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Les salauds, ils ont oublié Pirlo…
Hier soir, Andrea Pirlo n'a pas gagné son quatrième Ballon d'or d'affilée. D'ailleurs, il n'était même pas sélectionné parmi les trois premiers. Bah ouais… Il n'avait qu'à jouer en Espagne.
Hier soir, c’était la cérémonie de remise du Ballon d’or. Robes de soirée, costumes, nœuds papillon. Bref, tenue correcte exigée, même pour ceux qui ont décidé de mettre des costumes à pois. Pourtant, dans le parterre de joueurs, de sélectionneurs et d’anciennes légendes, personne n’a aperçu le joueur le plus classe de l’année 2012. Andrea Pirlo. Non, Andrea n’a pas eu besoin de sortir le costume. D’un côté, on aurait aimé qu’il mette tout le monde d’accord avec un costard bien cintré, qui lui va parfaitement. De l’autre, on se dit que le barbu n’a vraiment plus besoin de se pointer à une cérémonie factice, qui ressemble de plus en plus à une mascarade. Et il n’y a qu’à regarder le onze type de l’année pour s’en convaincre. Car pour ce onze, il n’est pas question de celui qui porte mieux le costume ou qui a le mieux noué sa cravate. Il est question de ceux qui ont effectué les meilleures prestations dans le monde cette saison. On regarde au milieu de terrain. Xabi Alonso, Xavi, Iniesta. Trois Espagnols. Trois champions d’Europe. Un vainqueur du championnat d’Espagne. Deux vainqueurs de la Coupe du Roi. Et Pirlo ? Il n’y avait donc pas de place dans ce onze pour un joueur finaliste de l’Euro et champion d’Italie invaincu sur l’ensemble de la saison ? Eh bien nous avons eu la réponse hier : non. Non, il n’y avait pas de place pour Pirlo.
D’ailleurs, il n’y avait pas non plus de place pour lui sur le podium du Ballon d’or. Bah non, pour quoi faire ? Qu’est-ce que Pirlo aurait fait là ? Après tout, qu’a-t-il accompli, cette saison, pour que quelqu’un ose même supposer qu’il puisse se faire une petite place au beau milieu des Madrilènes et des Catalans ? Si le cœur apporte des réponses subjectives, les statistiques, elles, parlent en toute objectivité. En 2012, Andrea Pirlo a réussi 2947 passes sur les 3368 qu’il a tentées, soit 87,5% de réussite. Personne n’a fait mieux dans les cinq grands championnats européens, même pas les funambules du Barça. Avec ses passes, Pirlo a créé 141 occasions de but. Là aussi, un record en Europe. Et puis, il faut voir de quel genre de passes, il s’agit. Des ouvertures au millimètre, des ballons téléguidés, des passes au laser. En plus de cela, Pirlo a eu un rôle déterminant dans tout ce qu’il a entrepris cette année. Avec la Juve, il a été monstrueux, et ce n’est pas un hasard si son équipe a couru vers le titre de champion d’Italie sans perdre le moindre match. Et l’Euro… Cet Euro, bordel.
Du premier au dernier match, Pirlo a survolé de toute sa classe la compétition. Certains diront qu’il est passé à côté de sa finale. Faux ! L’Italie est totalement passée à côté de sa finale, ça oui, mais certainement pas Pirlo, qui a été l’un des seuls (voire le seul) à inventer des choses, à tenter de donner une secousse à une équipe qui était clairement au bout du rouleau. Veut-on reparler de son quart de finale contre l’Angleterre ? Veut-on reparler de sa Panenka, qui est un mix de tout ce que représente Pirlo ? L’exécution parfaite d’un geste loin d’être simple à réaliser, l’intelligence de le faire à ce moment-là pour inverser l’ascendant psychologique, le charisme de continuer sa course d’élan, tout en élégance, pour aller défier Joe Hart du regard et le faire sortir de son match. Bref, du génie à l’état pur. Et ce n’est pas comme si ce génie s’était révélé cette saison, comme par magie.
