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Lucas Tousart : « Si je faisais gaffe aux insultes, je ne jouerais plus au foot »

Propos recueillis par Léo Tourbe
10 minutes
Lucas Tousart : « Si je faisais gaffe aux insultes, je ne jouerais plus au foot »

Installé en Allemagne depuis l'été 2020, Lucas Tousart a l'air de se plaire au Hertha Berlin, avec qui il accueille le Borussia Dortmund ce samedi (18h30). Son club a beau avoir revu ses ambitions à la baisse et être 14e de Bundesliga avec un petit point d'avance sur la 16e place de barragiste, le milieu de terrain de 24 ans respire la sérénité. Comme si son départ de Lyon, après cinq ans de bons et loyaux services, lui avait permis de souffler. Entretien détente avec un homme qui a réalisé son rêve de gosse l'été dernier lors des JO de Tokyo : jouer avec André-Pierre Gignac.

Ça fait un an et demi que tu es en Allemagne. Ça y est, tu es bilingue ? Je comprends l’allemand, mais pour le parler, c’est autre chose.

La vie berlinoise te convient ? L’année dernière, avec la Covid, c’était un peu compliqué. En plus, c’était ma première année à l’étranger. Donc je n’ai pas pu goûter à la vie normale à Berlin. Mais c’était pareil pour tout le monde. Maintenant ça va. C’est assez différent de ce qu’on a en France. C’est plus tranquille qu’à Paris par exemple, c’est plus relax. On se sent bien ici en étant joueur de foot. On est considérés comme Monsieur Tout-le-monde. C’est un confort de vie assez appréciable.

Sur le terrain, c’est quoi la différence avec la Ligue 1 ? C’est un style de jeu bien différent. Il y a beaucoup moins de contrôles qu’en France au niveau de la conservation du ballon, des attaques placées… Ici, le jeu est basé sur les transitions. Il y a beaucoup de contre-attaques. C’est vrai que c’est un autre style, mais c’est intéressant. Ce n’est pas du tout ce qu’on a l’habitude de voir en France. Alors c’est spectaculaire et ça se reflète au tableau d’affichage souvent. Ça va dans tous les sens !

On dit souvent que la Bundesliga est un championnat d’attaquants. Est-ce que ça veut dire que c’est aussi une torture pour les défensifs comme toi ? (Rires.) Torture, je ne sais pas ! C’est sûr que c’est beaucoup plus ouvert que dans les autres championnats, mais il y a quand même de grands défenseurs ici. D’ailleurs, ils ont souvent la faculté de se projeter.

J’ai encore des paliers à franchir avant de pouvoir espérer aller en équipe de France.

À Berlin, tu as joué avec Mattéo Guendouzi, qui a récemment intégré l’équipe de France. Tu penses aussi un peu aux Bleus ? Avec Mattéo, on se connaît depuis pas mal de temps, notamment grâce aux sélections de jeunes, on a joué ensemble l’année dernière en club, et ça fonctionnait plutôt bien au milieu de terrain. C’est un super joueur, et il a trouvé un club dans lequel il est bien. Moi, je n’y pense pas forcément. J’étais plus proche de l’équipe de France quand j’étais à Lyon. Avec le Hertha, c’est un peu compliqué, on n’est pas sur les places européennes. J’ai encore des paliers à franchir avant de pouvoir espérer un jour y aller. Ce n’est pas dans mes priorités du moment.

Jouer en France peut être un atout pour prétendre à une sélection. Un retour en Ligue 1 est-il envisageable ? Ce n’est pas d’actualité. Ici, le jeu me correspond bien, mais on va voir en fonction des opportunités. Je suis là depuis un an et demi, et le projet a pas mal changé depuis que j’ai signé. On fera probablement le point cet été.

Tu dis que le projet du Hertha a changé depuis ton arrivée. On t’avait vendu quoi et maintenant tu joues pour quoi ? Disons que les personnes qui m’ont fait venir en janvier 2020 ne sont plus au club. Il y a eu pas mal de bouleversements. Avec le coronavirus, le club n’a plus forcément les mêmes moyens financiers. Des joueurs qui avaient été recrutés en même temps que moi ont par exemple déjà été vendus. Ce n’est plus pareil, ce n’est plus le même projet. L’année dernière, c’était plutôt une saison délicate, là on est plus ou moins dans le milieu de tableau. Ce n’est pas vraiment ce pour quoi je suis venu.

