- Match Amical
- France/Belgique
Lukaku, problème de taille
191 centimètres, 94 kilos, 20 millions d’euros. A seulement 18 ans, Romelu Lukaku fait les choses en grand. Grande pépite du football européen lorsqu’il portait les couleurs d’Anderlecht, l’international belge joue peu depuis son arrivée à Chelsea. Pas le meilleur moyen de faire taire les sceptiques. Ou de faire parler les conquis.
Les génies créatifs de Canal+ seront bien emmerdés pour trouver un môme de douze ans, capable d’incarner Romelu Lukaku pour la future intégrale de ses buts. Non, le Diable Rouge n’est pas petit. Il est plus dans le genre costaud. Très costaud. Très très costaud. Par contre, à la différence de Messi, l’ancien joueur d’Anderlecht ne fait pas encore rêver les gamins en dehors de son plat pays. En fait, Romelu vaut 20 millions d’euros, mais débute à peine. Personne, même le plus malin des observateurs, ne sait si, oui ou non, le natif d’Anvers va faire la paire avec Eden Hazard. L’histoire du joueur d’origine congolaise n’est pas celle romancée d’un mec qui a souffert pendant toute sa jeunesse pour éviter le syndrome Mimi Mathy. C’est le conte classique du garçon physiquement en avance, qui a profité de ses adversaires pré-pubères pour faire trembler les filets ça et là à travers la Belgique.
Le récit singulier d’un joueur comme il y en a dans tous les clubs de France et de Navarre, mais qui a réussi. Le prototype du joueur que certains nomment « trafiqué » , d’autres « présu(mé) » , sorte de magicien capable de tours de passe-passe administratifs. Depuis ses débuts à l’âge de six ans, sous les couleurs du Rupel Boom, à son apogée sous les couleurs d’Anderlecht, en passant par Lierse, les statistiques parlent pour lui. Courtisé par toute l’Europe, celui qui a franchi le pas cet été, en signant à Chelsea, galère pour ses débuts en Premier League. Erreur de destination ou soufflé en pleine phase d’écrasement, les premiers mois du Belge à Londres posent et révèlent des problèmes.
« Certains doutaient de mon âge »
Boom, le premier club de Lukaku. Boum, les premiers buts. Meilleur buteur d’un tournoi de jeunes à Paris, le Belge est approché par Lierse à peine sa dixième bougie soufflée. 54 pions la première saison, 76 la seconde, de quoi se faire remarquer par le meilleur club du pays, et détester par les parents des adversaires. Accoudés à la barrière de leur stade de village, tous remettent en question l’âge de Romelu après que celui-ci a écrasé leurs enfants un à un. L’intéressé lui-même en rigole aujourd’hui, sur son site internet : « Je me rappelle que, comme presque partout où je suis passé, j’étais plus grand et plus costaud que les autres. Certains doutaient même de mon âge ! » . Certains en doutent encore.
Né en 93, Lukaku, 18 ans, 1m91, est assez en avance physiquement pour que l’interrogation soit permise. Selon André Pichou, médecin généraliste, cette précocité est devenue monnaie courante : « Le pic de croissance chez les jeunes garçons arrive de plus en plus tôt. Dans le cas de ce joueur, je pense qu’il dispose simplement d’un physique aussi hors norme que sa précocité. Les spécialistes vous diront certainement que sa croissance, qui peut aller jusqu’à plus de vingt ans, est terminée » . Du baratin de toubib pour les sceptiques, un don pour l’intéressé. Le fait est que la consécration ne tarde pas. A treize piges, et une grosse centaine de buts plus tard, Lukaku rejoint Anderlecht et comprend qu’il prendra la succession de son footballeur de père, Roger.
Tel père…
Roger Lukaku est considéré par beaucoup comme un papa modèle. Un mec qui a réussi à faire comprendre à son fils qu’en dépit de son statut d’étoile montante du football belge, il lui fallait venir à bout de ses études et cracher tour à tour sur les offres alléchantes du Real Madrid, de Tottenham ou de Chelsea. Un père de famille dont José Mourinho a fait l’éloge dans la presse belge : « Lukaku a des parents intelligents. Son père a dit qu’il devait rester à Anderlecht afin de terminer ses études. Je trouve ça fantastique ! Où trouve-t-on encore de tels parents? Trop de jeunes joueurs et leurs parents pensent seulement à l’argent. Il devrait y avoir plus de parents comme ceux de Lukaku » . Le pater idéal en somme… qui a récemment fait scandale lorsque la presse a révélé qu’il louait un logement social qu’il ne payait pas. Ou qui grogne quand le frère de Romelu, Jordan, ne joue pas avec Anderlecht. L’homme inspiré, dont le nom complet est Roger Menama Lukaku a trouvé le bon prénom pour son fiston en prenant ses trois premières syllabes : Ro-Me-Lu. Pas con, le daron… Aujourd’hui, son fils, auquel il a offert un petit ballon comme premier cadeau et dont il voulait qu’il soit footballeur, a réussi. Il a même dépassé le maître. Indiscutable à Anderlecht, auteurs de débuts encourageants sous le maillot des Diables Rouges, Romelu a fini par venir à bout de ses études. Et donc par quitter la Belgique, pour rejoindre Chelsea. A seulement dix-huit ans.
47 minutes en Premier League
Depuis, Romelu découvre : la Premier League, le haut niveau, le banc de touche et ses aléas. La concurrence également. Torres, Drogba, Anelka ou encore Sturridge sont autant de solutions qui amènent son nouveau coach, André-Villas Boas, à faire de lui une sorte de joker. Titulaire en League Cup face à Fulham, le Belge se contente de petits bouts de matches en championnat. 47 minutes au total pour… zéro but. Un mutisme presque logique, quand on sait l’importance de la confiance et de la répétition pour un buteur. La période de disette et le faible temps de jeu semblent logiques dans un club comme Chelsea, mais ce n’est pas satisfaisant pour un type qui a l’habitude de jouer et de scorer chez les pros depuis l’âge de seize ans et ses débuts en Jupiler League. Arrivé à Londres pour 20 millions d’euros avec l’étiquette de « grand espoir du club » chère aux fans de Football Manager, Romelu s’impatienterait presque.
Le joueur n’a pas (encore ?) le melon, mais le désir ardent de montrer à l’Europe du foot qu’il est autre chose qu’un Golgoth, qu’un trafiqué, qu’un joueur à la carte d’identité douteuse. Un désir sain, un ego-trip, qui aurait le mérite d’éclaircir les lanternes de nombres d’observateurs. Aujourd’hui, si on le sait capable de marquer, d’accélérer, de faire manger la terre au plus costaud des défenseurs, on ne connaît que trop mal le joueur. Pour faire disparaître les fantômes de Bartolomew Ogbeche et Freddy Adu au plus vite, un prêt à Villarreal, pour y remplacer Giuseppe Rossi, a même été évoqué. Une manière d’admettre que la marche à franchir était un peu trop haute. Même quand on fait 1m91 et 94 kilos.
Par Swann Borsellino