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- Il y a 40 ans, la Coupe du monde 1966
Mondial 66 : sous le signe du soupçon… (Partie 2)
Le but fantôme de Hurst, l'étrange enchaînement des matchs à Wembley, la défaite des Bleus face à l'Angleterre. Le Mondial 66 s'est inscrit sous le signe du soupçon et c'est bien normal...
Qualifiée pour les demi-finales, l’Angleterre doit affronter le redoutable Portugal, guidé en attaque par le terrifiant Eusébio, déjà auteur de sept buts. Or, la Perle Noire du Mozambique avait mis les pieds dans le plat après avoir vu les Argentins se faire éliminer par l’Angleterre, avec en prime l’expulsion de leur capitaine Rattin : « L’arbitre ne semblait voir que les pires fautes des joueurs argentins. Il ne pouvait pas voir celles des joueurs anglais… » Toujours cette foutue suspicion de favoritisme ! Le malaise remontait bien avant l’Angleterre-Argentine… Au premier tour, les Three Lions jouaient contre la France leur dernier match de poule. Déjà éliminés, les Bleus voulaient finir en beauté après avoir subi les délires tactiques de leur sélectionneur. Or une défaite anglaise pouvait reléguer Albion en seconde place derrière l’Uruguay et lui faire perdre la première place synonyme de match à Wembley en quarts… Qui plus est, les Bleus avaient atomisé 5-2 les Three Lions à Paris en février 1963 ! Mais les hasards de l’organisation firent bien les choses : l’Angleterre joua contre la France à 19h30, soit après le match Uruguay-Mexique (1-1) débuté à 16h30. Toujours bon à savoir sur quel résultat final finir quand on joue après les autres, avec le stress en moins. Il faudra attendre le scandale du match RFA-Autriche (1-0) du Mundial 82 pour que les deux derniers matchs de poules se disputent ensemble à la même heure…
Wembley, le domicile fixe
Et les Anglais pas rassurés après deux matchs moyens face à l’Uruguay (0-0) et le Mexique (2-0) retrouvèrent bien face à eux une bonne équipe de France, déployant un jeu alerte et offensif. Mais l’Angleterre l’emporta 2-0. Le premier but était entaché d’un hors-jeu criant de Hunt (38e) qui récidiva à la 75e… après que le boucher de MU, Nobby Stiles, eut démoli le pauvre Jacques Simon ! Etendu à terre et inapte à empêcher ce second but, le pauvre Jacky était en fait la deuxième victime de Stiles : à la 8e, il avait attenté au genou de Herbin, forçant les Bleus à jouer la rencontre quasiment à dix contre onze. L’arbitre péruvien ne sanctionna que d’un jaune le festival agressif perpétuel de Nobby-la-Castagne… Mais le comportement scandaleux de Stiles fit trop de vagues. Une commission disciplinaire projeta de le suspendre pour les quarts de finale. Entendu par la commission, son sélectionneur Alf Ramsay le disculpa sur la parole d’honneur de son joueur qui lui jura ne pas avoir latté Simon intentionnellement. Et comme Nobby était en plus un fervent et pieux catholique…
L’Angleterre put continuer avec le terrible défenseur édenté de MU. Leaders du groupe 1 devant l’Uruguay, l’Angleterre joua son quart à Wembley, après ses trois matchs de poule dans ce même stade. Jusque-là rien d’anormal : les trois autres équipes du groupe avaient elles-aussi disputé tous leurs matchs à Wembley. Sauf que dans les Groupes 2, 3 et 4, les équipes s’étaient déplacées alternativement dans deux stades… Dans son jardin fétiche, l’Angleterre l’emporta donc contre l’Argentine, avec un Nobby Stiles dans le collimateur qui fit profil bas. Les quatre demi-finalistes étaient tous européens… Selon le déroulé de la compétition FIFA, l’Angleterre devait affronter le Portugal au Goodison Park de Liverpool quand un changement de programme relocalisa la rencontre au stade de Wembley ! Avec ses 100 000 supporters british, les Three Lions bénéficieraient d’un atout non négligeable. On argua du fait qu’il était préférable de faire jouer une demi-finale dans un stade plus spacieux que le Goodison (60 000 places). Argument tiré par les cheveux mais recevable : à l’époque le business du foot reposait exclusivement sur les recettes guichets. On envoya en revanche l’URSS et la RFA aller se faire pendre ailleurs, dans le Nord de l’Angleterre, au stade Goodison d’Everton, afin d’y jouer leur demi-finale. À Wembley, l’Angleterre élimina le Portugal à la régulière (2-1) mais là encore un détail troublant se fit jour. Si Eusébio avait réduit la marque sur penalty en fin de match, le coup de pied de réparation était constitutif d’une main archi volontaire de Jacky Charlton qui repoussa le ballon sur sa ligne à la Luis Suárez. Même si la double-peine du péno et du carton rouge n’existait peut-être pas, le cadet des Charlton ne prit même pas un jaune…
