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Loi PSG : un débat qui en jet

Par Adel Bentaha et Léo Tourbe
9 minutes
Loi PSG : un débat qui en jet

Alors que le PSG s'est envolé pour Haïfa ce mardi, la SNCF, les politiques et certains clubs de foot se sont emparés de la polémique autour de la sortie de Christophe Galtier pour mettre en avant l'utilisation d'alternatives à l'avion. Dans quelle mesure celles-ci sont-elles viables ? Comment les écologistes essaient de limiter les voyages en jet ? Que représentent les voyages d'une équipe dans le bilan carbone ? Explications.

3242,25 kilomètres séparent le Parc des Princes du stade Sammy-Ofer d’Haïfa. Ce coup-ci, pas question de faire le transport en train. Les Parisiens ont décollé ce mardi pour quatre heures de vol, avec un bonus d’une heure de bus entre l’aéroport de Tel-Aviv et leur hôtel dans la ville du nord du territoire. Évidemment, pour ce genre d’itinéraire, inutile de polémiquer sur la pertinence de l’avion. En revanche, pour les trajets plus courts, comme en Ligue 1 ou en Ligue 2, se mettre au train est envisageable, voire nécessaire. « Il y a des infrastructures en France qui permettent de déplacer des équipes autrement qu’en jets privés. Il faut que la SNCF fasse des efforts, mais visiblement elle était prête à le faire. Donc soit les équipes arrivent à s’organiser seules et à négocier avec la SNCF, soit on régulera ça dans la loi », explique Thomas Dossus, sénateur du Rhône, faisant partie du groupe des écologistes.

Il y a un problème dans la façon dont on fiscalise le jet privé et la façon dont on envisage les transports de demain.

La loi PSG

Ce même groupe est à l’origine de la proposition de loi, intitulée PSG, visant à étendre le point de la loi Climat qui interdit les vols internes commerciaux lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 2h30. « Nous, on veut le faire aussi pour les jets privés », souffle le sénateur. Pour l’instant, la Commission européenne a suspendu la mesure initiale, le temps de vérifier sa compatibilité avec le droit européen, et donc la loi PSG est en attente. « On s’en sert aussi pour mettre ça dans le débat public, confie Thomas Dossus. On voit que Clément Beaune(ministre délégué chargé des Transports, NDLR)essaie d’avancer sur ce sujet, donc on lui propose des choses parce qu’il est un peu seul au gouvernement à vouloir s’engager. On a appris qu’il s’était fait un peu taper sur les doigts après avoir pris la parole sur les jets privés, donc on va essayer de l’encourager. » Si les équipes professionnelles se tournent vers le transport aérien, ce n’est pas seulement par gain de temps, mais aussi parce que privatiser un TGV entier ou deux voitures de première classe coûte probablement plus cher qu’un vol en jet.

Alors que la SNCF ne souhaite pas communiquer ses prix, arguant ne pas pouvoir être précise, car il s’agit de prestations « sur mesure », on estime qu’un trajet en jet coûte aux alentours de 25 000 euros. « Si le train est plus cher, c’est qu’il y a un problème sur la façon dont on fiscalise le jet privé et sur la façon dont on envisage les transports de demain. Le kérosène n’est pas taxé, donc il y a aussi un souci là-dessus », affirme le sénateur rhodanien. Une autre contrainte : le transport de nuit. Paris a notamment mis en avant le fait qu’il était difficile de prendre le train au sortir des rencontres en soirée. De son côté, la SNCF affirme que c’est tout à fait faisable, à condition de privatiser un TGV ou un Intercité. « L’avantage de cette solution, c’est que vous avez un sillon qui vous est attribué par le gestionnaire d’infrastructures, SNCF Réseau, et qui vous garantit une circulation. Y compris après les matchs quand ça peut être tardif. Ce qui était un des contre-arguments du PSG, mais ça, on sait complètement faire. Après, ça a un coût évidemment, on ne va pas se voiler la face », détaille-t-on à la SNCF. En revanche, si l’équipe loue une voiture ou deux au sein d’un train, elle doit se soumettre aux horaires normaux.

Les équipes ont des problématiques de récupération, de sommeil. Est-ce vraiment pertinent pour le Stade rennais de se rendre en train à Monaco ? C’est discutable…

La sécurité dans les gares est également un point important et souvent dégainé pour expliquer l’impossibilité pour des clubs comme le PSG d’emprunter le train. Là encore, la SNCF soutient qu’il existe la possibilité de faire partir le TGV d’une gare périphérique, comme le fait le XV de France à Massy lorsqu’il s’entraîne à Marcousssis. Il y a aussi des accès dérobés dans les gares : « Dans certaines gares parisiennes, il y a la possibilité d’accéder aux TGV en toute discrétion. À Montparnasse, il y a la partie Vaugirard où il y a les tournages de cinéma et c’est très discret. Ce n’est pas utilisé commercialement, on met le TGV là et c’est parti. À Gare de Lyon, il y a un accès en bus qui est discret. À Lille Europe, ce n’est pas très compliqué non plus », énumère l’entreprise ferroviaire. Mais encore une fois, c’est lorsqu’il s’agit d’un train complet. Lorsqu’une équipe moins dotée loue une voiture ou deux, le dispositif est un peu moins facilité : « Dans un train commercial, on peut le faire arriver 45 minutes à l’avance au lieu de 20 minutes, et l’équipe en question monte par un accès spécifique. On sécurise le passage en gare, on verrouille les portes et puis le reste de la clientèle embarque. »

