La fiche du match
RFA – France
3 -3 (5-4, tab)
Le 8 juillet 1982
Séville, Espagne
Stade Ramon Sánchez Pizjuán
Arbitre : Charles Corver
Buts RFA : Littbarski (17e), Rummenigge (102e), Fischer (108e)
Buts France : Platini (27e), Trésor (92e), Giresse (98e)
Des matchs qui comptent
Après la demi-finale de 1986 (la « vraie » revanche de 1982) Franz Beckenbauer déclarera : « Cette équipe [de France] ne sait pas battre l'Allemagne. » Pas faux. Mais ce que le « Kaiser » oublie volontairement, c'est que la RFA de 1958, alors championne du monde en titre, ne finira même pas sur le podium lors du Mondial suédois, battue par une équipe de France hyper offensive (23 buts en 7 matchs) et un Just Fontaine en feu (un quadruplé pour finir à 13 unités, record sur un tournoi). Alors oui, l'Allemagne a privé la France de deux finales de Coupe du monde dans les années 80, mais lors des matchs amicaux, l'équipe tricolore (comme ils disent aujourd'hui encore en Germanie) a battu tous les États teutons depuis le XXe siècle, que ce soit le Reich allemand, la RFA ou l'Allemagne telle que nous la connaissons aujourd'hui. Bilan total pour le moment : 11 victoires françaises, 9 victoires allemandes, 5 nuls. Si la « Grande Nation » (oui, oui, la France est appelée comme ça là-bas) aime les matchs qui comptent pour du beurre, l'Allemagne aime se taper le cul de la crémière. Pour mieux se faire fesser ensuite.AFCes Allemands qui n'abandonnent jamais
Horst Hrubesch saute haut. Très haut. Il monte au ciel… HH rabat de la tête en retrait un centre de Littbarski sur Fischer qui, d'un retourné acrobatique, fige Ettori sur la ligne. Le ballon fouette les filets: 3-3 ! L'Allemagne vient de faire son retard alors qu'elle était menée 3-1. Une remontée proverbiale que tous ses adversaires redoutent depuis 1954. En finale de Coupe du monde 54, les Allemands avaient fini par battre 3-2 les merveilleux Hongrois de Puskás bien partis pour l'emporter (2-0 à la 8e minute)… On joue la deuxième mi-temps de la prolongation de ce RFA-France et après deux heures de jeu ces Allemands 1982 sautent haut, courent vite, tirent fort. Ils sont sur tous les ballons et font reculer des petits Français devenus pareils à des Juniors. Leur endurance légendaire rappelle au Bleus que si le football est bien un jeu, que les Tricolores ont magnifié sur cette pelouse de Séville, il est avant tout un sport. Un sport qui se gagne donc aussi avec des qualités physiques élémentaires. Car l'Allemagne est une grande nation de sport. Pas la France. Ou du moins pas encore. Une autre vérité plus subtile qui balaie la caricature du footballeur allemand bourrin et costaud, c'est que cette RFA 1982 sait bien jouer au ballon quand elle le veut. Depuis 1954 au moins, elle a toujours pu compter sur des vraies individualités très techniques (Littbarski, Breitner, Rummenigge, Hansi Müller, en l'occurrence à Séville) et elle a souvent su déployer un jeu offensif et bien construit. Lors de cette demi-finale de Mundial 82, on a pu préférer le ballet parfois sublime prodigué par le Carré Magique des Giresse-Platini-Tigana-Genghini. Certes… Mais les périodes de domination allemande ont fait déferler vers le but d'Ettori des vagues blanches magnifiquement orchestrées. Le jeu français est plus stylé, confinant même parfois à un état de grâce qu'on ne retrouve que chez les Brésiliens inspirés. Mais, une fois de plus, la puissance germanique sait aussi s'accommoder d'une fluidité remarquable dans la circulation du ballon qui a abouti à trois jolis buts. Et puisque le football est avant tout un sport, il exige un mental à toute épreuve. Or « le » mental est une marque brevetée
made in Germany depuis 1954, lui aussi : le footballeur allemand y croit toujours, n'abandonne jamais. Même donnée perdante, même menée au score, même réduite à dix ou quasiment (Beckenbauer le bras en écharpe au Mundial 1970), dans la touffeur de Mexico ou dans le frigo moscovite, l'Allemagne n'est jamais battue tant que l'arbitre n'a pas sifflé la fin de la partie.