Le fameux « but fantôme »
L’Angleterre parvint donc en finale de « sa » Coupe du monde. Elle jouerait son sixième match dans son jardin de Wembley… Hormis l’Uruguay en 1930 (mais pour manque d’infrastructures), jamais un pays hôte du Mondial et finaliste ne disputa tous ses matchs dans un stade unique. Ni avant 1966 et ni après. Les Three Lions d’Alf Ramsay restèrent ainsi à Londres, sans avoir à se déplacer dans le reste du pays, et en pouvant compter sur un public très majoritairement acquis à leur cause. Le samedi 30 juillet, l’Angleterre partait avec la faveur des pronostics face à une RFA qui ne domine pas l’Europe à l’époque. Les Three lions l’ont emporté deux fois lors des deux derniers matchs amicaux, en mai 1965 (1-0 à Nuremberg) et en février 1966 (1-0 à Wembley). De quoi justifier que l’Angleterre ne craignait avant tout que les trois ténors sud-américains… Tout le monde connaît le film de la finale : 2-2 à la fin du temps réglementaire d’un match passionnant conclut par l’égalisation « à l’allemande » de Weber à la 89e. Et puis lors de la première prolongation, LA controverse arbitrale du XXe Siècle : sur le tir de Geoff Hurst sur la barre à la 101e minute, le ballon avait-il oui ou non franchi la ligne ? L’arbitre suisse, Mr Gottfried Dienst estima que oui… dans le doute, il dut pour cela demander confirmation auprès de son juge de touche, le Russe Tofik Bakhramov qui se montra catégorique : il avait vu de ses yeux vus le ballon rebondir entièrement derrière la ligne. Les Allemands protestèrent, peu sûrs, pourtant : la reprise violente de Hurst puis le rebond ultra rapide, derrière le dos du gardien Tilkowski, ne permettait aucune conviction pleine et entière… Pas de goal-line technology à l’époque. Alors ? Alors, il va de soi que les joueurs anglais exultant juste après la barre de Hurst et cessant de jouer (le jeu ne devant pourtant pas s’arrêter à ce moment !), en même temps que les acclamations survoltées du public anglais « de Wembley » ont très certainement influencé messieurs Dienst et Bakhramov dans leur décision cruciale. Car pour ce qui est du visionnage « scientifique » réalisé plus tard (Duncan Gillies, rapporteur du Visual Information Processing Group de l’Imperial College London ou bien Ian Reid et Andrew Zisserman du Department of Engineering Science de l’Université d’Oxford), le verdict est sans appel : le ballon n’a jamais franchi la ligne entièrement. Un film amateur le démontre aussi à l’œil nu.
Mais il est tout de même difficile de blâmer les deux arbitres… Reste que ce « but fantôme » fut le scandale de trop de ce Mondial 66 qui valida à peu près toutes les théories (anti-Angleterre) du complot. Deux nouveaux griefs recevables se manifestèrent. Pourquoi un juge de touche russe alors que l’URSS s’était fait éliminer par la RFA en demies (2-1 et un Soviétique expulsé) ? Enfin, quand Hurst inscrivit le but du 4-2 final à l’ultime minute de jeu, des spectateurs avaient envahi la pelouse. Un motif d’annulation prévue, donc, par le règlement… L’épilogue de cette finale controversée prit fin de façon très classieuse quelques années plus tard lorsqu’à l’invitation de la BBC, Franz Beckenbauer et Bobby Charlton visionnèrent ensemble en le commentant ce match historique du 30 juillet 66. Grand seigneur, Kaiser Franz éluda avec noblesse le « but fantôme » en confessant qu’il venait de se rendre compte après toutes ces années passées à quel point l’Angleterre avait si bien joué, qu’elle avait été supérieure à l’Allemagne et qu’en conséquence elle avait mérité son trophée. Dont acte… Pour une partie du reste du monde, légitimement suspicieux d’un triomphe un peu quand même « arrangé » , il peut toujours se consoler avec sa propre morale. Pour avoir trop péché en 1966, une sorte de justice immanente n’a-t-elle pas depuis plongé l’Angleterre dans une sorte de malédiction, lors des grandes compétitions internationales ? Seuls les Dieux du football le savent…
Par Chérif Ghemmour