L’AJA, à jamais les premiers

C’est à l’aune du nouveau millénaire que les voyages en jet se sont démocratisés. « On n’avait pas droit aux jets privés à West Ham », racontait même Rio Ferdinand dans son autobiographie alors qu’il évoquait son transfert à Leeds en 2000. Seulement, un club en France s’était déjà habitué à décoller dès les années 1980 : l’AJ Auxerre. Dans le récent documentaire autour de Guy Roux, disponible sur Prime Video, les Icaunais de l’époque expliquent que cela faisait gagner un temps de récupération considérable par rapport à la concurrence. « C’est ce qui faisait notre force, on avait une possibilité de récupérer plus importante. Une heure d’avion contre quinze heures de bus », confiait Lionel Charbonnier. Aujourd’hui encore, le train et ses trajets parfois trop longs sont moins pertinents pour nombre de déplacements, surtout lorsque Paris et ses gares bien desservies ne sont pas impliqués. « Les équipes ont des problématiques de récupération, de sommeil. Est-ce vraiment pertinent pour le Stade rennais de se rendre en train à Monaco ? C’est discutable », concède-t-on à la SNCF, alors qu’il faut compter au moins neuf heures sur une ligne commerciale pour rallier la Bretagne à la Principauté.

Malgré ces contraintes et ces obstacles à l’utilisation du train, cela ne semble pas justifier un chiffre effrayant : en 2019-2020 seulement 4% des déplacements des équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 ont été effectués en train, contre 65 % en avion et 31 % en car, selon les chiffres de la LFP. La polémique autour de la frasque de Christophe Galtier et du fou rire de Kylian Mbappé aura peut-être le mérite de mettre « un coup de pied dans la fourmilière », comme l’espère la SNCF, qui rappelle qu’en Espagne, le Betis fait tous ses déplacements en train. De l’autre côté des Pyrénées, si le débat lié à l’écologie n’a pas secoué les instances footballistiques (ne semblant pas enclines à la discussion), certains clubs se sont effectivement décidés à agir de leur propre chef. Exemple visible depuis près d’un an désormais avec le club sévillan.

L’exemple du Betis

Au mois de décembre 2019, l’écurie andalouse signait ainsi une collaboration jusqu’en 2023, avec la société nationale espagnole de transports ferroviaires, RENFE. « Par cet accord, la RENFE souhaite promouvoir l’utilisation du train comme moyen de transport durable pour les athlètes de haut niveau, tout en y incluant les valeurs du sport », résumait sobrement Francis Arteaga, dirigeant de la SNCF ibérique. Une volonté visible, née de la création d’une plateforme, nommée Forever Green, visant à calculer l’empreinte carbone du club et à lancer diverses initiatives écoresponsables. Parmi elles, l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit du stade Benito-Villamarín et, entre autres, l’utilisation du train comme moyen de locomotion quasi exclusif. Dans une politique de transparence, la direction betica s’est surtout distinguée en s’imposant une réduction de 10% d’émissions en CO2 d’ici 2025 et en soumettant annuellement son bilan carbone à Teresa Ribera, ministre de l’Écologie. Un fait inédit dans le football espagnol. Novateurs, les dirigeants sévillans ont, en réalité, su anticiper les enjeux sociétaux de notre époque. Différentes questions, lointaines il y a encore quelques années, mais aujourd’hui mises sur la table, par le biais du cas PSG. Les interrogations, liées à la logistique ou à la mise en place de ces trajets sans avion, pour des footballeurs professionnels, le Betis, institution d’envergure internationale, semble donc y avoir répondu.

En tant que club de football, nous n’avons aucune différence de comportement à avoir avec les autres entreprises. Nous ne devons jamais nous détacher de la réalité de la vie quotidienne, quel que soit notre statut.

Souvent observée avec dédain pour ses prises de position (ou ses non-prises de position), en « décalage » avec la réalité, la sphère footballistique ne peut, dès lors, que rattraper ces actes manqués, comme le rappelait Ángel Haro, président du RBB : « En tant que club de football, nous n’avons aucune différence de comportement à avoir avec les autres entreprises. Nous ne devons jamais nous détacher de la réalité de la vie quotidienne, quel que soit notre statut. L’environnement et le développement durable font partie de nos objectifs de responsabilités sociales d’entreprise. Nous sommes très engagés là-dessus. Alors, c’est vrai qu’on est un peu sortis de notre feuille de route parce que le Covid nous a quasiment obligés à prendre l’avion. Et, pour être 100% honnête, il nous arrive de prendre l’avion pour certaines distances, malgré l’accord avec la RENFE. Mais petit à petit, nous allons assurément réduire notre empreinte carbone conformément à l’objectif que nous nous sommes fixé. C’est une chose tout à fait réalisable. »

Il est certain que les équipes professionnelles doivent s’adapter à leur temps, mais ces modifications doivent aussi inclure le mode de déplacement des supporters, beaucoup plus important dans le bilan carbone d’un événement sportif. Par exemple, Wolfsburg dévoilait que le déplacement des supporters représentait près de 60% de son bilan carbone alors que celui des joueurs et du staff seulement 6%. « En réalité, les supporters, leurs déplacements ne sont pas bien organisés non plus, et notamment parce que les lignes régulières s’arrêtent à des heures incompatibles avec les matchs. Si on affrète des rames pour les équipes, on pourrait le faire aussi pour les supporters. Il faudrait en profiter pour mutualiser tout ça », souhaite Thomas Dossus. Quand verra-t-on le premier jet ?

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Par Adel Bentaha et Léo Tourbe

Tous propos recueillis par LT, sauf ceux de Arteaga et Haro tirés de conférences de presse.

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