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Les Dégommeuses : « Le départ de Noël Le Graët n’est pas du tout suffisant »

Propos recueillis par Léna Bernard, au siège de la FFF
5 minutes
Les Dégommeuses : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le départ de Noël Le Graët n&rsquo;est pas du tout suffisant »

Les Dégommeuses, équipe de football et association militante créée en 2012, lutte contre les discriminations dans et par le sport. Certains de ses membres ont manifesté ce mercredi 11 janvier devant le siège de la Fédération française de football à l’aide de pancartes dénonçant l’attitude de Noël Le Graët et de la FFF. Lucile Dumont, membre du collectif, explique les raisons de cette action.

Pourquoi avoir décidé de manifester devant le siège de la fédération ?C’était important d’être là, pour montrer qu’on appelait à la démission de Le Graët, mais qu’en même temps, son seul départ ne suffirait pas. Pour Les Dégommeuses et d’autres collectifs, ça fait longtemps qu’on dénonce plus globalement l’attitude de la FFF sur certains sujets. L’action de ce matin visait à montrer que Noël Le Graët était la clé de voûte d’une institution qui couvre un système raciste, sexiste et homophobe et est surtout porteur d’une très forte omerta sur ces trois sujets au sein de l’institution et dans le monde du football en général. L’idée, c’était de se rendre visible à cet endroit-là et à ce moment de discussion et de négociations dans la FFF. Donc pour à la fois dénoncer les comportements individuels de Noël Le Graët qui sont évidemment inacceptables – on pense aux cas de harcèlement, aux propos sexistes qui ont été relevés à plusieurs reprises –, mais dire aussi que c’était une occasion de refonder l’institution en elle-même.

Avez-vous pu parler à des gens de la fédération ?Non, c’était seulement une action pour rendre visible ces revendications. Il n’y a pas eu d’interactions spécifiques avec des personnes du comex ou de la fédération en particulier.

La question désormais, c’est de savoir dans quelle mesure ça va permettre de faire naître des discussions sur le fonctionnement en interne de l’institution.

Pendant votre action, il n’y a pas eu de débordements ?Il y a eu une remarque de la part d’une personne, je ne sais pas si c’était un journaliste qui était présent sur place ou pas, en tout cas une remarque assez classique et datée antiféministe qui disait que « le féminisme, c’était pour les moches »… On a évidemment répondu à cette personne. Et d’ailleurs, une partie des journalistes a aussi répondu à cette personne.

Que pensez-vous des décisions prises par le comex à la suite de la réunion ?On est un peu dans l’attente de voir à quoi va correspondre ce départ, pour l’instant cette période de retrait, de Noël Le Graët pour voir un petit peu si ça va donner lieu à des discussions sur l’instance ou pour savoir si ce sera simplement une tête coupée, si en fait la structure en elle-même va rester. Je pense que c’est un peu ça la position des Dégommeuses en tout cas : dire que oui, on se félicite du départ de Noël Le Graët, mais qu’à nos yeux, ce n’est pas du tout suffisant. Pour Florence Hardouin, on aura un petit peu le même raisonnement. Ces deux mises en retrait donnent un petit peu d’espoir sur la possibilité de discuter des problèmes structurels des instances. La question désormais, c’est de savoir dans quelle mesure ça va permettre – dans la lignée de la prise de parole de Sonia Souid, la première personne à témoigner à découvert – de faire naître des discussions sur le fonctionnement en interne de l’institution.

Selon vous, un autre football est possible. Comment pourrait-il être mis en place ?D’abord, c’est un football qui est ouvert à tous et toutes, quelque chose qui sur le papier pourrait aller de soi, mais de fait, ce n’est pas encore le cas, puisque le football féminin reste le parent pauvre du football de manière générale. La possibilité de jouer en compétition pour les personnes trans est absente pour le moment. On souhaite aussi mettre l’accent sur la lutte contre les discriminations racistes dans le football. Récemment, on s’est positionnées aux côtés de l’équipe des Hijabeuses qui demande le droit de pouvoir jouer dans les compétitions de la FFF spécifiquement avec le foulard. C’est le cas dans d’autres fédérations, d’autres pays, à l’international, un droit qui leur est refusé en France. C’est sur ces aspects, ceux qui portent plus précisément sur des discriminations qu’on pense beaucoup « notre » autre football. On tient à mettre l’accent sur les discriminations sexistes et lesbophobes en particulier, puisque le football de manière générale et le football féminin français également sont des espaces dans lesquels il y a une absence quasi totale de joueuses et de joueurs out. Autour de ça, ce qu’on essaie de faire, c’est de réfléchir à d’autres manières de penser les possibilités de jouer au foot en luttant contre les stéréotypes sexistes. Le dernier point important pour nous, c’est la lutte contre certains « idéaux » de compétitivité dans le sport : on est convaincues qu’il faut sortir de la dimension uniquement compétitive dans le football pour pouvoir en construire un autre.

Vous appelez à une refonte de la FFF. Quelle instance pourrait être mise en lieu et place de l’actuelle fédération ?C’est une question qu’on se pose et à laquelle, nous, les Dégommeuses, n’avons pas une réponse toute faite. On rêve d’une autre fédération, de la même manière qu’on aimerait construire un autre football, mais ça suppose de repenser la manière de s’organiser entre équipes, entre clubs et à tous les niveaux. Pour l’instant, on essaie de se coordonner avec d’autres équipes. Récemment il y a eu plusieurs initiatives de regroupement entre équipes féminines, militantes, queers, féministes, inclusives. On se regroupe parfois sous des appellations différentes, mais il y a une volonté de construire des initiatives collectives au-delà de celles prises individuellement. C’est à ce type de choses qu’on réfléchit, on est très nombreux et nombreuses dans ces équipes militantes qui sont souvent des équipes récentes et n’évoluent pas dans les championnats de la FFF, donc on est déjà dans d’autres espaces. La FFF reste l’interlocutrice par excellence, mais du fait des discriminations, des injonctions à la compétitivité et des moyens matériels que demande une inscription à la FFF, on est beaucoup à ne pas pouvoir jouer dans ce cadre-là ou à refuser d’y jouer.

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