Ton année a aussi été marquée par une participation aux JO de Tokyo. Quel bilan dresses-tu de cette déroute ? C’est marrant parce que j’ai eu le coach Ripoll au téléphone il n’y a pas longtemps, et on en a fait un petit débrief. Ça reste une grosse déception parce que pour certains joueurs comme moi, c’était peut-être la dernière fois qu’on portait le maillot de l’équipe de France. C’était une sorte de récompense pour les joueurs qui ont été longtemps en sélections jeunes. Mais là, avec cette histoire de listes, le fait qu’on n’ait pas forcément été dans les bonnes dispositions, avec la meilleure équipe possible à Tokyo… Sur le papier, on aurait dû avoir une superbe équipe. On est quand même une grosse nation du foot. Présenter une telle équipe, avec tout le respect que j’ai pour ceux qui étaient là, c’est dommage. Après sur le plan humain, c’était une belle aventure.

Donc c’est plutôt la faute des clubs ? Je ne vais pas citer les responsables, et puis tout le monde peut être mis en cause. Mais il y a des nations qui sont arrivées avec les 18 meilleurs joueurs possibles. Je pense qu’il faudrait qu’on fasse une sorte de charte. Alors oui, il y avait des compétitions, des enjeux pour les clubs, mais par exemple, Matheus Cunha, qui était avec moi à Berlin, parti depuis à l’Atlético, il a gagné les JO, et le premier match de championnat, il a pu jouer ! Je ne vois pas où est le problème.

Tu parlais d’une belle aventure humaine. C’était comment de vivre avec Gignac, Thauvin et Savanier ? Ce sont trois belles rencontres. Florian et Téji, je les connaissais grâce à nos affrontements en Ligue 1 quand j’étais à Lyon. C’était sympa d’avoir des gars plus vieux dans l’équipe ! Dédé Gignac, quand j’étais petit, j’allais le voir jouer à Toulouse, donc c’est marrant de pouvoir jouer avec lui quelques années plus tard. C’est un peu un rêve de gamin d’avoir pu évoluer avec des joueurs comme ça. Téji, sur le terrain, c’est un génie. Il est capable de faire des choses… Il joue avec une spontanéité que j’ai rarement vue. Il fait une super saison, et je suis très content pour lui. Il n’y en a pas beaucoup des mecs comme ça dans le foot, et il faut le souligner.

À Lyon, tu as bien connu Maxwel Cornet, dont l’arrivée au Hertha a un temps été pressentie. Il t’a passé un coup de fil ? On a bien échangé, ouais. Il était éventuellement question qu’il signe ici, mais il a fait son choix, et c’est respectable. Il voulait avoir quelques infos sur le club, mais c’est la vie d’un joueur de foot.

Sur une échelle de 1 à 10, tu mettrais combien à ton passage à Lyon ? Sur une échelle de 1 à 10 ? (Rires.) Franchement, je mettrais 6. Ouais, je pense que c’est une bonne note. En plus, c’est mon poste sur le terrain. Y a eu des 1, y a eu des 10 !

C’est quoi les 1 ? Quand on se fait éliminer aux portes de la finale en Ligue Europa en 2017… Après, ce n’est pas vraiment un 1 parce que c’est une super expérience. On avait largement les moyens avec l’équipe qu’on avait, comme le disait Genesio dans So Foot. On aurait pu aller en finale et peut-être gagner. Dans les bons moments, il y a la victoire contre la Roma en C3, le match contre le Barça, le match contre la Juve… En plus je marque !

Tu suis encore beaucoup l’OL aujourd’hui ? Oui, quand je peux, je regarde.

Ça te manque un peu ? Pas forcément. On a une belle ambiance ici aussi. Mais quand on pense au derby, on se dit que c’était pas mal ces moments-là quand même.

C’est sûr qu’en ce moment, le derby ressemble plus à un match de bas de tableau… (Rires.) Plus pour Saint-Étienne !

C’est pas top à l’OL en ce moment. Comment l’expliques-tu ? Il y a un nouveau coach, une nouvelle philosophie, pas mal de changements au club aussi. Je ne sais pas exactement ce qu’il se passe à l’intérieur, mais un peu comme à mon époque, il y a ce truc du courant alternatif sur le terrain.

