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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire du Bayern Munich (1er)
#1 - Gerd Müller
Où serait le Bayern Munich si Franz Beckenbauer n’y avait jamais joué ? Que serait-il arrivé si celui qui est devenu Kaiser avait finalement évolué sous les couleurs de Munich 1860 ? Est-ce que le club serait aujourd’hui en tête de la Bundesliga ? Est-ce que le Bayern aurait finalement disparu ? Tout le monde s’est déjà posé ce genre de questions, tant le mythe autour de l’arrivée de Beckenbauer au FCB est présent dans l’imaginaire collectif. Ces mêmes questions, personne ne les pose pour Gerd Müller. Pourtant, lui aussi a failli rejoindre les rangs de Munich 1860 au début de sa carrière professionnelle, avant de finalement opter pour le Bayern à l’âge de 19 ans. Malgré des buts collés par centaines et le fait qu’il n’ait jamais joué dans un autre club en Allemagne, on minimise volontiers l’importance de son choix. Où serait le Bayern Munich si Gerd Müller n’y avait jamais joué ? La question se pose peu. Heureusement, Franz Beckenbauer a quand même la réponse : « Sans ses buts, il n’y aurait pas de Bayern Munich. Ce que le club est aujourd’hui, tout ce que nous avons, nous le lui devons. »
L’humilité malgré les records
Parce qu’il a toujours été d’un naturel discret hors des terrains, Gerd Müller n’a jamais cherché à entrer dans la légende autrement que par ce qu’il a réalisé sur le terrain. C’est sans doute pour cette raison que, dans la grande histoire du Bayern, il est souvent relégué au rang de second rôle, derrière le Kaiser. Une fois les crampons raccrochés, Der Bomber n’a jamais tenu à entretenir son mythe, tout simplement parce qu’il n’en avait pas envie. Pas franchement prétentieux, Gerd Müller n’a jamais écumé les plateaux télé pour rappeler qu’il avait un jour été le meilleur joueur du monde. Un fait remarquable, quand on connaît la propension qu’ont les anciens joueurs du Bayern à crier sur tous les toits leurs exploits et à rappeler leur gloire passée. Pourtant, s’il y a un mec qui aurait pu se la raconter, c’est bien Müller, étant donné qu’il possède à peu près tous les records possibles et imaginables au sein du club. Parce qu’il était au bout de la chaîne, Gerd Müller était bel et bien le joueur le plus important du Bayern des 70’s. L’Étoile du Sud n’était rien sans Beckenbauer et Maier ? Qu’aurait-elle été sans ses 509 buts en compétitions officielles ? Rien. En 1972, alors que le Bayern vient de l’emporter (6-3) face à Francfort, Erich Ribbeck, alors entraîneur de l’Eintracht, balance : « J’échangerais deux Beckenbauer pour un Müller. » Durant près une décennie, der Bomber martyrise les défenses européennes et marque dans les positions les plus improbables. Même ses coéquipiers ne peuvent rien faire contre lui. « À l’entraînement, je n’ai jamais réussi à l’arrêter. Je suis bien content de l’avoir eu dans mon équipe » , a répété à de nombreuses reprises le Kaiser. De Gerd Müller, ce sont finalement ses contemporains qui en parlent le mieux. Ceux qui ont vu de leurs propres yeux la machine qu’il était.
Il faut sauver le soldat Müller
Pour comprendre la reconnaissance que ses anciens collègues lui témoignent, il suffit de se rappeler ce qu’ils ont entrepris pour le « sauver » . Dépressif puis alcoolique, Gerd Müller a toujours bataillé avec ses démons, surtout une fois sa carrière terminée. À la fin des années 1980, son état empire, au point de tomber dans le coma pendant quelques jours. C’est alors que ses anciens coéquipiers volent à son secours. Beckenbauer, Hoeness, Maier et les autres lui promettent une place au sein du Bayern à vie à condition qu’il se reprenne. Müller accepte et part en cure de désintoxication. À son retour, ses copains tiennent leur parole et lui offrent un poste d’entraîneur. On lui promet aussi qu’il n’aura pas à parler ou à communiquer sur le sujet. Il sera protégé parce que ses amis l’aiment, mais aussi et surtout parce que sans lui, le Bayern Munich n’aurait pas quatre étoiles à son maillot. « Sans Gerd Müller, le Bayern ne serait pas le Rekordmeister » , a rappelé en 2015 Karl-Heinz Rummenigge à ceux qui auraient perdu la mémoire et qui pourraient juger trop sévèrement les actions de son ancien coéquipier.
Devoir de mémoire
La mémoire, Gerd Müller l’a malheureusement perdue il y a quelques années. « Depuis un bon moment, M. Gerd Müller est très malade. Il souffre de la maladie d’Alzheimer. Depuis février 2015, Gerd Müller est suivi par des professionnels et est accompagné dans ces moments difficiles par sa famille. » C’est avec ces mots que le Bayern Munich a révélé le 6 octobre 2015 que son icône était gravement malade. En Allemagne, la nouvelle a provoqué une onde de choc. Comme s’il avait fallu que l’homme soit blessé de la plus cruelle des manière pour qu’on se rappelle la grandeur du joueur. Que l’artificier le plus célèbre du pays ne puisse se rappeler le bonheur qu’il a procuré à tout un peuple ressemble alors à une mauvaise punition. Pendant des semaines, pas une journée ne passe sans un hommage de joueurs ou d’anonymes à Gerd Müller. Même « Kalle » , pourtant peu enclin à dévoiler ses sentiments, avait confessé avec émotion : « Au sein du Bayern et surtout dans ma vie, Gerd Müller aura toujours une place à part. » À part, Gerd Müller l’a toujours été finalement. Footballeur formidable au physique improbable, attaquant prolifique à la technique peu orthodoxe, allemand à la crinière noir de jais, star réservée et millionnaire dépressif, Gerd Müller était tout et son contraire. Un joueur inclassable, hors du temps et unique. Il est facile d’oublier qu’il est le plus grand joueur du Bayern car lui coller une étiquette est impossible. Gerd Müller n’est pas un héros légendaire, et il n’a jamais été un « Kaiser » , mais le Bayern Munich lui est bel et bien éternellement reconnaissant.
Par Sophie Serbini