Comment se retrouve-ton, à vingt-sept ans, à jouer pour Lillestrøm SK, formation évoluant en Tippeligaen (première division norvégienne) ?
Comment je me suis retrouvé ici ? L’histoire est longue (rires). Avant d’arriver, je jouais dans un club norvégien, Sandnes Ulf, qui évoluait en première division également. C’était un club qui était totalement différent de Lillestrøm. Lillestrøm est l’un des seuls clubs norvégiens qui n’est jamais descendu en seconde division et n’a connu que l’élite. C’est un club que l’on peut qualifier d’historique en Norvège où il y a de supers supporters. Je suis content d’y avoir signé depuis un mois et demi maintenant. Les débuts se sont très bien passés, je me suis parfaitement intégré. Il y a un bon groupe, un bon staff, de bons dirigeants. Tout se passe bien pour le moment. Où j’étais avant, c’était un club qui alternait les montées et les descentes. L’année dernière, quand je suis arrivé là-bas, ça a été une désillusion par rapport à la structure du club. Puis je me suis blessé durant la saison, je me suis fait les ligaments croisés du genou droit… Ça a stoppé net mon année. L’équipe est descendue au terme de la saison, donc j’ai dû rattaquer en deuxième division norvégienne. Ça s’est bien passé pour moi et j’ai pu ainsi rejoindre Lillestrøm, même si, au début, ce n’était pas cette formation que je devais rejoindre. J’ai rompu mon contrat avec Sandnes, puis, même pas un jour après, ils m’ont contacté via mon agent. Et ça s’est fait très rapidement.
Tu vis à Oslo, l’une des villes les plus connues en Norvège. C’est comment là-bas ?
C’est vraiment très bien, vraiment une ville agréable. Il ne faut pas croire qu’il fait obligatoirement froid toute l’année (rires). Par exemple, il y a quelques minutes, j’étais en train de boire un jus à l’extérieur en tee-shirt. Bien sûr, il y a des mois plus compliqués, notamment à partir de novembre. De toute façon, tout est fait pour bien vivre, même quand il fait très froid. Sinon, c’est une ville moderne avec beaucoup de magasins et de restaurants au centre ville. C’est très animé. La ville compte plus de 500 000 habitants et il y fait vraiment bon vivre.
Tu es en Norvège depuis février 2014. Avec ta première expérience à Sandnes Ulf (février 2014-août 2015), comment juges-tu le niveau là-bas ?
Le championnat est actuellement en train de montrer que le niveau s’élève. C’est un championnat dynamique où il y a une bonne ressource de jeunes joueurs. Les meilleurs, très souvent, partent ensuite vers l’Angleterre ou l’Allemagne, parfois même en Russie. En France, ce n’est pas un championnat que l’on connaît beaucoup. Mais, cet été, Lillestrøm a vendu un joueur pour Lorient (Moryke Fofana, ndlr), preuve que l’Hexagone commence à regarder en Norvège. Molde et Rosenborg, les deux meilleurs clubs du pays, se qualifient régulièrement en Ligue Europa. L’équipe nationale de Norvège, elle, reste en course afin de se qualifier pour l’Euro 2016.
Quid de l’ambiance dans les stades sur place ?
Ça dépend vraiment des clubs, en fait. Par exemple, là où je me trouve aujourd’hui, je suis vraiment satisfait de l’ambiance. C’est d’ailleurs peut-être le meilleur public en Norvège. Les fans n’hésitent pas à nous suivre, même si c’est tout au nord du pays et qu’il faut faire des heures et des heures de bus. Molde, par exemple, est un club qui a de bons résultats et un public de connaisseurs qui n’aime pas trop voir son équipe perdre. C’est différent.
Et l’assimilation d’un nouveau mode de vie, d’une nouvelle langue et d’une culture différente, c’est quelque chose qui a été difficile pour toi ?
Non, je n’ai aucun souci. Depuis mon passage en France, c’est le troisième pays que je découvre dans ma carrière. Je suis déjà passé en Angleterre et il y a quelques similitudes avec les pays nordiques. Découvrir une nouvelle culture n’a donc pas été un problème.
Reprenons le fil de ta carrière. Tu débutes en tant que professionnel au sein de ton club formateur, Monaco, au milieu de Vieri, Di Vaio, Maicon ou encore Évra…
C’est sûr et certain que ce n’était pas évident d’arriver dans un tel groupe. Je ne retiens de mes débuts là-bas que du positif. C’était une chance de côtoyer si jeune des joueurs aussi importants. À leurs côtés, j’ai appris au quotidien mon métier en voyant leur engagement et leur professionnalisme. Aujourd’hui encore, c’est quelque chose qui me sert.
Même si tu l’as connu seulement quelques mois, c’est un entraîneur qui t’a marqué Didier Deschamps ?