Lyon m’a acheté 2,5 millions et m’a revendu 25 millions. Bon voilà, c’est une très belle opération pour eux, tout le monde était content.

Visiblement, personne n’a la réponse, mais pourquoi Lyon joue tout le temps sur courant alternatif peu importe les joueurs qu’il y a sur le terrain ? (Il soupire.) Je ne sais pas. Je ne sais pas… Il y a peut-être des coupures EDF à Lyon. (Rires.) Mais c’est vrai, qu’importe les coachs, c’est un peu la problématique de Lyon. Peut-être que ça s’endort un peu quand ça se passe bien… C’est un bon sujet à creuser.

C’est toi qui as voulu partir de Lyon ou c’est la direction qui t’a gentiment fait comprendre qu’il était temps de s’en aller ? Dans ma réflexion, j’avais en tête de pouvoir découvrir quelque chose d’autre. Cinq ans à Lyon, c’est quand même pas mal, et j’avais envie de connaître un nouveau championnat. L’opportunité de signer au Hertha a donc permis à tout le monde de s’y retrouver. Lyon m’a acheté 2,5 millions et m’a revendu 25 millions. Bon voilà, c’est une très belle opération pour eux, tout le monde était content. En plus, la fin de saison a été belle.

Mais tu n’as pas pu participer au Final 8, qui a eu lieu alors que ton contrat avec le Hertha venait de prendre effet… Ça, je le regrette. Mais on ne pouvait pas prévoir le coronavirus. J’ai essayé de négocier avec Berlin, mais quand un club vous a payé autant, c’est compliqué. J’aurais loupé toute la prépa. En cas de blessure, ç’aurait été compliqué aussi.

Tu as aussi vécu l’arrivée de Juninho, qui n’a pas toujours eu des mots tendres à ton égard dans la presse. Il était comment au quotidien ? Ce truc, c’était un feu de paille. Ça s’est rapidement éteint, c’était un malentendu. Juni est un super gars avec qui je m’entends très bien. Il a beaucoup d’amour pour le club, il est très dévoué. Je n’en dirai que du bien. Il a une vraie volonté de bien faire les choses. Peut-être un peu trop, et c’est ça qui a dû l’épuiser. Il est toujours à fond. Tout le monde dit que c’est court, mais trois ans, c’est très long. Quand tu es directeur sportif d’un club comme Lyon, toutes les journées ne sont pas faciles.

Avec Genesio, c’était n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Une partie des supporters lyonnais est assez exigeante et même parfois méchante.

Tu as préféré jouer sous Bruno Genesio, Sylvinho ou Rudi Garcia ? Sincèrement, avec Bruno Genesio, c’était pas mal. C’est un super coach à qui ça a fait du bien de partir. On voit qu’il marche bien à Rennes, dans un autre environnement, avec moins de pression. Je pense qu’à Lyon, il y a eu beaucoup de choses négatives autour de lui et que ça lui a joué des tours.

Tu sais s’il avait un compte Twitter anonyme et qu’il lisait les tweets ? Je n’en sais rien, mais peut-être qu’il n’aurait pas dû. Parce que c’était du grand n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Il avait eu des problèmes avec ça, mêmes ses enfants. Il y a également eu un déferlement médiatique non justifié la plupart du temps. Parce que c’était un gars qui venait du club et moins connu qu’un grand nom. Mais un grand nom aurait été critiqué quoi qu’il fasse à Lyon. Une partie des supporters lyonnais est assez exigeante et même parfois méchante.

Toi aussi t’as un peu ramassé…Oui, moi aussi, j’en ai pris, mais tout le monde ! C’est comme ça, j’en prends encore et j’en prendrai demain. Je le prends avec le sourire. Ce qui me dérange, c’est les insultes. Si je faisais gaffe à tout ça, je ne jouerais plus au foot. Tous ces gens-là, ils sont derrière un écran. Je pense que s’ils te croisent dans la rue, ils demandent un autographe. Ils disent « wesh Tousart, viens on fait une photo tranquille ! T’es bon, t’es bon ! » et après sur Twitter ils vont écrire « Tousart, nul à chier. » (Rires.) C’est la vie.

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