Quoi qu’en pensent ceux qui l’ont « découvert » pendant l’Euro, Andrea Pirlo est l’un des meilleurs joueurs du monde depuis au moins dix ans. Récemment, lors d’un entretien à So Foot, Alessandro Nesta nous racontait sa rencontre avec le milieu de terrain, lors de ses premiers pas à Milanello, en 2002. « Pirlo, je pensais que c’était un joueur normal. En fait, quand je suis arrivé à Milan, lui venait d’arriver de l’Inter, et je me suis dit : « Mais c’est qui lui ? C’est un phénomène. » » Un phénomène qui, pendant les dix années qu’il va passer au Milan AC, va absolument tout gagner, en étant le baromètre de l’équipe d’Ancelotti. Deux Scudetti, deux Ligues des Champions, des Supercoupes, un Mondial des clubs, et, en point d’orgue, une Coupe du monde en 2006, au cours de laquelle il est très probablement le meilleur joueur italien. Sa passe aveugle pour Fabio Grosso, à la 118e minute de la bataille face à l’Allemagne, et qui propulse l’Italie en finale, restera dans l’histoire du football italien et du football mondial, tant pour sa lucidité à ce moment-là du match que pour son importance.
Donné pour fini car amoindri par des blessures, Pirlo a retrouvé une nouvelle jeunesse sous le maillot de la Juve, où il s’est imposé comme le meilleur joueur de la saison en Italie. Mais bon. Visiblement, tout cela ne sert pas à grand-chose. Andrea Pirlo ne joue pas en Espagne. Il joue dans le pays des paris truqués, des chants racistes et des points de pénalité. Andrea Pirlo ne marque pas 91 buts par an. Il plante quelques coups francs de temps en temps. Andrea Pirlo ne fait pas de déclarations tranchantes dans la presse. Il préfère se taire et tracer sa route. Andrea Pirlo ne gagnera jamais le Ballon d’or, comme Andrés Iniesta, Xavi, ou, en leur temps, Thierry Henry, Paolo Maldini ou Raùl. Et probablement qu’il s’en tape, d’ailleurs. « Les compliments de mes coéquipiers sont la chose la plus belle parce qu’eux jouent au football comme moi, ils s’amusent avec le ballon. Recevoir les louanges de très grands joueurs, c’est ça qui compte pour moi » a assuré le joueur. Tu as toutes les nôtres, Andrea.
Ils ont dit :
Ronaldo : « Le Ballon d’or, je l’aurais donné à Pirlo : c’est un grand joueur, il a disputé un grand Euro, mais ce trophée est surtout destiné à ceux qui marquent. Quoi qu’il en soit, il restera à jamais un des plus grands » .
Gianfranco Zola : « Si on regarde juste les chiffres, Messi fait la course en tête. Mais moi, j’aurais donné le Ballon d’or à Pirlo, un immense joueur » .
Fabio Cannavaro : « Le Ballon d’or ? Pour moi, c’est clair, les deux qui le méritent le plus, ce sont Iniesta et Pirlo » .
Mircea Lucescu : « Je connais bien Andrea, je l’ai fait débuter à Brescia quand il avait 15 ans et demi. Je voulais attirer l’attention sur lui et sur son talent. Son évolution a ensuite été exceptionnelle. Je suis convaincu que c’est lui qui mérite le Ballon, au vu de son extraordinaire carrière » .
Vicente del Bosque : « Oui, Pirlo peut totalement gagner le Ballon d’or. C’est un joueur complet, capable de créer le jeu et de finaliser les actions » .
Cesare Prandelli : « Pirlo mérite le Ballon d’or. C’est un joueur que tout le monde rêverait d’avoir dans son équipe » .
Michel Platini : « Pirlo est exceptionnel, il joue très bien. Selon moi, oui, il peut vraiment gagner le Ballon d’or » .
Par Eric Maggiori