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Lyon : Fournier, la rupture sent la continuité
Si le départ de Rémi Garde semble avoir été vécu comme une rupture à laquelle personne ne voulait s’attendre du côté de l’OL, le choix de Fournier a fini par s’imposer au nom d’une certaine continuité. Même génération, même profil de gendre idéal et même sens de l’adaptation au gré des contraintes du moment. Aulas pourrait bien avoir recruté un Garde bis. Il a sans doute trouvé mieux que ça : un coach qui sait rester à sa place.
Avant même que son nom ne refasse surface à la faveur d’un retour du Stade de Reims en Ligue 1, Hubert Fournier a d’abord servi de marqueur parmi les supporters lyonnais. Ceux qui l’ont vu jouer appartiennent à cette dernière génération qui a pu vivre avec l’idée que leur club ne gagnerait peut-être jamais rien. Du moins, tant que Florent Laville continuerait à envoyer des pains et que son ombre Hubert le suivrait en faisant naviguer sa grande carcasse, lui aussi aussi dur sur l’homme, mais un peu trop tendre au démarrage. Depuis, cette période a eu le temps de devenir un genre de paradis perdu, annonçant après coup la domination sans partage de l’OL sur le foot français. Pour en arriver là, il a fallu qu’Hubert Fournier se barre. Et pour revenir, il a donc dû attendre que l’OL se remette à ne plus rien gagner ou presque, en attendant l’entrée dans le nouveau stade.
Révélateur
Aussi fumeuse soit-elle, la correspondance entre l’arrivée d’Hubert le défenseur et celle de Fournier le coach a le mérite de situer les attentes qui entourent sa prise de fonction à la tête de l’équipe. À la façon d’une période transitoire qui n’en finit plus de traîner et renvoie l’OL un peu plus loin dans l’antichambre du succès. Rémi Garde peut toujours invoquer ses raisons personnelles au moment de quitter la scène, on a aussi entendu en creux toutes les difficultés rencontrées au cours de son mandat à devoir composer avec le déclassement du club, tant dans le domaine sportif qu’économique. À l’inverse, Hubert Fournier n’a jamais rien connu d’autre comme entraîneur, tenu de faire avec les moyens du bord partout où il est passé. On imagine très bien que le savoir-faire déployé à Reims pour révéler à la Ligue 1 des types (re)venus de nulle part a eu le temps de faire son effet auprès d’une direction lyonnaise qui voudrait bien remettre la main sur son mojo, celui-là même qui l’amenait à réaliser des coups fumants sur le marché des transferts – oui, on pense à Diarra, Essien, Malouda ou Abidal.
On peut toujours y voir la volonté du club de Jean-Michel Aulas de soumettre encore un peu plus fort son entraîneur à l’impératif économique. Là où Garde pouvait encore faire valoir son veto pour conserver Grenier ou remettre à plus tard le départ de Gonalons, Fournier devra faire autrement, surtout s’il fait venir des trouvailles comme Krychowiak ou Mandi. Cette continuité dit bien quelque chose de l’état actuel de l’Olympique Lyonnais. Elle n’en raconte pas moins la place toute particulière que le club a souvent réservée à ses entraîneurs depuis l’arrivée d’Aulas en 1987. Où les types se succèdent toutes les deux à trois saisons. On pourrait y voir un trait de l’impatience du président lyonnais. Avant de se rappeler que les deux, Le Guen et Garde, qui étaient justement pressentis pour un bail plus long que la moyenne ont fini par se barrer au nom d’intérêts personnels. Observateur privilégié de la vie du club, Patrice Lair, futur ex-entraîneur des féminines, y a vu un trait particulier de la maison : « À Lyon, il faut faire plus de politique, je crois. Moi je tiens le coup car j’ai des résultats. Si je ne gagnais pas tout le temps, il y a longtemps que j’aurais pris un coup de pied au derrière. » (Le Libéro Lyon) À ce jour, Domenech reste le seul à avoir échappé à cette règle, avec ses cinq saisons au compteur. D’ailleurs, le Ray ne s’en est jamais caché : s’il a pu résister au-delà du raisonnable, c’est parce qu’il connaissait comme personne les attentes internes, quitte à les précéder avant même d’avoir à les accepter.
Rester à sa place plutôt que rester en place
D’un coup, on en viendrait presque à se demander s’il ne faut pas connaître son Prince de Machiavel sur le bout des doigts pour pouvoir diriger l’équipe lyonnaise. Si la succession des entraîneurs correspond toujours à une attente d’un moment particulier dans l’histoire du club, elle a aussi pu prendre des allures de quête chez Aulas, obsédé à l’idée de trouver un entraîneur suffisamment révolutionnaire pour faire basculer l’OL dans une nouvelle ère. L’approche de Le Guen se fait dans l’idée de façonner un genre de Johan Cruijff à la sauce lyonnaise, avant de confier des pouvoirs élargis à Puel pour se rapprocher de l’idée qu’on a pu se faire d’un manager type Ferguson ou Wenger. Et même revenu de tout ça, on a vu Lacombe introniser Rémi Garde en « Pep Guardiola à nous » . On ne serait pas surpris de trouver dans la bouche d’un des dirigeants lyonnais une référence à l’un de ces quadras qui figurent au titre de hype du moment, au hasard Diego Simeone, Antonio Conte ou Jürgen Klopp.
Les bandes-annonces trompeuses se succèdent et le résultat reste le même : l’OL en arrive toujours à demander à son entraîneur du moment d’être avant tout soluble dans l’ « Institution » chère à Jean-Michel Aulas. La question se pose d’autant plus pour Fournier qu’il semble avoir été retenu pour sa capacité à reprendre le travail entamé par Rémi Garde, entre la formation sur laquelle il va falloir continuer à miser et la nécessité de faire tourner l’OL à l’économie pour encore quelques saisons. À ce titre, la question du jeu qui pourrait figurer comme le domaine réservé de l’entraîneur à l’OL n’est jamais que le reflet de cette somme d’intérêts avec lesquels il faut aussi savoir composer. Ceux qui s’en sont sortis ont su en général tendre la main à cette idée selon laquelle il existerait un jeu labellisé lyonnais. Pour faire vite, plutôt tourné vers l’offensive – la formation des attaquants maison en atteste –, volontiers spectaculaire – un argument pour attirer le public au stade en l’absence de grands noms – et suffisamment efficace pour continuer à squatter le haut du tableau. L’un des mérites de Fournier au cours de son expérience rémoise est d’avoir su faire preuve d’un certain sens de l’adaptation, notamment dans l’animation proposée, entre la tentation du beau jeu de la première période et les prestations à haute intensité de cette saison. Faire avec ce qu’on a plutôt que d’avoir à défaire, il faut croire que cela aura pu compter au moment de reprendre la place de Garde. Reste à savoir maintenant dan quelle mesure Fournier saura y rester.
par Serge Rezza