En 1982, le footballeur français traîne sa
lose… Un vieux fatalisme sportif dans lequel la nation s'est toujours complu. Nous sommes la France des glorieux vaincus : Poulidor, Jazy ou les Verts de Glasgow 76, pour faire vite. Plus globalement, le Français traîne un complexe évident avec l'Allemagne qui, elle, gagne sur tous les tableaux : en sport, en économie et à la guerre. Les revers de 1870, 1914 et 1940 resurgiront en retour de refoulé au soir du 8 juillet, du fait de la défaite et de l'agression de Schumacher sur Battiston. Jamais le mot «
Boche » ne fut prononcé publiquement, mais les Français le pensèrent très fort… Même la symbolique des «
gabarits » le démontra : la puissance allemande c'était l'immense Hrubesch et le p'tit Giresse, pareils à l'immense Kohl et le p'tit Mitterrand, voire pareils aussi à Bismarck-Thiers (le Prussien était un géant, le Versaillais était un nabot)… C'est pour tous ces motifs qui ont forgé le solide caractère allemand que la plupart des acteurs français de la Nuit de Séville reconnaîtront tacitement avec le temps la supériorité de leur adversaire. De Marius Trésor en 1998 ( «
Je me suis rendu compte qu'on avait joué comme des cons, à 3-1 » ), à Patrick Battiston ( «
On n'aurait peut-être pas dû pratiquer un football champagne à 3-1 » ) et à Michel Platini en 2012 ( «
Les Allemands, c'est dur de les battre ! C'était du 50-50… Ils ont gagné à la loyale, à part ce c… de gardien de but allemand » ). En 2012 Hrubesch, craqueur de Bleus, se fera lapidaire : «
Je n'avais pas de pitié pour eux. Nous n'étions pas responsables. Ils n'avaient qu'à s'en prendre à eux-mêmes. » Difficile, en effet, pour le football allemand de compatir au malheur français… Sans doute parce que la RFA avait elle aussi subi des «
injustices » dans le passé : interdite de Coupe du monde 1950 pour cause de Seconde Guerre mondiale, une finale d'Euro 1976 perdue aux tirs au but, une finale de Mondial 1966 perdue sur un but anglais litigieux et surtout, une demi-finale mexicaine en 1970 perdue 4-3 en prolongation contre l'Italie ultra dominée. C'est d'ailleurs cet Italie-RFA qui demeure pour le monde entier et pour les Allemands le «
match du siècle » . Pas la nuit de Séville (appelée «
Nacht von Sevilla » , pour les Allemands).
En France, l'intensité dramatique «
live » a figé durablement le souvenir de ce match exceptionnel. D'ailleurs, on a rebaptisé ce RFA-France «
France-Allemagne 82 » … Parce que c'était la première fois que l'équipe de France de foot jouait tard et en
prime time en compétition officielle (21 heures). Ses cinq matchs précédents de ce
Mundial espagnol avaient été disputés l'après-midi. Parce que ce RFA-France s'est déroulé un jeudi soir, un jour de semaine inhabituel, au lieu des traditionnels jours de matchs (mercredi, samedi ou dimanche). Le vendredi matin, au réveil, la Français étaient alors déphasés. D'autant plus qu'en se rendant aux kiosques
L'Équipe avait titré à la Une : «
FABULEUX ! » À l'époque, la rédac n'avait pas eu le temps de boucler son édition du lendemain avant la fin du match… Autre épisode hallucinatoire : juste après la Coupe du monde, un immense panneau 4 x 3 sur le périph' de la Défense afficha la photo sublime en noir et blanc des Bleus alignés héroïques et simplement légendée «
Francement, merci » . Comme si les Bleus avaient « gagné » … Outre son scénario extraordinaire, la dilatation du temps rendit également ce match totalement mythique. Commencé à la lumière du jour, il s'acheva «
au bout de la nuit » , lui conférant ainsi une aura surnaturelle au passage du jour à la noirceur et de la victoire à la défaite. Mais ce rite initiatique douloureux fera grandir le foot hexagonal : c'est grâce à Séville 82 que la France remportera un «
fabuleux » Euro 1984…
Réactions (2)
http://www.leparisien.fr/sports/allemag … 034133.php
De plus vous parlez de revers en 1870 (ok, mais alors parlez de la bataille de Iéna en 1806, qui en est la véritable cause), en 1914 (pas ok: vainqueur) et en 1940-44 (pas ok:vainqueur).
La Blietzkrieg de 1940 n'a été qu'une bataille de quelques semaines qui ne résume en rien un pays comme la France !
Notre Jeunesse doit comprendre que la France est un GRAND pays, pacifiste, mais dont les habitants n'ont rien à envier à nos voisins allemands quand il s'agit de se battre. Arrêtons les poncifs et analysons sereinement l'Histoire.
Cordialement
JMR
http://www.leparisien.fr/sports/allemag … 034133.php
De plus vous parlez de revers en 1870 (ok, mais alors parlez de la bataille de Iéna en 1806, qui en est la véritable cause), en 1914 (pas ok: vainqueur) et en 1940-44 (pas ok:vainqueur).
La Blietzkrieg de 1940 n'a été qu'une bataille de quelques semaines qui ne résume en rien un pays comme la France !
Notre Jeunesse doit comprendre que la France est un GRAND pays, pacifiste, mais dont les habitants n'ont rien à envier à nos voisins allemands quand il s'agit de se battre. Arrêtons les poncifs et analysons sereinement l'Histoire.
Cordialement
JMR