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Les débuts compliqués de Bravo à Colo Colo
Avant de garder les bois de la Real Sociedad et du Barça, Claudio Bravo a bien galéré. Surtout au pays, à Colo Colo, son club formateur, où il n’a pas fait l’unanimité.
Il est le dernier rempart d’une des meilleures équipes de l’histoire. Il en est aussi sa rampe de lacement, comme savait le faire à la perfection Víctor Valdés. Claudio Bravo est surtout un des meilleurs gardiens de l’histoire d’une nation qui a vu passé Roberto Rojas, Sergio Livingstone ou encore Nelson Tapia. La semaine dernière, avant la rencontre contre l’Argentine, le numéro 13 du Barça a atteint les cent sélections avec la Roja. Pourtant, le chemin de Claudio Bravo sur sa terre natale est sinueux. Devenu idole à Colo Colo, le natif de Buin aurait pu briller ailleurs qu’au sein du club cacique. La faute à un staff pas vraiment patient avec ce gardien de 14 piges, qui multiplie les erreurs. Le Chilien doit tout à Julio Rodríguez, entraineur légendaire des gardiens de Colo Colo. « Tous les enfants veulent être attaquant quand ils débutent. Quand il était gosse, Claudio était défenseur. Mais physiquement, ce n’était pas ça, il fatiguait vite. Un jour il s’est énervé parce que l’entraineur voulait le sortir. Du coup, il lui a demandé d’aller dans les cages, pour ne pas être remplacé. Il n’en est plus sorti » se souvient celui qui a aussi porté le maillot de Colo au carré pendant sa carrière. Retour, avec son formateur, sur les débuts difficile d’une icône chilienne.
« J’ai sauvé une partie de l’histoire de notre football »
1997. Les moins de quatorze ans de Colo Colo participent à la Copa Nike, vivier de jeunes talents. En demi-finale du tournoi, les coéquipiers de Bravo affrontent la Universidad de Chile, le rival éternel. « Sur un centre adverse, Claudio sort, et effleure le ballon. Il le dévie mal, et un attaquant de la U qui trainait marque. Une erreur qui nous a couté le match » relate Rodríguez. Et qui aurait pu être synonyme de départ pour Bravo. « Le match se termine et Renato Contador, qui est à la tête de la formation du club vient me voir. Il me dit « Il faut le virer de Colo Colo. Il est trop petit, il ne sert à rien » . Je lui ai dis que je ne le ferais pas, qu’il devrait me virer d’abord s’il souhaitait vraiment mettre de coté Claudio. Après, il s’est calmé » raconte l’ancien gardien. Et poursuit : « Après ce match, il pleurait, il était inconsolable. Il savait qu’il avait fait une erreur, et ça l’a motivé pour progresser. Il me disait « Ne t’en fais pas, ils vont voir le vrai Claudio » . Il avait déjà un sacré caractère » .
Trois ans plus tard, le scénario se répète. Cette fois-ci, c’est lors d’un match décisif du championnat local des moins de 17 ans que Bravo se troue. « Un sale match pour lui. Plusieurs erreurs, un moral en berne, c’était l’horreur pour Claudio. On perd 3-1 contre la Catolíca, alors qu’on dominait. Une défaite qui nous coute le titre » se souvient Julio Rodríguez. Jorge Toro, qui entrainait les jeunes à l’époque, pointe du doigt le gardien, dans le vestiaire et devant tous ses coéquipiers. « Je me souviens exactement ce qu’il lui a dit, le froid que ça a jeté. Il a gueulé sur Claudio en lui disant « T’as fait un mauvais match ! Désinvolte, déconcentré, t’as offert deux buts aux adversaires ! Au fond, on a perdu à cause de toi ! Si j’étais le seul décideur, tu ne porterais plus le maillot de Colo Colo » . C’était trop dur à assumer pour un gamin de 17 ans. Beaucoup trop de pression » avance le mentor de Bravo. Le jeune portier quitte le Monumental, prêt à ne plus remettre les pieds au sein de l’institution. « Je l’ai arrêté, je l’ai calmé ce jour-là. J’ai aussi parlé avec l’entraineur, pour lui expliquer qu’il était allé loin. Il me disait qu’il n’était pas prêt physiquement. Mais c’est normal, il était en pleine croissance. Inconsciemment, j’ai sauvé une partie de l’histoire de notre football » souligne fièrement Rodríguez.
Un arrêt pour l’histoire
Julio Rodríguez, qui travaille toujours pour le club, retrace le chemin parcouru par son poulain : « Claudio a grandi, il a su se servir de ses erreurs et de ces engeulades pour progresser. Il a intégré le groupe professionnel à dix-sept ans. Alors certes il a eu des débuts compliqués, mais peu de gardien ont offert tant d’émotions aux supporters de Colo Colo » . Dont celles de 2006. En finale du tournoi d’ouverture, contre l’ennemi de la Universidad de Chile, Claudio Bravo a une lourde responsabilité sur ses épaules. Tout se joue aux tirs au but. Quand Mayer Candelo s’avance, Bravo tombe dans le piège de la panenka. Mais se relève, et sort une parade encore dans toutes les têtes des supporters « albos » . Ce soir-là, Bravo offre le titre aux siens.
« C’est incroyable tout ce qu’il a accompli depuis. On parle d’un gars qui aurait du être viré de Colo Colo. Heureusement qu’ils l’ont gardé, c’est un monument du football chilien aujourd’hui » affirme Julio Rodríguez, qui a même écrit un livre sur l’histoire de son protégé. Et se souvient d’une partie majeure de sa formation : « Après la fin de ma carrière, j’ai passé mes diplômes pour devenir entraineur des gardiens. Et j’ai travaillé à l’Ajax, avec un des meilleurs de ce boulot : Frans Hoek. Il a formé Van Der Sar, Víctor Valdés et d’autres. Il accentuait le travail sur le jeu au pied du gardien, sur son rôle tactique, sur sa place dans l’élaboration du jeu » . Et d’ajouter : « Et c’est cette facette du jeu que j’ai le plus bossé avec Claudio. Aujourd’hui vous le voyez, il participe au jeu du Barça, il est à la base de la relance. Il a même marquer quelques buts pendant sa carrière, sur coup-franc notamment » . Après une rencontre amicale perdue par l’Angleterre contre le Chili, le sélectionneur anglais Roy Hodgson couvrait d’éloge le goal chilien : « Ce qu’a fait aujourd’hui Claudio Bravo est la meilleure démonstration de jeu et de passes avec les pieds que j’ai vu chez un gardien » . Un beau compliment pour celui qui n’avait pas le niveau pour tenir sur un terrain.
Par Ruben Curiel