- Anecdotes sur les maillots
- Épisode 1
Les belles histoires de Père Maillot, épisode 1
Chaque mardi, le Père Maillot vous racontera trois anecdotes sur des maillots de foot. Cette semaine, le maillot Levis du Mexique, les cinq étoiles du Brésil 1957 et les dossards sur les tuniques de la Jamaïque dans les années 1940-1950. Asseyez-vous au coin du feu, même si vous n'avez pas de cheminée.
Les cinq étoiles du Brésil
Le Brésil a un don pour les prémonitions. Fin 1957, la Seleção, encore traumatisée par le Maracanazo de 1950, est en train de préparer le mondial suédois à Pocos de Caldas, dans le Minas Gerais (nord de São Paulo). À cette époque-là, la sélection brésilienne n’a encore jamais remporté la Coupe du monde. Et pourtant, lors des matchs de préparation disputés à cette époque, elle se pointe avec un maillot jaune floqué… de cinq étoiles. Mystique ? En réalité, il ne s’agit pas d’une annonce prophétique des futurs cinq titres de champion du monde, mais bien d’un message politique.
1954 est en effet une date importante dans l’histoire du Brésil puisqu’elle marque la mort du dictateur Getúlio Vargas. Pendant près de 25 ans, celui-ci a dirigé le pays, avec notamment l’instauration de l’Estado Novo, un régime dictatorial, en 1937. À quelques encablures du Mondial en Suède, la Fédération brésilienne décide donc de sensibiliser l’opinion publique en affichant un message sur le maillot de sa sélection. Les cinq étoiles veulent ainsi représenter les cinq grandes régions du Brésil (Sud, Sud-Est, Nord, Nord-Est, Centre-Ouest), soit le symbole d’une unité nationale que le pays peine alors à retrouver. Un tout jeune Pelé s’affichera même en Une du magazine A Gazeta Esportiva avec ce maillot. Avant de remporter sa première Coupe du monde quelques mois plus tard.
Les dossards de la Jamaïque
En 1948, la Jamaïque participe aux Jeux olympiques de Londres. À l’époque, le pays appartient encore au Royaume-Uni, et ne s’en détachera qu’en 1962. Les JO, qui se tiennent justement en Angleterre, sont donc un double motif de fierté pour les athlètes jamaïcains, venus défendre les couleurs de leur nation dans ce pays dont ils dépendent depuis 1670. Arthur Wint remporte notamment la médaille d’or au 400 mètres, devenant une véritable fierté nationale, 60 ans avant les exploits d’Usain Bolt.
Mais quel rapport avec le football ? On y vient. La sélection jamaïcaine n’était pas qualifiée pour les JO, mais à partir de cette date, l’équipe de football du pays va décider d’adopter… des dossards sur le devant de son maillot ! Il s’agit évidemment là d’un hommage à Wint, devenu un héros en Jamaïque avec son dossard « 122 » porté lors des Jeux olympiques de Londres. Et c’est avec cette drôle de tunique que les Jamaïcains vont disputer pendant des années des matchs amicaux face à leurs voisins, Haiti, Cuba ou Trinité-et-Tobago, leur première apparition dans une compétition officielle ne datant que de 1963 (participation au championnat CONCACAF). Qui, eux, avaient bien leurs numéros dans le dos.
Une improbable collab’ Levi’s x Mexique
Il y a des maillots destinés à entrer dans la légende. Celui de la sélection mexicaine 1978 en fait partie. À cette époque, Adidas est en effet le sponsor de la plupart des sélections nationales. Mais à quelques mois du Mondial en Argentine, la Fédération mexicaine décide de passer un accord avec… Levi’s. Oui oui, la célèbre marque de jeans américaine fondée à San Francisco au XIXe siècle. Levi’s va ainsi dessiner deux maillots pour le Mexique : un domicile vert des plus traditionnels, et un modèle away blanc, avec une bande verticale rouge et vert. Celui-ci est étrenné pour le match d’ouverture du Mondial face à la Tunisie, disputé le 2 juin 1978 à Rosario. Résultat : les coéquipiers d’Hugo Sánchez se vautrent totalement et s’inclinent 3-1…
La suite ne sera pas plus glorieuse : le Mexique se fait humilier par la RFA (6-0) et perd aussi son dernier match de poule contre la Pologne (3-1). Peut-être par superstition, le maillot away blanc à bandes verte et rouge ne sera plus jamais utilisé, et Levi’s retirera son logo des tenues mexicaines dès 1979, passant le relais à une autre firme américaine qui n’a rien à voir avec le foot : Pony. C’est simple : c’est la seule fois dans l’histoire que Levi’s viendra mettre ses gros sabots sur un maillot de football. D’ailleurs, si vous avez l’impression d’avoir revu ce maillot depuis, allez donc jeter un œil à celui du Portugal 2010, made by Nike…
Par Éric Maggiori