de la réussite d’un groupe de créer une ambiance en dehors du terrain. Quand tu es pote avec un joueur en dehors, tu as envie de courir pour lui le week-end.

Vitorino Hilton : En arrivant, je me suis facilement intégré au groupe et la semaine, je me souviens qu’on n’était jamais pressés de quitter le vestiaire. On discutait, on rigolait, on chantait «  les pizz’, les pizz’, les pizz’… » C’était très simple.

***

Les fantômes du Parc des sports

Laurent Nicollin : Puis, avant la trêve, il y a ce match à Évian. On perd 4-2 et on rate le titre de champion d’automne (qui revient au PSG, qui compte alors trois points d’avance sur le MHSC, NDLR). On a 37 points, le maintien est presque déjà assuré, mais mon père se fait des soucis. Il pense qu’on ne va plus gagner un match. Je lui dis de se détendre, qu’on va fêter Noël, qu’on est quand même deuxièmes de Ligue 1.

Geoffrey Jourdren : À Évian, il fait -60°C, le contexte n’est pas idéal pour jouer au foot. C’est étrange. Ça va aussi être un moment très important de la saison, parce que dans le vestiaire, monsieur Girard nous dégomme.

Laurent Pionnier : Ce soir-là, René pète un câble et il a raison. On vient de faire un match… dégueulasse. Il n’y a rien de ce qu’on est capables de faire.

Benjamin Stambouli : René Girard est fort pour te mettre la pression. Après notre fin de saison 2010-2011 en dilettante, il nous a dit : « Vous vous êtes pris pour des autres… » Là, c’est autre chose.

Jamel Saihi : Il n’est pas en colère contre la défaite, mais contre le contenu. Quand tu t’habitues à la victoire, ça peut devenir plus chaud après une défaite…

À Évian, il fait -60°C, le contexte n’est pas idéal pour jouer au foot. C’est étrange. Ça va aussi être un moment très important de la saison, parce que dans le vestiaire, monsieur Girard nous dégomme.

Pascal Baills : Après le match, je ne m’attends pas à voir René comme ça. On a un petit local à nous et on lui souffle : « Tu sais, si la première place nous fait partir en vrille, autant qu’on soit seconds… » Mais c’est le scénario qui le fait exploser. On mène 1-2, on prend trois buts en huit minutes…

René Girard : Oui, je pète un boulon, mais quand on a été joueur ou qu’on a un peu bourlingué, on sait que quand les vacances arrivent, la tête peut être un peu ailleurs. À Évian, je sens qu’il faut taper du poing sur la table pour que les garçons se rendent compte qu’ils peuvent passer à côté de quelque chose de super.

Geoffrey Dernis : Il a peur que ce match nous tue…

Joris Marveaux : Et ça pète. Il nous souhaite de mauvaises vacances et nous dit qu’il ne veut plus nous revoir. C’est là où René est fort : dans la gestion des joueurs. Il peut protéger les jeunes et ne pas les laisser s’enflammer. Dans le même temps, il peut mettre à l’amende un ancien devant tout le monde, pour que les jeunes se sentent au même niveau. Attention, ça ne peut pas marcher avec tous les groupes. Vitorino Hilton : Pendant toute la phase aller, je répète à Mapou que cette saison est pour nous, qu’on peut faire quelque chose, et après le match d’Évian, il me dit : « Vito, on ne peut pas… » Finalement, ça nous aide à faire bloc.

Younès Belhanda : Toutes les vacances, on a les derniers mots du coach qui raisonnent : « Écoutez-moi bien. Je ne peux plus vous voir en peinture et j’espère une chose. Quand vous allez vous regarder dans le miroir le matin pendant vos vacances, j’espère que vous allez voir mon fantôme derrière. » Là, tu sais que quand tu vas revenir, il va falloir être au rendez-vous.

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