Oui, bien sûr, même si je n’ai jamais été inclus dans un effectif pour un match officiel avec lui. Mais j’ai pu le connaître lors de mes premiers entraînements professionnels. Et je peux te dire que même si ce n’était pas en match, c’était déjà marquant à l’époque d’avoir une personnalité comme Didier Deschamps. J’avais à peine seize ans et lui venait de débuter sa carrière d’entraîneur. Cette fameuse culture de la gagne, il l’avait déjà et même pendant les entraînements.
Parmi tous les joueurs que tu as pu côtoyer en Principauté, quel est celui qui t’a le plus impressionné ?
Yaya Touré. Sans contestation. Je crois que ça reste le plus impressionnant. Il sait tout faire. Ce n’est pas juste un milieu de terrain qui sait défendre. En plus, pour moi qui suis milieu défensif, c’était un exemple. Il pouvait récupérer des ballons, en donner, attaquer, marquer des buts. C’est désormais l’un des meilleurs à son poste au monde, donnant tort aux critiques de László Bölöni. Quand on voit ce que Bölöni a fait à l’AS Monaco de toute façon… Même si le Yaya Touré de l’époque n’était pas celui du Barça ou de Manchester City, c’était quand même l’un des meilleurs joueurs du championnat de France. Il l’a d’ailleurs prouvé quand Bölöni est parti.
Avec du recul, qu’est-ce qui t’a manqué pour devenir titulaire à l’époque ? De la patience, de la continuité, de la pugnacité ?
Beaucoup de choses. Tout ce que tu viens de citer, ça en fait partie. Puis quand on est jeune, on prend parfois des décisions naïves, trop spontanées. Le contexte, aussi, était différent. À l’époque, Monaco n’avait pas une grande stabilité. On peut notamment le voir avec le nombre d’entraîneurs passés à cette période-là. J’ai commencé à jouer quand Ricardo était en place et ça se passait bien. Je commençais à jouer, à m’intégrer dans l’équipe professionnelle. Mais Ricardo n’a pas poursuivi l’aventure avec l’ASM. Lacombe est arrivé à sa place. Ça fait partie des aléas du football. Chaque entraîneur a sa propre opinion sur un joueur. Sans doute que cela a joué dans ma progression à Monaco. Si je n’étais pas parti et avais été un peu plus patient, peut-être que ça aurait été différent puisque Lacombe est parti quelques mois plus tard. Je n’ai toutefois pas de regrets. Ça reste mon club de cœur et je continue de le supporter.
C’est donc pour ces raisons que tu as fait le choix d’effectuer un test pour le club américain de Chicago, en juin 2010 ?
En réalité, ce n’était pas réellement un test. C’est par le biais de Jérôme De Bontin (ancien président de l’AS Monaco, ndlr), que je salue aujourd’hui, que cela s’est fait. Il savait que ça ne se passait pas très bien avec Guy Lacombe. Il m’avait donc dit que si je voulais me préparer pour la pré-saison, je pouvais venir à Chicago, car le directeur sportif était l’un de ses amis. Tout simplement, je suis allé m’entraîner là-bas et il a tout de suite montré un grand intérêt. Le directeur sportif m’a demandé si ça m’intéressait de rester en prêt au Chicago Fire. Mais j’ai eu une proposition de l’Angleterre et j’ai choisi de rester en Europe. Je n’avais que vingt et un ans et c’était un peu jeune pour partir là-bas, même si c’était assez dépaysant sur place.
Tu files donc en Angleterre, à Blackpool. Et alors que tu t’apprêtais à découvrir la Premier League, tu as été victime d’un tacle dangereux en match amical, contre Kilmarnock…
Ça fait partie de l’une de mes déceptions. J’avais fait une très bonne préparation avec Blackpool dont le manager était alors Ian Halloway. Ça se passait très bien. C’est certain que ça a été un coup dur…
Selon toi, il y a eu un avant et un après dans ton parcours à la suite de cet épisode malheureux ?
Bien sûr. Bien sûr… J’arrivais dans un club de Premier League après avoir connu Monaco et l’équipe de France espoirs. J’étais dans une autre optique et on peut dire que cette blessure m’a coupé dans mon élan.
Tu as quand même eu l’occasion de fouler les pelouses britanniques lors de ton passage à Middlesbrough (2011-2012), en Championship. Ça t’a fait quoi de connaître les ambiances anglaises et le fameux fighting spirit ?
Ça aide énormément. Cette expérience anglaise m’a énormément enrichi. Tu sens que les Anglais veulent gagner à n’importe quel prix. L’équipe peut perdre 2-0 au bout de dix minutes, elle ne veut pas être abattue et voudra aller chercher le 3-2. Ils ont cette mentalité de gagnant et le jeu est vraiment ouvert, il y a beaucoup de spectacle. C’était donc que du plaisir, surtout de pouvoir jouer dans des stades à l’ambiance incroyable. Puis Middlesbrough reste un club historique en Angleterre. Ils ont des installations bien meilleures que certains grands clubs européens. Le centre d’entraînement est extraordinaire, il y a une douzaine de terrains, dont la moitié sont couverts. Tout est fait pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions.
