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Mavinga : « Les choix d’argent pour aller dans une ville de merde, ça ne m’intéresse pas »

Propos recueillis par Andrea CHAZY
6 minutes
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On l'avait quitté frustré, sans beaucoup de temps de jeu au Rubin Kazan. Moins d'un an plus tard, Chris Mavinga est un titulaire en puissance avec son club de Toronto qui dispute ce samedi soir à Toronto la finale de MLS face à Seattle. À 26 ans, après avoir connu Liverpool, Genk, Rennes, Troyes, Reims et le Rubin Kazan, Mavinga veut désormais confirmer outre-Atlantique. Même si l'Europe ne reste jamais très loin.

Après toutes ces saisons galères à Kazan ou en prêt, on imagine que cette expérience à Toronto, où tu es titulaire indiscutable, te remonte le moral… C’est clair. Après, sans être prétentieux, ça ne m’étonne pas que je puisse produire ce genre de performances. Mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir été plus tôt dans ma carrière à mon véritable poste qui est celui de défenseur central. J’ai été formé dans l’axe au PSG, champion d’Europe U19 avec l’EDF et recruté par Liverpool toujours au poste de défenseur central.

Tu peux même demander à Raphaël Varane, s’il avait joué plusieurs saisons latéral droit, il ne serait peut-être pas là où il est aujourd’hui.

En Espoirs, j’avais gagné ma place dans l’équipe en défense centrale lors d’un match amical face au Portugal, j’avais remplacé Mangala qui avait pris un carton rouge et j’avais assuré ma place derrière. À Troyes, les meilleurs matchs que j’ai faits étaient dans l’axe lorsque je dépannais, qu’il y avait des blessures. Aujourd’hui, les gens sont étonnés et se disent « Mais comment ça se fait qu’il joue aussi bien dans l’axe et qu’il n’ait pas montré son niveau avant ? » Bah je suis sûr que tu peux même demander à Raphaël Varane, s’il avait joué plusieurs saisons latéral droit, il ne serait peut-être pas là où il est aujourd’hui. Après, je suis lucide, je ne me compare pas à ces joueurs-là, mais je sais jusqu’où je peux aller. En attendant, aujourd’hui, j’essaye de rattraper le temps perdu.

Mais comment expliques-tu le fait que tu n’aies pas retrouvé ce poste avant ?Quand j’ai commencé dans l’élite, que ce soit à Rennes ou à Genk, je jouais latéral gauche. J’étais plus jeune, j’étais euphorique à l’idée de jouer à ce niveau. Je me disais capable de jouer à ce poste-là, mais plus le temps avançait, plus je m’apercevais de mes limites dans ce rôle-là. Dans le football d’aujourd’hui, il faut que les latéraux soient aussi très bons offensivement et avec ma formation de défenseur central, je n’avais pas ces bases-là. C’est d’ailleurs toujours plus facile de repositionner un ailier ou un attaquant au poste de latéral pour ces raisons-là. Même quand j’étais bon, on me disait : « T’as été très bon défensivement, mais offensivement tu n’as rien apporté. » Ça se voyait moins à Genk et à Rennes parce que j’avais deux monstres devant moi : Kevin De Bruyne et Romain Alessandrini, dans sa période où il avait même été appelé en équipe de France.

Quand tu débarques à Toronto, c’est un nouveau mode de vie, une nouvelle étape. Tu as tout de suite accroché ?Oui, ça s’est très bien passé, l’adaptation s’est faite naturellement aussi parce que je suis quelqu’un qui aime voyager. J’arrive dans un club où ça parle anglais, donc au niveau de la langue ça va, et puis le job c’est partout pareil : lorsque tu arrives quelque part, il faut que tu t’imposes.

On imagine quand même que la vie à Kazan et au Canada, ce n’est pas la même chose…Oui, c’est clair. (Rires.) À Kazan, je ne sortais pas beaucoup.

Vous jouez ce samedi la finale de MLS face à Seattle. Tu sens un réel engouement autour de cette rencontre, dans un pays où le soccer, même s’il se développe, n’est pas encore roi ?Oui, il y a de l’engouement. Déjà dans le vestiaire, il y a des joueurs revanchards par rapport à la finale perdue face à eux l’année dernière (Toronto s’était incliné 0-0, 4-5 aux tirs au but, déjà face à Seatlle, ndlr). Je sais d’où je viens, j’ai eu des périodes très galères, donc là, je profite au maximum, car ce sont des moments rares. Le soccer, ce n’est pas le sport numéro un, mais il y a de plus en plus de gens aujourd’hui qui nous arrêtent dans la rue pour faire des photos. Le match va se jouer à guichets fermés, donc ça situe bien l’intérêt que les gens accordent à ce match.

Le niveau de la MLS, tu le situes où par rapport à ce que tu as déjà connu dans ta carrière ?Quand je suis arrivé ici, je pensais que le niveau était faible. Figure-toi que mon premier match ici, ça a été une catastrophe sur le plan personnel. On avait fait match nul 2-2, et les deux buts étaient pour moi. C’est seulement après ce match-là que j’ai pris la mesure de là où j’avais mis les pieds. Généralement, les joueurs offensifs des équipes sont plutôt bons, donc en tant que défenseur, c’est intéressant. Jouer contre David Villa, qui n’est plus à son top niveau, mais qui est encore performant, c’est très enrichissant. La preuve, il est retourné en sélection espagnole il n’y a pas si longtemps. Au niveau du style, c’est très direct, ça cherche à marquer des buts. On sent vraiment l’influence de la Premier League. Les gens viennent voir du spectacle, des buts, des frappes de loin. Ce n’est pas le niveau technique de l’Europe, mais les joueurs courent beaucoup, sont généreux et ça, ça plaît beaucoup ici.

Après cette finale, quel est ton objectif ? Retourner en Europe en tant que défenseur central ?C’est clair et net qu’aujourd’hui, si toutes les parties sont d’accord car je suis sous contrat et je me sens bien ici, mes futurs projets seront en tant que défenseur central. Pour le moment, je suis totalement concentré sur mes performances à Toronto, et on verra la suite. Bien évidemment que l’Europe reste dans un coin de ma tête. Il faut aussi tenir en compte qu’aujourd’hui, je ne suis plus tout seul, j’ai une famille, notamment une fille de neuf mois et c’est un paramètre que je prends en compte sérieusement. Je ne peux plus partir n’importe où comme ça sans penser à eux comme je pouvais le faire quand j’étais seul. Je n’ai que 26 ans et je suis ambitieux, donc je ne cracherai sur aucun challenge en Europe si les conditions sont réunies. Si j’avais fait un choix financier, je serais resté en Europe. Toronto, c’est à la fois un choix de vie parce que je savais qu’au Canada on vit bien et je ne me suis pas trompé, et aussi sportif car je pouvais retrouver mon poste de défenseur central. Moi, les choix d’argent pour aller dans une ville de merde et que ma famille ne se sente pas bien, ça ne m’intéresse pas.

J’ai dit à ma femme : « quand tu vas me voir marquer un doublé, ça va te faire tout drôle ! »

Bon du coup pour la finale, victoire de Toronto 1-0 à la 90e minute sur un but de Chris Mavinga ? J’ai chambré ma femme à ce propos parce qu’elle m’a reproché de pas avoir mis de but encore. Je lui ai dit : « Attends, tu te rappelles Lilian Thuram en 1998 ? Personne n’y croyait, et finalement, il claque un doublé en étant défenseur. Quand tu vas me voir marquer un doublé, ça va te faire tout drôle ! »

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Propos recueillis par Andrea CHAZY

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