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Liste des Bleus : des choix et des chantiers
Didier Deschamps a distribué mercredi soir une liste de 25 convoqués sans très grande surprise, mais qui ouvre la porte à plusieurs débats.
Même si le suspense avait pris des coups dans le buffet tout au long de la journée, puisque tous ses choix étaient disséqués au scalpel depuis des heures, Didier Deschamps était quand même attendu au premier virage, mercredi soir au 20 heures de TF1, après une intervention de Francis Pousse, le patron national chez Mobilians pour les distributeurs de carburants et les énergies nouvelles, et une enquête sur la fin des éclairages nocturnes à Figeac. Peu après 20h30, le sélectionneur des Bleus a même serré les dents face à Gilles Bouleau : « Vous n’arriverez pas à me saper le moral. Il y a des statistiques qui sont négatives, mais on va tout faire, même si se maintenir au plus haut niveau est très difficile. Je peux vous l’assurer. » Avant ces mots, Deschamps avait déjà levé le voile sur ses arbitrages et livré la cinquième liste pré-tournoi de son mandat. Une liste qui, comme toute liste, a respecté la règle d’un jeu cruel, fait de grands vainqueurs et de grands battus. Il est complexe d’établir ici une hiérarchie, mais on retiendra d’abord que Mike Maignan, en guerre avec son mollet gauche depuis la fin du mois de septembre, n’a pas réussi à se retaper à temps et a offert par ricochet un siège à Steve Mandanda, 37 ans et tous ses gants. On se souviendra également que Lucas Digne, déjà sacrifié au printemps 2018, a de nouveau vu son carton d’invitation disparaître au pire des moments après avoir pourtant participé à la grande majorité des rassemblements depuis l’automne 2021. On notera, enfin, que d’autres cartes (Ben Yedder, Clauss, Mendy) ont été déchirées, notamment à la suite d’une décision assumée par le chef de clan de l’équipe de France : le retour à une défense à quatre.
Le chantier du système
« Il y a eu une longue réflexion et après différentes analyses, des discussions avec mon staff et les joueurs, cette option a été décidée, est venu expliquer un Didier Deschamps un poil tendu dans la foulée du journal de 20 heures, dans l’auditorium de TF1. On a fait de bonnes choses, certaines très bonnes, mais on a aussi été très souvent en déséquilibre, et je ne sais que trop bien que pour exister dans une grande compétition, il faudra mieux défendre. Je suis convaincu que c’est le meilleur choix. » Jonathan Clauss a naturellement été la première victime de ce changement d’approche, alors que les Bleus n’ont évolué à quatre têtes derrière au coup d’envoi qu’à cinq reprises depuis l’Euro. L’autre débat du jour était de savoir avec combien d’hommes Deschamps choisirait de voyager au Qatar, et la réponse est 25, dont 22 joueurs de champ, ce qu’il estime lui offrir « assez de sécurité » et un nombre raisonnable de futurs maux de crâne. Mais la grande question est tombée un peu plus tard dans la soirée : peut-on vraiment espérer voir l’équipe de France conserver son titre, ce qu’aucune nation n’a réussi à faire depuis le Brésil en 1962, avec un milieu privé du duo Kanté-Pogba et composé de joueurs aussi peu expérimentés (Camavinga, Fofana, Guendouzi, Rabiot – seul élément à plus de 20 sélections -, Tchouaméni, Veretout) ? Réponse : « Personne ne peut savoir. Vous savez ce que représentent les deux absents, Paul et N’Golo. Heureusement, lors de différents rassemblements, ceux que j’ai appelés ont eu du temps de jeu. C’est toujours ça. Maintenant, j’ai confiance en eux. Ils feront tout et potentiellement, ils ont ce qu’il faut. Mais est-ce que c’est les meilleures conditions ? En 2021, on était les plus beaux, les plus forts… On est dans une situation difficile, il y a des impondérables, mais encore une fois, j’ai confiance en ce groupe et je suis sûr qu’il va tout faire pour livrer bataille. »
« On n’ira pas en se la racontant »
Ce qui nous amène logiquement à l’avant-bataille : le plan. Le choix de Didier Deschamps de rechanger de système à quelques jours seulement de la Coupe du monde alimente forcément la machine à doutes. Chacun se gratte la tête, tente de deviner ce que le sélectionneur va dessiner pour le premier match contre l’Australie avec une liste composée de deux latéraux seulement – Benjamin Pavard et Théo Hernandez -, d’un paquet de centraux, de deux ailiers purs – Kingsley Coman et Ousmane Dembélé – et, si on lit entre les lignes, on semble se diriger vers le retour d’un 4-2-3-1 sauce Russie 2018 où Adrien Rabiot pourrait de nouveau jouer son rôle de « joueur d’équilibre », celui qu’il avait si bien porté au Portugal en novembre 2020, et rôle qu’Eduardo Camavinga pourrait potentiellement également assumer. Deschamps, mercredi soir : « L’équilibre est plus aléatoire avec quatre offensifs. Ça peut être une option, mais on n’aura pas des plots en face. Ce n’est pas de la Playstation. Quand tu as le ballon, il n’y a pas de souci, mais quand tu ne l’as pas, ce n’est pas parce que tu vas mettre plus d’attaquants que tu vas marquer plus de buts. Avant, Adrien Rabiot se limitait par rapport à sa position, mais aujourd’hui, il a une palette plus large. Il dit que c’est un joueur d’équilibre, et j’aime bien, ça a beaucoup de valeurs à mes yeux. » Ce serait donc avec un vieux pot que Didier Deschamps compterait refaire de la confiture, lui qui assumait à Moscou, au soir de la victoire finale, que son équipe avait des « imperfections », mais surtout « des qualités mentales et psychologiques déterminantes ». Sans Umtiti, Pogba et Kanté, il doit désormais monter un nouveau carré défensif autour de Raphaël Varane, ce qui sera la base de tout et permettra l’expression d’un secteur offensif débordant de talents (Benzema, Giroud, Mbappé, Griezmann, Nkunku Dembélé, Coman). Le rôle d’Antoine Griezmann, cerveau des Bleus en Russie, y sera, bien sûr, surveillé de près. Ce groupe est aujourd’hui en bas d’un col et doit choisir son approche : c’est, au-delà de s’assurer de l’état physique de l’intégralité de la troupe, l’enjeu des treize prochains jours et ce qui obsède déjà Didier Deschamps, qu’Olivier Giroud a finalement convaincu de sa capacité à accepter un rôle de plan B. Au bout d’une soirée où il n’est pas venu vendre de la nostalgie, il a pour le moment été clair : « On n’ira pas en se la racontant. » Comme toujours, le récit, que Deschamps porte de tout temps, n’aura alors qu’un seul et unique juge : le résultat final.
Par Maxime Brigand, à Boulogne-Billancourt