Pourquoi n’être resté qu’une saison à Boro ? C’était une décision délibérée de ta part ?
Non, pas du tout. Si je ne suis pas resté, c’est à cause de la personne qui me représentait à l’époque. Je devais prolonger mon contrat de deux ans, mais il y a eu des faits et ça a chamboulé ma trajectoire. Ce sont les à-côtés qui peuvent parfois tourner dans le mauvais sens. Ça s’est passé malheureusement et je ne souhaite pas rentrer dans les détails. J’avais vingt-trois ans et je me suis tout simplement fait avoir comme un bleu.
Après tu débarques en Suisse, à Lausanne-Sport. Tu en gardes de bons souvenirs ?
Oui, ça m’a permis de découvrir quelque chose de nouveau. La Suisse a un très bon championnat. Dommage que l’aventure n’ait pas continué plus longtemps. Mais c’est comme ça… Le niveau était vraiment pas mal. On peut le voir avec le FC Bâle qui s’invite régulièrement en Ligue des champions et signe des résultats intéressants. Grasshopper Zurich avait aussi posé quelques problèmes à Lyon en barrages de C1, en 2013. C’est un championnat performant, même s’il n’y a que dix équipes et qu’elles se rencontrent à plusieurs reprises. Ça reste une bonne expérience.
Et la vie de tous les jours à Lausanne, c’était comment ?
C’est une ville plutôt agréable. Puis il y a Genève qui n’est pas loin, à seulement vingt-cinq minutes. Donc, oui, c’était un cadre de vie bien sympathique. Il y a pire.
Dans ton parcours, il y a aussi cette période de chômage entre juillet 2012 et février 2013. Dans une interview accordée au journal Matin, il y a deux ans, tu disais à propos de cette situation inconfortable : « On s’est posé (avec sa femme, ndlr)la question d’abandonner ce rêve pour en construire un autre. » Tu as réellement envisagé d’arrêter le foot ?
Envisagé, jamais. Sinon, je ne serais pas là où je me trouve désormais. Mais c’est sûr que lorsqu’on est dans une situation pareille… Quand le temps passe, que le téléphone ne sonne pas du tout, qu’on voit toutes les portes se fermer. Il faut alors regarder la réalité en face. Je savais que si je ne retrouvais pas de club après le mercato d’hiver, ça aurait fait un an sans club et ça aurait quasiment été mission impossible qu’un club puisse me prendre. Et je n’avais pas envisagé de jouer dans des catégories inférieures par rapport à celles que j’ai toujours connues. Sauf qu’à un moment donné, oui, on s’est posé la question. Mais malgré cette longue période, mon épouse m’a soutenu ainsi que nos familles respectives. Grâce à ce soutien, on n’a jamais lâché et on a réussi à surmonter cette épreuve.
À l’époque, tu évoquais également l’influence néfaste de ton ancien agent, lequel aurait sa part de responsabilité dans cette période d’inactivité que tu as connue…
Généralement, le joueur a toujours sa part de responsabilité. Mais dans mon cas, il a été responsable en grande partie de ne pas avoir été honnête. Il a été tenté de davantage penser à lui plutôt qu’à la carrière du joueur. On entend, souvent, ce genre d’histoire quand on est jeune joueur et que l’on sort du centre de formation. Les personnes qui nous encadraient à l’époque nous ont dit de faire très attention aux gens avec lesquels on allait travailler, car ça peut être déterminant dans une carrière. En l’occurrence, ça l’a été pour moi. J’ai aujourd’hui un nouvel agent depuis que je suis arrivé en Norvège et ça se passe très bien. Cette mésaventure me permet d’apprécier encore plus mon métier désormais.
Avec ce parcours semé d’embûches, on avait presque oublié que tu as porté le maillot des Bleus en Espoirs des U17 aux U21, que tu as été capitaine à l’Euro U19 et as figuré dans l’équipe type au terme de la compétition. As-tu des regrets de ne jamais avoir confirmé tes débuts prometteurs ?
Il ne faut pas se cacher… C’est certain que tout le monde a des regrets. Moi, j’en ai forcément en repensant à ça. Parce que ça reste de superbes souvenirs. C’est vrai qu’il y a cette impression d’avoir raté une marche. Mais comme je l’ai dit, ça va très vite dans le football. Je n’ai que vingt-sept ans et encore de belles choses à venir pour moi.
Jamais, dans ta carrière professionnelle, tu n’as disputé plus de vingt matchs au cours d’une saison. Faire une saison pleine, c’est ton objectif prioritaire aujourd’hui ?
C’est mon objectif, oui. Enchaîner et avoir des statistiques qui parlent pour moi. Malheureusement, je n’ai pas été épargné par les blessures. En plus de la période compliquée que j’ai eue quand j’étais au chômage. J’espère vraiment réaliser une saison complète et disputer plus de trente matchs. Je ne projette plus, car je me suis déjà projeté dans le passé et vu que je ne suis pas arrivé là où je le souhaitais… L’idée, c’est vraiment de profiter au maximum et de prendre du plaisir.
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