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Les croissants au beurre de Zacharie Boucher
Après Kévin Lejeune, c’est au tour de Zacharie Boucher de se mettre à table. Pas seulement fan de golf, le portier de l’AJ Auxerre suit actuellement un CAP pâtisserie-cuisine. Et nous livre une recette qui cartonne à tous les coups... à condition de choper le coup de main. Parole de gardien.
On est entré dans la troisième semaine de confinement, comment ça va ?Bien, merci, j’ai toujours du temps à perdre ! (Rires.) Non, sérieusement, ce confinement, je le vis plutôt bien parce que j’ai gardé un rythme de travail soutenu, comme quand on s’entraîne normalement. En arrivant à Auxerre il y a trois ans, je me suis aménagé une salle de sport chez moi et j’ai la chance d’avoir un jardin pour faire certains exercices donnés par le préparateur physique du club. Et puis, je m’occupe aussi de ma fille et de ma femme qui attend notre deuxième enfant, j’ai donc de quoi faire.
C’est donc toi qui te coltines les courses, j’imagine. À quoi ressemble Auxerre en ce moment ?Oui ! Si quelqu’un doit attraper une merde, je préfère que ce soit moi. J’essaie évidemment de limiter mes déplacements au minimum. Depuis le début du confinement, j’ai dû sortir deux fois au maximum. Il n’y a pas grand monde dans la rue, mais bon ça ne change pas tellement de l’ordinaire, Auxerre c’est un grand village (Rires.) En revanche, l’atmosphère est assez morose, morbide même. Comme je le disais à ma femme, ça ne donne pas vraiment envie de sortir ou de rester dehors !
Tu gardes le contact avec tes coéquipiers malgré tout ?Oui, on a un groupe WhatsApp qu’on utilise au quotidien, à la fois pour délirer entre nous, en se lançant des défis par exemple, mais aussi pour se tenir au courant de notre programme d’entraînement et discuter de la reprise potentielle du championnat, des éventuels problèmes de salaires, de contrats…
Et avec ta famille à La Réunion ?Là-bas, c’est comme en métropole, tout le monde doit rester chez soi, donc j’essaie de leur dire de sortir le moins possible. Mais la situation n’est pas aussi grave qu’ici, et mes parents ont de l’espace et un jardin, dans lequel ils ont des fruits et des légumes, donc ça va.
C’est d’eux que te vient ce goût pour la bonne bouffe ?Oui, ma mère est plus spécialisée dans le sucré, mais mon père, c’est la pâtisserie. Quand j’étais petit, j’étais tout le temps fourré dans la cuisine avec lui.
C’est quoi sa spécialité ?Les choux à la crème. Aussi beaux que bons.
On en arrive au sujet qui nous intéresse : la bouffe. Comment ça t’est venu, cette idée de te lancer dans un CAP pâtisserie-cuisine ?C’est un projet que j’ai commencé cette année. Un jour, j’ai vu cette formation qu’on pouvait suivre à distance et je me suis dit « pourquoi pas » . On a des cours théoriques et des exercices pratiques à faire en temps réel. Toutes les photos que je poste sur Instagram, ce sont celles que j’envoie d’abord à mes profs qui valident ou non mes recettes.
Ils sont satisfaits de ton travail ?Je crois bien, même si je dois encore progresser sur l’aspect présentation, ça compte énormément.
Sinon, on doit rendre deux à trois tafs chaque semaine, et ils m’indiquent les corrections à apporter quand c’est nécessaire. Au début, c’était un peu compliqué parce que la pâtisserie repose avant tout sur énormément de connaissances théoriques et qu’on a des habitudes en cuisine qui ne sont pas forcément les bonnes. Il faut donc apprendre à les remplacer par les bons gestes des professionnels.
Qu’est-ce que tu as étudié jusqu’à présent ?Beaucoup de techniques sur les crèmes, les pâtes… Des pâtes, il y en a plein : pâte à tarte, pâte brisée, pâte sucrée, pâte levée et surtout la pâte-feuilletée-levée, celle qu’on utilise pour la plupart des viennoiseries.
Ce n’est pas trop dur de résister devant tout ça ? Les pâtisseries et le sport de haut niveau, ça ne va pas vraiment ensemble.(Rires.) Sans mentir, moi je n’en mange pas beaucoup. Quand je fais des croissants par exemple, je ne vais en goûter qu’un demi pour voir ce que ça donne au niveau du goût et de la texture. Le reste, c’est pour ma famille, mais aussi les voisins et parfois pour les potes à l’entraînement. C’est déjà arrivé deux ou trois fois et ça ne fait jamais long feu ! Il n’y a que le diététicien du club qui n’est pas très content !
C’est rare de voir un pro se lancer dans une aventure pareille. On imagine que ça prend beaucoup de temps.En vérité, du temps, on en a énormément. Les gens pensent toujours le contraire, mais c’est faux. La seule chose, c’est qu’on a peu de temps allongé : jamais deux ou trois jours consécutifs, plutôt un après-midi, une soirée ou une matinée. Mais ça fait du bien de lâcher prise avec autre chose.
Parce qu’en parallèle, ça permet de revenir à 100% derrière.
