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  • Épisode 12

Les joueurs qui ne célèbrent plus leur but contre leur ancien club

Par Adrien Candau
Les joueurs qui ne célèbrent plus leur but contre leur ancien club

Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingues tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Edouard Balladur, « je vous demande de vous arrêter ». Focus aujourd'hui sur ces types pas foutus de passer à autre chose, en tirant la gueule quand ils marquent contre leur ancien club. Souriez, c'est du passé.

D’où cela vient ?

D’une époque sans doute lointaine. Déjà, en 1974, un certain Denis Law tire une tête d’enterrement après avoir marqué face à Manchester United, son ancien club, alors qu’il porte désormais les couleurs du rival citizen. « J’étais inconsolable. Je ne voulais simplement pas que ça arrive. » Le truc, c’est que Denis a passé onze ans sous le maillot des Red Devils avant de rejoindre les Sky Blues. Et que son pion condamne ses ex-partenaires à la seconde division. Une bonne raison de faire la gueule donc. Idem lorsque Batistuta avait marqué contre sa Fiorentina avec le maillot de la Roma, un vrai crève-cœur. Au contraire de tous ces joueurs qui se refusent à décoincer leurs zygomatiques lorsqu’ils marquent contre une formation dans laquelle ils ont évolué pendant une saison à tout casser.


Pourquoi c’est insupportable ?

Parce que refuser de célébrer un but face à son ancien club, c’est comme avouer à sa légitime qu’on regrette déjà un peu son ex. Ça met une sale ambiance dans le couple et ça exhume un arrière goût vicelard de nostalgie. Alors qu’on sait très bien que, si on a mis fin à notre relation précédente, c’est parce qu’on commençait à s’engueuler à propos de tout et n’importe quoi et surtout sur des trucs tout pourris. Comme sur la marque de biscotte à acheter au petit déjeuner ou sur qui doit nettoyer la cuvette des chiottes. Autant dire que ça vaut largement le coup de tourner la page.


Qui l’incarne le mieux ?

Question piège. Surtout dans un monde où la notion de fidélité à un club devient aussi rare que le nombre de gens qui pensent que Jean Lassalle sera un jour élu président de la République. Parce que, désormais, presque tous les joueurs goûtent à plusieurs clubs dans leur carrière. Et un bon paquet veulent se la jouer grands sentimentaux en ne célébrant pas leurs buts face à leur ex-formation. On peut tout de même distinguer quelques champions absolus de la discipline, comme Marco Borriello par exemple. Un type qui a multiplié les conquêtes en évoluant dans 13 équipes différentes en Serie A, et qui refuse en 2013 de célébrer un pion marqué face à la Juventus, où il a évolué six pauvres mois. Marco a beau se le jouer séducteur sensible, ça ne prend pas.


Comment faire pour que ça s’arrête ?

Grace à une initiative radicale de la FIFA. En septembre 2017, elle instaure une nouvelle clause dans son règlement intitulée le « Why so serious act » . Désormais, tout joueur qui sera pris en flagrant délit de délectation morose quand il marque face à son ancien club se verra condamné à une opération du visage. À l’issue de laquelle la tronche du coupable sera figée de façon permanente dans un rictus qui évoque le sourire du Joker. Celui joué par Heath Ledger dans The Dark Knight. Let’s put a smile on that face.


Pourquoi ça peut précipiter la fin du monde ?

Parce qu’à force de compatir avec les malheurs de ses ex pour satisfaire le politiquement correct, le footballeur va contaminer la société tout entière. Plus personne ne pourra se satisfaire de son propre bonheur, sans culpabiliser pour la souffrance et l’injustice qui accablent autrui. Vous ne pourrez plus chambrer votre petit cousin après une victoire à l’arraché sur Mario Kart Wii parce qu’il y a eu un carambolage mortel sur l’autoroute A7 dans la matinée. Impossible de savourer un burger dégoulinant de ketchup, alors que la malbouffe est en train de faire du monde occidental une société de gros lards qui se déplacent en fauteuil motorisé. Encore moins de s’autoriser un plaisir coupable en se matant Piège en haute mer avec Steven Seagal, alors que le cinéma indépendant américain souffre d’un cruel déficit de financement. Le monde tire la gueule et sombre dans une dépression collective. Et tout ça parce que le néo Niçois Pierre Lees-Melou va refuser de fêter un but marqué en Coupe de France contre son ancien club du FCE Mérignac, où il a évolué quelques mois en 2012.


La parole à la défense

Youssouf Hadji (Nancy) : « Personnellement, je pense que, par respect, on peut toujours s’abstenir. Quand je marquais avec Nancy contre Rennes, je ne pense pas avoir célébré mes buts. Le critère décisif selon moi, c’est l’expérience qu’on a eue dans le club précédent. Quand ça s’est mal passé, il peut y avoir un esprit revanchard. Ensuite, je vais te dire que, dans ce cas-là, si le joueur célèbre son but proprement, ça ne me dérange pas. »

Grégory Pujol (néo patron de brasserie, ex FC Nantes et Valenciennes FC) : « En fait, pour moi, ça dépend entièrement des circonstances. Au début, quand on débarque dans un nouveau club et qu’on marque dans la foulée contre ses anciens partenaires, je comprends qu’on ne célèbre pas, car le départ est encore frais. Ensuite, avec les années, je célébrais quand même mes buts parce que dix ans après, faut quand même savoir tourner la page hein. Après, il y a des contextes particuliers où tu n’as pas envie de fêter un but, comme lorsque tu marques face à ton ancien club alors qu’il se bat pour son maintien. Mais bon, un but sans célébration, c’est toujours un peu triste, c’est vrai. »


Coefficient d’irritabilité

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