- Un jour, un transfert
- Épisode 47
Les Endoumois de Bordeaux : deux minots aux Girondins
Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Épisode 47 : à l'été 1992, Rolland Courbis débarque à Bordeaux avec deux joueurs de l'US Endoume totalement inconnus du grand public, sur une idée d'Alain Afflelou. Une expérience dont Christophe Vecchioni et Michel Flos, 23 et 28 ans au moment des faits, se souviendront longtemps. Au contraire de beaucoup de supporters des Girondins.
L’intersaison bordelaise est mouvementée, à l’aube de la saison 1992-1993. Le club qui a troqué le marine pour un rouge bordeaux fête sa remontée en première division en changeant presque tout. Alain Afflelou, alors à la tête du navire, décide de remplacer le valeureux Gernot Rohr par Rolland Courbis pour mener ses troupes. Côté joueurs, en plus de valeurs sûrs de France – Croci, Lucas, Guérit, Daniel – le lunetier fait venir le prometteur Zidane, les Brésiliens Valdeïr et Marcio Santos, ainsi que deux footballeurs venus du monde amateur auxquels pas grand monde ne prête attention : Christophe Vecchioni et Michel Flos, recrutés à l’US Endoume, un club de quartier de Marseille qui évolue alors en troisième division. Et que Courbis avait entraîné la saison précédente.
Une idée d’Alain Afflelou
L’instinct laisse naturellement penser que la venue à Bordeaux de deux novices à ce niveau doit tout à Rolland Courbis, leur entraîneur à Endoume, Marseillais comme eux. Et qui est particulièrement proche de la famille Vecchioni, comme il le confie : « Je connaissais le père de Christophe, on était de la même génération et on a grandi dans le même quartier. Il avait mis enceinte sa fiancée alors qu’elle n’avait que 16 ans et à l’époque c’était assez mal vu. Il était très emmerdé vis-à-vis de sa belle famille. Mais finalement, ils ont décidé – ainsi que ses parents – d’assumer et Christophe, je l’ai vu naître. Vu que je me suis retrouvé dans la même situation à ma naissance, ça crée des liens ». Mais à l’écouter, le recrutement du latéral gauche qui a alors 23 ans, ainsi que celui de Michel Flos, milieu de 28 ans, ne sont pas de son fait. C’est Afflelou lui-même qui aurait eu l’idée. « Le hasard faisait que quelques mois avant que je signe à Bordeaux, il était à Cannes avec Jean-Claude Darmon. Comme je jouais à Fréjus avec Endoume, il était passé me voir. Vecchioni, qui prenait tout le couloir gauche, et Flos, qui était notre meneur de jeu, avaient fait un super match, à l’image de leur saison. Lorsque mon arrivée à Bordeaux s’est concrétisée, il m’a demandé si on ne prendrait pas quelques joueurs d’Endoume pour meubler l’effectif. J’ai trouvé ça pas con et on les a fait venir. » Voilà tout simplement comment deux minots marseillais vont se voir offrir une chance en D1, et partager le même vestiaire que quatre futurs champions du monde.
Caviar offert à Zidane et but face à Nantes pour Vecchioni
Aujourd’hui agent de joueurs, Christophe Vecchioni se souvient qu’à l’époque, il avait été courtisé par plusieurs club de l’élite, à la suite de deux bonnes saisons à Endoume qui ont vu le club marseillais manquer la montée en D2 de très peu. L’international cadet et junior, formé à Nice, choisit finalement Bordeaux « parce que je connaissais Rolland et que c’était un très grand club. Tout en sachant qu’avec Lizarazu à mon poste, il y avait de la concurrence ». Doublure du Basque, c’est exactement le rôle pour lequel les Girondins l’ont engagé. Le Marseillais profitera des quelques miettes que le capitaine bordelais lui laissera avec grand plaisir. Lors de sa première saison en Gironde, il dispute onze rencontres, dont deux en tant que titulaire. Lors de sa première face à Sochaux, il offre même une passe décisive sur coup franc à Zidane. Il avoue aujourd’hui que cela reste le meilleur souvenir de sa carrière, avec son unique but en D1 : « C’était à Lescure, lors du derby. Le stade était plein, souffle l’homme dans un grand sourire. Je reprends un centre de Ronan Salaün et je trompe David Marraud du plat du pied ». Michel Flos aura moins de chance, comme l’explique Courbis : « On l’avait pris en cas de blessure d’un titulaire, ce qui n’est pas arrivé, donc il n’a quasiment pas joué ». Celui qui était encore recruteur pour l’OM il y a un an ne disputera que 34 petites minutes de jeu en une seule apparition, et quittera Bordeaux pour Istres en fin de saison.
« Je n’aurais jamais dû partir de Bordeaux »
Christophe Vecchioni restera une saison de plus. Hélas, lors du Trophée Gamper disputé à Barcelone lors de l’intersaison 1993-1994 – dans le cadre du transfert de Richard Witschge – il se blesse gravement. Une rotule dans le sac qui l’écarte des terrains durant huit mois. Après une saison blanche, il décide de suivre Rolland Courbis à Toulouse, en D2, où il est inclus dans la transaction avec Anthony Bancarel, qui fait le chemin inverse. « Ce fut la plus grosse erreur de ma carrière, regrette-t-il aujourd’hui. Je n’aurais jamais dû partir de Bordeaux, et surtout pas à Toulouse où je ne me suis jamais adapté ! Je pouvais aller à Guingamp en prêt et revenir l’année de l’épopée européenne des Girondins (1995-1996). Bordeaux, c’est une ville extraordinaire. Et les Girondins, un très grand club que je suis toujours. Ça me fait de la peine de les voir en Ligue 2. Ils n’ont rien à y faire ! » Qui sait, peut-être que lorsqu’il remonteront en L1, les Girondins iront chercher deux inconnus en National 1 ?
Par Mathias Edwards
Tous propos recueillis par ME.