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Macron : de Jupiter politique au Footix économique ?
Le président de la République, Emmanuel Macron, entame son deuxième mandat dans un climat tendu et il joue gros avec les élections législatives de ce dimanche. Le foot a toujours été partie prenante de son storytelling. Les débuts de ce quinquennat laissent pourtant surtout entrevoir la transformation de Jupiter en footix. Un footix qui aurait le numéro de portable de ses idoles...
Il s’agissait d’une des images fortes des premiers pas d’Emmanuel Macron. Il exultait lors de la finale de la Coupe du monde 2018 à Moscou, à coté de Vladimir Poutine (les temps changent !). Toutefois le président de tous les Français et Françaises céda vite la place au supporter n°1 privant le peuple d’une communion avec ses Bleus place de la Concorde, pour les kidnapper lors d’une garden-party à l’Élysée. La légende raconte que son homme de confiance Alexandre Benalla détourna même le bus. En 2022, la pente du footix s’est encore accentuée. Fraîchement réélu, le chef d’État n’a pas ménagé ses efforts et son temps, semble-t-il, pour tenter de convaincre Kylian Mbappé de rester au PSG. Une démarche surprenante pour ce fan de l’OM. En tout cas une étrange conception de l’intérêt national puisqu’il n’est pas question ici de l’EDF. Mais qui relève, qui sait, d’un coup à trois bandes ? En conservant l’attaquant en Ligue 1, les droits télé repartiront peut-être à la hausse comme le rêve la LFP, et donc cette dernière ne viendra pas pleurer auprès du gouvernement comme lors du naufrage de Mediapro.
Mbappé, grande cause du quinquennat ?
Quoi qu’il en soit, l’enfant de Bondy n’a pas oublié de le citer, au cœur de son argumentaire patriotique justifiant son choix. Un bonus politique appréciable, même si la dimension symbolique du football se trouve réduite à des conseils amicaux. « On a échangé pas mal de fois. On va dire que c’était des bons conseils. Il voulait que je reste, ça fait partie des négociations. » Toutefois, le toujours Parisien n’est pas totalement dupe : « Il fait partie des différentes personnes avec qui j’ai parlé pour du foot ! C’est là qu’on voit que le foot a changé et qu’il a une place importante dans la société. C’est important de savoir aussi rester à sa place malgré l’importance qu’on peut me donner dans le pays. » Averti en amont de la décision, le résident de la République n’aurait pas caché sa joie. « Il était content. Il m’a dit que c’était une très bonne nouvelle pour le pays et quelque chose de très bien », déclarait Mbappé.
À l’occasion de son récent déplacement à Clichy pour vanter l’héritage de Paris 2024, Emmanuel Macron a donc pu sortir la carte de la fausse modestie : « J’ai pu parler avec Kylian Mbappé, mais il fait son choix en conscience. » À quand la licence d’agent sportif ? Il a d’ailleurs profité de ce déplacement pour citer un autre grand nom du football qui circule en ce moment dans la capitale : « Je n’ai pas parlé à Zinédine Zidane, mais j’ai une immense admiration pour lui, le joueur, l’entraîneur. On a très envie d’avoir, dans le championnat français, un sportif et coach de ce talent qui a su ramener trois grandes coupes que nous convoitons beaucoup pour nos clubs. Je souhaite pour le rayonnement du championnat français et pour la France qu’il revienne et qu’il vienne entraîner un grand club français, ce serait formidable. C’est mon rôle de dire que la France est une grande nation de sport et de foot, qu’il y a des publics formidables, qui aiment ce sport. C’est important pour nous que les meilleurs qu’on a formés, qui ont parfois rayonné à l’international, puissent revenir. » À peine arrivé, Luis Campos aurait-il déjà un sérieux rival dans la cellule de recrutement du PSG ?
L’Élysée ne répond plus
Après tout, pourquoi pas. L’économie compte, et de ce point de vue, le ballon rond s’avère un produit à valoriser autant qu’Airbus ou le TGV. Le seul problème reste que le président de la République s’est révélé beaucoup plus discret quand il fut question d’aborder les dimensions politiques et sérieuses du foot, celles relevant directement des attributions régaliennes de l’exécutif. Son silence et son retrait face aux événement honteux qui se sont déroulés lors de la finale de la Ligue des champions ne cessent d’étonner et de décevoir. Il a laissé son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et de sa nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, ancienne consœur de promotion à l’ENA, se débrouiller seuls devant l’opinion, puis les auditions au Sénat. Or l’affaire implique aussi bien le maintien de l’ordre que la diplomatie, cette dernière demeurant en principe son domaine réservé.
L’ampleur du scandale (fausse accusation sur les supporters de Liverpool, mensonges sur les chiffres de faux billets, incompétence dans la préparation, etc.) aurait nécessité a minima une parole forte qu’il était seul à pouvoir porter. Apprendre sa colère via Le Canard enchaîné n’est guère suffisant ni satisfaisant. Il s’était personnellement impliqué pour que la France récupère ce match, comme l’avait affirmé l’UEFA en transmettant « ses remerciements et sa gratitude au président de la République française, Emmanuel Macron, pour son soutien personnel et son engagement à faire jouer en France le match le plus prestigieux du football interclubs européen à un moment de crise sans précédent ». Le fiasco tant dans ce qu’ont vécu les gens sur place (gestion indigne et dangereuse des flux de spectateurs, gazage par les CRS, agressions violentes sur le parvis, etc.) que l’image renvoyée à l’étranger aurait sûrement exigé un peu plus de hauteur et de courage. Gérald Darmanin et le préfet Lallement ont été surtout confirmés, si l’on doit tirer un bilan deux semaines après. Mais peut-être attendait-il pour réagir de pouvoir visionner les vidéos des caméras de surveillance du Stade de France… qui ont sciemment été effacées.
Par Nicolas Kssis-Martov