- Analyse
Mais qui es-tu, la cryothérapie ?
De plus en plus utilisées, les thérapies par le froid font un malheur dans les clubs professionnels. Cauchemar pour les joueurs, mais désormais indispensable pour la récupération, le bain glacé n’a pas fini de maltraiter les footballeurs. Pour leur bien, évidemment.
Cristiano Ronaldo a toujours un temps d’avance. Que ce soit sur le terrain face à ses adversaires ou à l’extérieur devant les dangers de l’environnement. Toujours buteur, jamais blessé, le Portugais ne fait jamais les choses à moitié pour préserver son corps et prévenir les pépins physiques. Du coup, alors que la cryothérapie n’était installée que depuis quelques années, CR7 n’a pas hésité à lâcher 25 000 balles dès 2013 pour se payer sa petite chambre à glace personnelle. Et pouvoir ainsi se préparer au mieux aux intenses échéances sportives.
Car la cryothérapie, c’est tout sauf de la rigolade. Au sens large, elle englobe toutes les thérapies par le froid, de la bombe sortie dès qu’un joueur tombe au moindre contact à la poche glacée qu’affectionne Yoann Gourcuff, en passant par le sauna inversé de Ronaldo – capable d’atteindre les -110°C (garanti sans humidité). Mais celle qui est encore la plus intéressante, et qui représente le mieux la cryothérapie, est le fameux bain glacé.
À manier avec précaution
Désormais utilisé par (pratiquement) tous les clubs de L1 et L2, le bain glacé est une valeur sûre. Alors, à quoi sert réellement de se plonger cinq ou dix minutes dans une eau dont la température est comprise entre 8 et 13°C ? « Ça a des vertus anti-inflammatoires et antalgiques, et ça limite la propagation des hématomes, répond un kiné qui a exercé dans deux clubs professionnels et qui préfère rester anonyme. Avec les joueurs, on l’utilisait pour toutes sortes de blessures ou pathologies.
Au lieu de mettre une poche de glace, ils allaient faire un bain froid. » Mais encore ? « C’est simple : ça évite la fatigue, ça élimine les toxines et ça permet ainsi une récupération plus rapide, clarifie Anthony Tondut, le médecin du SCO d’Angers. Le froid donne un coup de fouet au corps et stoppe par exemple les micro-saignements responsables des courbatures musculaires. » D’accord pour l’explication scientifique.
Et pour ce qui est du moment où le bain doit être administré ? « Après les gros efforts, éclaire le doc’. On l’utilise souvent dans les semaines chargées, les semaines à trois matchs, juste après les rencontres. En début de saison aussi, après les grosses séances de travail. Attention : comme toute thérapie, celle du froid comporte ses limites.
Le timbré qui aurait la bonne idée de se faire une bonne sieste d’une demi-heure dans le bain ou de multiplier les séances verrait son organisme se mettre en colère. « La littérature scientifique actuelle contredit un peu tout ce qu’on imaginait sur la thérapie du froid jusqu’à maintenant. Déjà, ça ne sert à rien de descendre en dessous de -10°C, note le kinésithérapeute. Et il ne faut pas faire de bains trop souvent, car le corps pourrait s’adapter au froid et ne plus déclencher de réaction. » Il continue : « Il faut donc être prudent quant à son utilisation. Que ce soit bien encadré. Et que les joueurs pigent que ce n’est pas un jeu. »
Un calvaire obligatoire
Bah oui. Parce que côté footeux, forcément, le bain glacé n’est pas toujours considéré à sa juste valeur : « Quand j’étais dans un club de Ligue 2, certains faisaient des concours pour savoir qui allait rester le plus longtemps. Tu en as d’autres, ils ne pouvaient plus s’en passer, ils réclamaient leur bain n’importe quand. D’autant que ça améliorerait le sommeil. » Un effet placebo qu’on n’observe absolument pas à Angers. « La sensation est vraiment désagréable. Faut être masochiste pour aimer ça !, lâche Anthony Tondut.
Quand on demande aux joueurs d’aller dans l’eau, ils n’y vont pas avec plaisir. Ils s’y soumettent parce que ça fait partie de leur boulot, c’est tout. » « C’est vrai que pour quelques joueurs, c’est impossible de les faire rentrer dedans, corrobore son confrère kiné. Je pense notamment à ceux qui viennent de l’hémisphère sud ou aux Africains. C’est un calvaire pour eux, ils détestent ça. Ils rentrent, ils crient, puis ils sortent direct ! Les autres qui n’aiment pas, mais qui supportent, ils essaient de carotter une ou deux minutes. »
Pourtant, la cryothérapie par le froid est devenue obligatoire dans les plannings depuis quelques années. Dans le foot de haut niveau, personne n’y échappe. Selon Anthony Tondut, c’est même carrément devenu primordial : « Vu les cadences, c’est indispensable. Sauf quand on a l’effectif du PSG. Et encore, avec leur Ligue des champions… En tout cas, pour un club comme le SCO qui a un groupe de 25 ou 26 joueurs, c’est vraiment nécessaire. » Outre ses effets sur la récupération, la cryothérapie pourrait même jouer un autre rôle à l’avenir. Le médecin angevin propose en effet, dans son cabinet libéral, de tuer la graisse avec de la glace. De quoi aider des joueurs ayant forcé sur la binouze pendant la trêve internationale ? « Pourquoi pas. Maintenant, si j’avais besoin de l’utiliser, ça m’embêterait, ça voudrait dire que le joueurs n’ont pas été sérieux… » Le futur Ronnie peut poser ses valises en Maine-et-Loire.
Florian Cadu