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  • 40 ans de l'élection de François Miterrand

Les années François Mitterrand du football français

Par Nicolas Kssis-Martov
Les années François Mitterrand du football français

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. Dans la foulée des législatives, la gauche arrive enfin au pouvoir sous la Cinquième République. Seulement, dans le football comme dans le reste, le bilan que l’on peut aujourd’hui en tirer se révèle bien plus mitigé que l’espoir soulevé voici 40 ans.

1981. Saint-Étienne remporte de nouveau le championnat, et les Verts semblent durablement régner sur le foot tricolore. Un club issu d’un bon paternalisme patronal à l’ancienne et qui demeure emblématique d’une France provinciale et ouvrière, ancré dans une ville dirigée par Joseph Sanguedolc, maire communiste et ancien résistant. Le 13 juin, devant un François Mitterrand sortant tout juste de la passation de pouvoir avec Giscard D’Estaing, les Bastiais privent l’ASSE d’un doublé qui leur tendait les bras. La routine sportive. Personne, dans le petit monde du ballon rond, ne s’inquiète devant l’arrivée de la gauche (PS et PC) aux affaires malgré la grande peur d’une partie du pays imaginant que les chars soviétiques viendront défiler à Paris pour le 14 juillet. Le rugby s’avère, par exemple, plus anxieux.

De fait, la gauche paraît alors fort loin du foot et de ses problèmes. Culturellement, elle donne l’impression un peu fausse – au regard du maillage des petits clubs en banlieue rouge, par exemple – de porter plutôt vers l’ovale, l’athlétisme des profs d’EPS et du vélo. Certes, Georges Marchais lit L’Équipe avant L’Huma, et sa passion n’est évidemment jamais feinte. François Mitterrand regarde en revanche avec une certaine distance bourgeoise ces onze gars en short, se doutant juste qu’il n’est pas possible d’ignorer le sport numéro 1 dans l’Hexagone (tant en nombre de pratiquants inscrits dans son puissant réseau associatif qu’en popularité).

Les prémices d’un virage libéral ?

Malgré cela, le règne mitterrandien va insidieusement marquer le ballon rond. Ou du moins en accompagner ses transformations, toutefois pas forcément dans le sens de ce qu’on désigne aujourd’hui sous le concept de « foot populaire » . La grande loi sur le sport, portée par Edwige Avice en 1984, affirmera de la sorte la mission de service public des fédérations sportives. Dont la FFF et ses dizaines de milliers de FC ou AS, désormais chargées de développer et d’organiser la pratique des activités sportives, d’assurer la formation et le perfectionnement de leurs cadres bénévoles et de délivrer les titres fédéraux.

Se mettent ainsi en place les bases des futures politiques de la ville ou de l’éducation/prévention par le sport. L’équipe de quartier aussi bien que les Bleus deviennent le bras armé de la République dans le foot. En revanche, l’élite va dans un tout autre sens avec le renforcement du modèle de société à objet sportif qui éloigne un peu plus les sections pros de leur assise associative et favorise la bascule vers le secteur privé.

Le foot change de visage, profil droit

Pour ce qui concerne les pensionnaires de D1 ou D2, l’arrivée de la gauche façonne paradoxalement une accélération de sa financiarisation, à l’époque fort modeste. Une logique éloignée des discours du congrès d’Epinay, rédigés sous les auspices du CERES de Chevènement. La naissance de Canal Plus en 1984 grave le début de la dépendance aux droits télé, de même qu’un coup d’accélérateur de la visibilité des matchs (avec la naissance, aussi, de la rivalité OM/PSG en lieu et place de Bordeaux/Marseille). Avant, il fallait se rendre au stade ou attendre Téléfoot. Désormais, un décodeur peut suffire.

Du côté de la cité phocéenne, justement, la prise de commande au mitan des années 1980 par le jeune patron dynamique Bernard Tapie – qui veut réconcilier l’entreprise avec la gauche – bouscule les règles. Il transforme l’OM en géant d’Europe, y compris économique, qui ira décrocher la seule consécration française en C1. Nanard sera même un temps ministre d’un président de la République pourtant plutôt « old school » , qui admirait paraît-il son toupet et son audace, mais détestait ses manières.

Des rendez-vous manqués ?

Surtout, François Mitterrand va rater – par manque de sensibilité au sujet ? – la montée en puissance du phénomène footballistique. Certes, l’équipe de France n’occupe pas encore la place qui va lui être attribuée à partir de 1998. Les Bleus, qui remportent l’Euro en 1984, ne provoquent pas d’enthousiasme populaire particulier, si ce n’est un soulagement de décrocher enfin une reconnaissance internationale. De même, les joueurs (pourtant au profil fort instructif, de ce point de vue) ne sont pas considérés comme des symboles de l’intégration alors que la question de l’immigration commence à devenir de plus en plus prégnante dans le débat politique. La marche des Beurs n’était pas encore passée par le stade. Ainsi, pour le pouvoir mitterrandien, le foot est cause de bien des soucis. Comme lors de cette finale du 11 mai 1984, où le FC Metz devient l’emblème d’une Lorraine au cœur d’acier qui se sent trahie par ceux qu’elle a portés au pouvoir. De même, la demi-finale de Séville en 1982 semble contrecarrer ses ambitions devant l’histoire, notamment de déposer la dernière pierre de la réconciliation franco-allemande.

Mitterrand publiera un communiqué d’apaisement avec son homologue d’outre-Rhin, fort révélateur du personnage et de son besoin de prendre de la hauteur. On pourrait lui rétorquer que la défaite de cette EDF adepte d’une certaine utopie du beau jeu par manque de réalisme annonçait peut-être le futur tournant de la rigueur et des renoncements… De même, l’apparition du hooliganisme (notamment au PSG) avec ses croix celtiques et ses bras tendus paraît incarner aux yeux de la gauche un des symptômes de la résurgence de l’extrême droite via le FN qui s’installe désormais durablement dans le paysage politique. Portée pourtant par une sensibilité aux aspirations profondes de la société (radio libre, abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité…), cette gauche ne sentira et ne comprendra pas la montée du mouvement supporter et ultra dans les tribunes de l’Hexagone. Preuve, parmi d’autres, d’une déconnexion progressive des évolutions en cours de la société française.

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