Tu avais quoi comme bagage d’études avant ça ?Quand j’étais au Havre, j’ai tenté une année de biochimie à la fac après mon bac S. Malheureusement, j’ai dû arrêter, car c’était incompatible avec les entraînements, les déplacements et la sélection. Mais j’ai toujours été scolaire à fond, donc je savais que je reprendrais les études quand j’aurais plus de temps à moi.
Justement, du temps, tu en as plein en ce moment, c’est le moment de nous présenter ta recette. Alors, qu’est-ce que tu as choisi ?On a le choix : ou bien la tarte citron meringuée, ou bien des viennoiseries.
Vu que ce n’est pas forcément évident de se déplacer pour faire des courses en ce moment, sans compter certaines difficultés d’approvisionnement, faisons au plus simple.Ok, allons-y pour les croissants alors. C’est un peu technique, mais hyper facile à faire. Un samedi soir par exemple, c’est parfait pour le brunch familial du dimanche, avec cette odeur qui te chatouille les narines !
Génial, maintenant j’ai faim. De quoi a-t-on besoin pour, disons, une douzaine de croissants ?– 500 grammes de farine
– 50 grammes de sucre- 10 grammes de sel
– 50 grammes de beurre- Un sachet de levure boulangère
– 150 grammes de lait mélangés à 150 grammes d’eauSurtout, ne mélange pas la levure avec le sel, sinon elle sera foirée.
Tu mets le tout dans un batteur et tu laisses tourner quinze minutes. Quand ta pâte est un peu élastique, tu la sors, tu la boules et tu la laisses gonfler pendant 30 minutes au frigo. Et c’est là que ça devient un peu plus technique : il faut faire des tourages avec le beurre.
Qu’est-ce-que c’est que ça ?Tout d’abord, il faut étaler ta pâte et la couvrir de beurre sec. Au moment d’aller faire tes courses, choisis plutôt du beurre de Poitou-Charentes.
C’est super précis !Mais c’est très important. C’est un beurre asséché en eau et ça permettra à ta pâte de ne pas prendre la flotte. Prends-en entre 200 et 250 grammes, selon que tu aimes tes pâtisseries bien beurrées ou allégées, comme moi. Et donc le tourage, ça consiste à mettre ton beurre dans ta pâte, mais sans que les deux ne se mélangent. Là, je conseille d’aller jeter un œil sur Internet pour voir à quoi ça ressemble parce que c’est un peu technique.
Et pas forcément évident à expliquer au téléphone.Voilà. Mais en gros, on va effectuer trois tours, de sorte à obtenir une sorte de mille-feuilles pâte-beurre-pâte-beurre-pâte-beurre.
Bon et quand on a terminé le tourage ?Tu vas découper ta pâte en triangles, tu boules et tu laisses tes croissants lever sur ta plaque de cuisson pendant une heure. Là, la levure va venir bouffer le sucre à l’intérieur et c’est ça qui les fait gonfler. Pendant ce temps-là, on va venir préchauffer le four à 165-170°C. Avant la cuisson, tu bats un œuf et tu badigeonnes tes croissants avec. Puis, tu les mets au four entre quinze et vingt minutes, selon la puissance. Quand ils sont bien dorés, tu les sors, tu attends cinq minutes histoire de ne pas te cramer la bouche et là, tout le monde se réveille et tu les manges.
Super ! Même pas besoin de tout préparer la veille pour le lendemain.Ça dépend. Si tu veux t’y mettre le jour-même et que tout soit prêt pour dix heures, ça veut dire que tu dois te lever à cinq heures. Même pour moi qui suis un lève-tôt d’ordinaire, le dimanche je préfère le passer avec ma fille et ma femme. Donc il vaut mieux tout préparer le samedi soir et laisser la pâte reposer au frigo pendant la nuit et la sortir le matin en la laissant respirer une heure. Du coup, je dirais que pour passer à table à dix heures, tu dois t’y mettre une heure et demie avant.
La cuisine, c’est ton truc à toi ou tu le partages en famille ?Là encore, ça dépend. Quand je travaille mes cours, je préfère être en solo, ça me permet de mieux gérer ce que je fais. En général, j’ai cinq heures pour rendre trois pâtisseries. Ça peut être une tarte, des croissants et un entremet par exemple, donc tout est chronométré. Mais sinon, on fait ça en famille, oui. Ma femme et ma fille ont leur anniversaire demain (ce mardi, N.D.L.R.), donc on va cuisiner tous ensemble.
Des viennoiseries d’anniversaire ?Pas du tout ! Ma fille me demande un gâteau au chocolat depuis deux mois et je ne vais ni faire simple ni classique. Ce sera donc un moelleux au chocolat à plusieurs étages avec une ganache chocolat montée et je percerai un trou à l’intérieur pour y mettre des bonbons qui sortiront quand on coupera une part.
Et ta femme ?Elle veut un Courchevel. C’est un gâteau en crêpe avec une génoise vanille et une crème mousseline.
Deux beaux cadeaux en soi.Écoute, on essaye de faire les choses bien. On aurait voulu faire la fête avec le reste de la famille, mais comme ce n’est pas possible, on s’inspirera des apéros Facetime pour faire un anniversaire Facetime !
Propos recueillis par Julien Duez
Photos : Icon Sport et Zacharie Boucher.