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Ligue 2, les nerfs de la guerre
La bonne nouvelle est tombée : l'AC Ajaccio, d'abord rétrogradé en National, restera en Ligue 2. Tout comme pour Sochaux et Nancy, la DNCG est donc finalement revenue en appel sur sa première décision, en maintenant ces clubs « patrimoniaux » dans le « vrai » professionnalisme. Il n'en reste pas moins que la situation économique de nombreux pensionnaires de notre seconde division interroge sur l'impossible équation entre la rentabilité économique et le respect de l'ancrage régional de notre foot national.
Sur son compte Twitter, l’ACA n’a pas caché son soulagement, avec un brin de fierté insulaire, le tout ponctué d’un vibrant hashtag « #OrsuEternu » . Pour le coup, c’est l’autre représentant corse en Ligue 2, le Gazélec, rétrogradé sportivement, qui fait les frais de cette victoire, et qui retournera donc en National (un casse-tête, imagine-t-on, pour les frais de déplacement de ses futurs adversaires). La décision en appel de la DNCG évite certes au foot corse, durement éprouvé ces dernières années, surtout au chapitre de la solidité financière de ses plus belles institutions, de devoir encore perdre un représentant parmi l’élite.
D’autant plus qu’à l’instar de Sochaux ou Nancy, l’ACA savait très bien à quel point ce type de sanction peut facilement se transformer en véritable traversée du désert. Par le passé, Strasbourg, Le Mans et Toulon (qui commencent à peine à s’en remettre, honneur à eux) ont dû digérer ce changement de statut, auquel ils ne s’attendaient pas en règle générale, et se reconstruire longuement. Même si l’ASNL devra subir « une mesure d’encadrement de la masse salariale et des indemnités de mutations » , ou que les Ajacciens ont vu déjà certains de leurs joueurs fuir vers d’autres cieux, l’essentiel est sauf, tout du moins pour le moment. En priant pour que 2019-2020 se passe mieux, sur tous les plans.
La Ligue 2 ou rester un grand ?
Car pour beaucoup de clubs, évoluer en Ligue 2, c’est surtout d’abord trouver les ressources et les raisons d’y rester. Et donc avoir les moyens de s’y installer sur la durée, au risque de perdre sa place parmi cette antichambre du bonheur « Uber Eats » , en tout cas suffisamment solidement au regard des critères d’exigence du foot pro actuel (la montée en L1 étant devenue un exploit, surtout avec l’instauration des barrages). Un club comme le Red Star est bien placé pour le savoir et connaître les affres de l’ascenseur.
On peut évidemment, et légitiment, critiquer la DNCG pour son approche très comptable ou technique des dossiers, ce qui d’ailleurs laisse entrevoir à quel point ses revirements sont d’abord « politiques » , toutefois son obsession des équilibres éclaire en retour la situation singulière, tendue, voire précaire, de nombreuses « maisons » de notre seconde division. Car une fois mis de coté Lens et ses 36 millions, l’immense majorité navigue sous la barre des 20 millions d’euros de budget, avec juste 6 millions pour Béziers.
Foot de province vs foot de métropole ?
À leur décharge, en prenant un peu de recul et de perspective, plusieurs facteurs ne facilitent pas la vie de ces clubs, de l’endémique faiblesse des droits télé qu’ils perçoivent, aux horaires des matchs, sans oublier une fréquentation moyenne qui oscille autour de 8000 spectateurs (quand en Allemagne son homologue dépasse les 20 000). À l’heure du foot mondialisé, l’ancrage provincial de beaucoup d’entre eux freine leur développement.
Trop à l’écart des métropoles, ces clubs subissent de plein fouet les tendances économiques et politiques (cf. les dernières réformes territoriales) qui façonnent désormais l’évolution du pays et son inscription dans une mondialisation (les gilets jaunes furent en creux le symptôme social). La Ligue 2 s’organise beaucoup trop aux marges des centres névralgiques où affluent les investissements et l’attractivité des sponsors. Elle souffre d’un capitalisme sportif qui lui est de plus en plus défavorable, où entre la quête aux propriétaires étrangers, la manne des diffuseurs et le merchandising, Niort ou Orléans ne paraissent malheureusement pas du coup les mieux placés…
Par Nicolas Kssis-Martov