- Anecdotes sur les maillots
- Épisode 3
Les belles histoires de Père Maillot, épisode 3
Chaque mardi, le Père Maillot vous racontera trois anecdotes sur des maillots de foot. Cette semaine, l'aigle (en)volé de la Pologne en 2011, les inscriptions démocratiques du Corinthians et le maillot vert de la France en 1978. Asseyez-vous au coin du feu, même si vous n'avez pas de cheminée.
Le vert des Bleus
Elles ont beau dater du 10 juin 1978, les couleurs des images ne mentent pas : les petits hommes verdâtres levant les bras à tour de rôle sur le terrain pour fêter leur but s’appellent bien Christian Lopez, Marc Berdoll et Dominique Rocheteau. Ils sont donc bien français, malgré la couleur insolite de leur maillot aux rayures blanches et vertes. Mais que s’est-il passé, pour que les Bleus ne puissent pas évoluer dans un de leurs coloris habituels et pour que ce troisième match de poule de Coupe du monde connaisse un retard de près de trois quarts d’heure ? « C’est de ma faute. Entièrement de ma faute. La France devait effectivement jouer en bleu. C’est un regrettable incident, dont je suis l’unique responsable. Au moins, on ne pourra pas me pénaliser en amputant une partie de mon salaire, puisque je suis bénévole… » avoue l’intendant Henri Patrelle, le lendemain.
En fait, l’histoire est plutôt simple à comprendre : déjà éliminée et pensant jouer avec son deuxième vêtement, l’EDF a envoyé ses tenues bleues sur le chemin du retour, mais a oublié que les Mágikus Magyarok courent eux aussi en blanc. Peu avant le coup d’envoi, l’arbitre lui rappelle donc qu’elle était censée figurer avec le coloris du ciel. Comment faire, sachant que le gardien Sándor Gujdár refuse d’ôter son tee-shirt rouge quand les seconds maillots hongrois… rouges sont proposés aux adversaires ? Pas le choix : des motards sont envoyés dans les environs de Mar del Plata, ville argentine où se déroule la rencontre, et reviennent avec des solutions textiles prêtées par l’équipe de banlieue du Club Atlético Kimberley. Au moins, les Tricolores s’imposeront…
L’aigle (en)volé de la Pologne
Tunisie, Mali, Lazio, Palerme, Crystal Palace, Nice, Eintracht Francfort, Benfica Lisbonne, AEK Athènes, Raja Club Athletic, Africa Sports, Doxa Drama, PAOK Salonique, Spartak Naltchik, Pirin Blagoevgrad… Nombre d’équipes de football disposent d’un aigle sur leur logo, et donc sur leur maillot. C’est dire l’importance de l’animal, pour certaines entités. Mais alors, pourquoi la Pologne a-t-elle voulu chasser son rapace historique ? Au début du mois de novembre 2011, les dirigeants présentent en effet la nouvelle tunique de la sélection amputée du volatile considéré comme un symbole du pays et présent sur les armoiries de la nation. Au niveau du cœur, l’emblème de la Fédération a ainsi pris la place du logo de l’« Orzeł Biały » (l’ « Aigle blanc » ).
Forcément, les supporters ne sont pas contents et le font savoir : durant les matchs amicaux, les fans ne cessent de hurler « Où est l’aigle ? Où est l’aigle ? » au lieu d’applaudir Robert Lewandowski. Très rapidement, les décideurs et Nike reviennent à la raison pour éteindre cette histoire qui virerait presque au drame politique avec le président Bronisław Komorowski réclamant des justifications. « Je présente mes excuses aux supporters de football. Pour expliquer cela, je dirais qu’il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreur », regrette Grzegorz Lato, le patron de la fédé. Le planeur a donc pu in extremis voler sur les terrains de l’Euro 2012, disputé chez lui. Et en plein torse, s’il vous plaît.
Le message démocratique du Corinthians
Le maillot est entré dans la légende. Dans le dos de Sócrates et ses potes, deux mots entourés de taches rouges ressemblant à des gouttes de sang : « Democracia Corinthiana ». Née en novembre 1981, la Démocratie corinthiane représente à l’époque un mouvement idéologique créé pour combattre (notamment par l’intermédiaire du football) la dictature militaire au pouvoir et la répression de ce régime contrôlant d’une main de fer le Brésil. Reste que dans les mémoires, le double terme a largement pris le pas sur bien d’autres messages inscrits sur le maillot du club sud-américain.
Ainsi, la tunique a pu accueillir les expressions « Diretas já » (« Des élections directes tout de suite ») ou encore « Eu quero votar para presidente (« Je veux élire le président »). Surtout, l’initiative atteint son apogée lors de la finale du championnat pauliste une semaine avant le 15 novembre 1982. Une date correspondant aux premières élections directes des gouverneurs des États, enfin accordées par les autorités en place. Pour cette occasion, le Corinthians apparaît avec un symbolique « Dia 15 vote » (« Le 15, allez voter ») au-dessus du numéro de ses joueurs. Sócrates marquera, sa bande gagnera, la caméra filmera, la nation observera, le citoyen verra… Et la démocratie s’imposera.
Par Florian Cadu