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Messi et Sampaoli, un long dimanche de retrouvailles
Sur le papier, tout semblait devoir coller entre le sextuple Ballon d’or et le coach marseillais. Trois ans après avoir raté leur Graal commun avec la sélection argentine au Mondial 2018, les deux hommes se retrouvent en tant qu’adversaires lors d’un Clásico qui s’annonce bouillant.
Caramba, encore raté ! 30 juin 2018. Sur la pelouse de la Kazan Arena, l’Argentine sort sans gloire d’une Coupe du monde qu’elle a traversée comme une ombre. Martyrisée par les fulgurances de Kylian Mbappé et la frappe de bâtard de Benjamin Pavard, l’Albiceleste quitte la Russie la tête basse. Un échec qui est d’abord celui de deux hommes. Leo Messi, vivement critiqué au pays et accusé d’avoir voulu lui-même constituer l’équipe autour de ses amis. Comme souvent, Gary Lineker est incisif. Il tweete : « Messi est le premier joueur de l’histoire de la Coupe du monde a être à la fois un faux 9 et un faux coach. » Mais aussi Jorge Sampaoli, qui n’a jamais su imposer sa patte, ni apprivoiser un vestiaire et un contexte compliqué. Pour l’entraîneur de l’OM, c’est un échec cuisant et un rêve qui s’achève brutalement. Pour celui qui, enfant, enregistrait des consignes imaginaires à des joueurs avant la finale d’un Mondial : « Entraîner l’Argentine et l’emmener en finale de Coupe du monde était le rêve ultime. » Raté. Sampaoli connaît le premier vrai échec de sa carrière professionnelle. Chronique d’une mort annoncée.
« Si tu as Messi dans ton équipe, tu es quasiment sûr de gagner »
Quand le pelado arrive à la tête de la sélection un an plus tôt, celle-ci vit une mauvaise passe. En coulisses, l’AFA est un bourbier, et sur le terrain, ça ne fonctionne pas non plus. Quand Edgardo Bauza est limogé, l’équipe est au bord du précipice. Sampaoli prend la suite et n’enthousiasme personne. La sélection n’a pas d’idées de jeu. On ne retrouve rien du football vertigineux que jouait le Chili ou même Séville. Pour arracher la qualification au mondial, Sampa s’en remet à Leo Messi qui signe un triplé salvateur en Équateur. Les prémices de quelque chose de grand ? C’est ce que veut croire le casildense. Lui qui s’incline devant le talent, décide de filer les clés du camion à Leo. En mars 2018, il déclare même : « Cette équipe est plus celle de Leo que la mienne. » Une déclaration d’amour empoisonnée qui peut aussi être interprétée comme une sorte d’aveu d’impuissance. En 2016, Sampa confessait déjà à So Foot : « Messi est un type d’une autre planète. On ne peut pas le critiquer, et on ne peut pas non plus l’évaluer, c’est impossible. Si tu as Messi dans ton équipe, tu es quasiment sûr de gagner. Je ne sais pas comment je l’entraînerais, ça serait moi qui aurais énormément à apprendre de lui, car c’est un type capable de transmettre du talent. » Le hic, c’est qu’entraîner son idole, c’est aussi parfois le regarder comme s’il était tout-puissant, ne pas savoir lui dire les choses.
En Argentine, on accuse Sampaoli de tout céder à la Pulga, de convoquer certains joueurs uniquement parce qu’ils sont ses amis, d’en laisser d’autres sur le bord de la route parce qu’ils ne sont pas du goût de la star du PSG. La Coupe du monde en Russie est une bérézina. L’Argentine ne parvient pas à battre l’Islande, prend une volée contre la Croatie. À la veille du match décisif contre le Nigeria, certains médias évoquent un putsch des cadres de l’équipe. Sampaoli ne serait plus vraiment coach. Selon le journaliste d’Olé Ariel Senosiain, une réunion tendue aurait alors eu lieu. Messi à son coach : « Tes consignes ne fonctionnent pas, on n’a plus confiance en toi… Tu m’as demandé dix fois quels joueurs je voulais que tu fasses jouer et je ne t’ai jamais donné un nom ! » Lunaire. Quoi qu’il en soit, quelque chose s’est cassé. L’équipe a beau avoir un sursaut d’orgueil contre le Nigeria, elle est croquée par la France en huitièmes.
Rendez-vous prématuré
Depuis cette défaite, Leo Messi n’a jamais critiqué publiquement son ancien sélectionneur, se contentant de parler « d’un Mondial atypique » et de « situations bizarres qu’il préfère laisser en Russie ». À l’inverse d’Ángel Di María, particulièrement virulent envers Sampa. Mais, au-delà des déclarations d’intention, des non-dits et des phrases assassines assénées dans l’intimité du vestiaire, une certitude : entre Messi et Sampaoli, la mayonnaise n’a jamais pris. À l’heure d’expliquer pourquoi cela n’a pas fonctionné. Chacun y va de sa petite théorie. Marcelo Diaz, l’un des chouchous de Sampaoli, tentait une explication sur Fox Sports : « Dans le schéma de Sampaoli, il n’y a pas de stars, or l’Argentine en a plein. Tu ne peux pas leur imposer de presser et de courir après les défenseurs. » Pour Fernando Martorell, ancien élève du pelado à O’Higgins, il s’agit d’abord d’une question de timing : « Cette sélection n’était pas faite pour eux. Leur Mondial, ça aurait dû être celui qui vient, avec la nouvelle génération, une possibilité de travailler sur le long terme pour bien faire intégrer aux joueurs les principes de jeu de Jorge. Ça aurait été spectaculaire. Mais il s’est trompé en voyant son rêve lui être proposé trop tôt ». L’histoire d’un rendez-vous prématuré donc. Trois ans plus tard, Sampaoli est toujours l’entraîneur d’une équipe bleu et blanc. Mais cette fois, l’homme qu’il s’interdisait de critiquer est en face de lui. Et il est prêt à en découdre.
Par Arthur Jeanne