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M’Vila, nouveau caïd ?
Raymond Domenech, avec l'éviction de Benzema en parallèle, en avait fait la surprise de sa liste des 30 avant le Mondial. Laurent Blanc en a fait mercredi le premier relanceur de l'entrejeu français. Lui, c'est Yann M'Vila.
Né en 1990, fils d’un dénommé Jean-Elvis, Yann M’Vila, c’est avant tout le cliché d’un type des couches populaires, qui remercie le foot de l’avoir détourné d’un futur moins honnête. « Sans le foot, j’aurais pu voler des bagnoles » dégainait l’intéressé dans les colonnes de l’Equipe en mai dernier. Aujourd’hui, son salaire lui permet sans doute de se les offrir. Surclassé lors de sa pré-formation à Amiens, le Picard attire, en 2004, l’œil de Patrick Rampillon, directeur de la pépinière rennaise. M’Vila traverse sa période de formation avec succès (champion de France en 2007 et Gambardella 2008) aux côtés de Brahimi et Le Tallec (frère d’Anthony, parti se cramer les ailes à Dortmund). Dès 2007, Rennes avait d’ailleurs sécurisé l’investissement sur l’aspirant par la signature d’un bail pro de 3 ans. Le jeune M’Vila écume également toutes les jeunes sélections tricolores, capitanat à la clé en 2009 lors de l’Euro Under 19.
Mais la marche qui le sépare du groupe professionnel est encore un peu haute. Lors de l’exercice 2008/2009, une sale blessure à l’orteil et une générosité un peu trop cramponnée en CFA (joueurs et arbitres inclus) intiment Guy Moustache Lacombe à retarder son éclosion. M’Vila s’impatiente : « J’étais dégoûté. J’étais pro mais je m’entraînais uniquement avec la réserve. Pourtant je faisais mon boulot, discrètement. Je ne suis pas un perturbateur, je ne demandais pas à jouer. Seulement à m’entraîner avec les pros. Comment Guy Lacombe pouvait-il savoir si j’étais bon ou pas ? » . Pierre Dréossi joue alors le papa et abat la carte Antonetti pour l’été 2009. Le Stade Rennais, version corse, se pare pourtant à l’époque de deux nouvelles recrues au milieu de terrain : un Norvégien black, Alexander Tettey et un Japonais blond, Junichi Inamoto. Le premier arrive hors de forme et le second est juste une arnaque.
Lors de la 3ème journée, M’Vila profitera d’une suspension du Nippon, pour débuter en L1 contre l’OM. D’entrée, il impressionne. « Il a bousculé la hiérarchie » avoue Fred Antonetti et donne encore plus de cheveux gris à Fabien Lemoine et surtout à Cheyrou ou Inamoto, priés de dégager de la Piverdière au mercato hivernal. L’entraîneur corse tient dans son effectif un crack et ne se le cache pas : « Pour un jeune de dix-neuf ans, il a une maturité exceptionnelle dans le jeu. Peut-être peut-il même faire la Coupe du Monde ! Je l’avais dit à l’époque pour Lloris. Je le dis aujourd’hui pour M’Vila » . Malgré une expulsion la journée suivante contre Lens (pour un délice de tacle par derrière), il ne quittera plus le milieu breton et alignera les grosses performances, grâce à une sobriété dans son jeu plutôt rare à son âge. Tactiquement, le gaillard est au point, physiquement, M’Vila commence à devenir un bon morceau (1,83 m pour 80 kg), marathone bien entre les lignes et techniquement, sans être non plus révolutionnaire, le jeune de 20 ans la joue précis et simple. Lizarazu, sur RTL mercredi soir, est même sorti de son rôle d’expert en arrière gauche, oubliant un moment son tube de l’été portugais Coentrao, pour arroser le milieu rennais : « M’Vila, j’ai adoré. A 20 ans, autant de sérénité, de sobriété, de justesse, c’est assez étonnant. Il est super tranquille, c’est la grosse révélation de ce match-là » .
M’Vila est de toute façon un précoce. Sans vouloir jouer au docteur en psychologie de comptoir, il est en effet difficile de ne pas lier son statut de père d’un jeune Kellil, 2 ans, à sa maturité affichée dans son jeu. Ou alors, c’est tout simplement, l’histoire d’un mec, qui a su rencontrer les bonnes personnes (Dréossi et Antonetti), au bon moment (année Coupe du Monde), avec un caractère suffisamment trempé pour percer dans le foot pro : « Il ne faut pas se laisser intimider. Sur le terrain, il n’y a pas de pitié, de toute façon. Ici, je respecte énormément les anciens. Mais si un ancien me manquait de respect, je lui expliquerais que je ne suis pas là pour blaguer. Il ne faut pas me prendre pour une merde ou un tout petit » rappelle M’Vila. Faut pas le chauffer, ce mec-là aurait quand même pu « voler des bagnoles » .
Ronan Boscher
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