- National
- Red Star
Le Red Star, une étoile rouge sous pavillon américain
Avec le rachat du fonds d’investissement américain 777 Partners, la longue histoire du Red Star s’apprête à prendre un nouveau tournant. Alors que la rénovation du stade Bauer est déjà en cours, la direction du club de Saint-Ouen, qui évolue en National, fait déjà face à la grogne de certains supporters qui craignent de perdre l’identité populaire d’un club à part, né il y a 125 ans.
Révélé le mois dernier, l’intérêt de 777 Partners pour le Red Star va bel et bien se concrétiser. Patrice Haddad, qui restera président, est entré en négociations exclusives avec ce fonds d’investissement américain qui s’apprête à racheter 100% des parts du club emblématique de Seine-Saint-Denis. Cet accord intervient à un moment où le Red Star ne cachait plus sa volonté d’opérer véritablement sa mue. Attendue depuis des décennies, la rénovation du mythique stade Bauer, à deux doigts de la destruction en 2016, a démarré depuis l’été dernier après la cession du stade au groupe immobilier Réalités dont le projet a finalement convaincu le kop vert et blanc et les habitants. Rue du Docteur-Bauer, une maison de projet baptisé Bauer Corner a même fait son apparition depuis quelques semaines en face de l’historique bistrot L’Olympic. Celle-ci abrite la maquette du futur stade et la toute nouvelle boutique officielle garnie de casquettes, maillots et bombers derniers cris, bien loin des standards de National. Alors que son voisin du Paris FC est aux portes de la Ligue 1, le Red Star, coaché en National par Habib Beye, entre peu à peu dans une autre dimension.
Le projet de Bauer Corner. ©Réalités
Contactée, la direction préfère pour l’heure s’en tenir à son communiqué diffusé dans la soirée du 6 avril. « Vu la nouvelle structuration des championnats qui se profile et les moyens nécessaires pour continuer notre projet de développement, il était de mon devoir de considérer l’intérêt porté au club par les différentes sollicitations extérieures, affirme Patrice Haddad. C’est finalement avec 777 Partners que j’ai décidé d’approfondir les discussions. Leur détermination, leur compréhension de la singularité du club et la garantie de la mise à disposition de moyens conséquents ont fait la différence. C’est aussi une histoire d’hommes et de rencontre, et je suis persuadé que Josh Wander et ses équipes sauront porter les valeurs du club avec sincérité. » Pour l’heure, peu d’éléments chiffrés ont filtré. Selon L’Équipe, la transaction serait supérieure à 10 millions d’euros. Une conférence de presse devrait se tenir dans les prochaines semaines à l’issue des procédures de consultation et d’agrément. « Je vous avoue que le téléphone n’arrête pas de sonner, a confié Louison Auger, le directeur général adjoint en charge du développement. Il n’y aura pas de communication supplémentaire de la part du club tant que la vente ne sera pas définitive. Cela peut prendre quatre à huit semaines. »
« Une fièvre acheteuse qui interroge »
De son côté, Josh Wander, qui compte parmi les plus belles fortunes de Floride, est loin d’entrer en jeu par hasard. Depuis qu’il a fondé en 2015 à Miami une société désormais connue pour investir dans un certain nombre de secteurs attractifs à forte croissance (assurances, consommation, médias, etc.), ce quadra visiblement amateur de foot a déjà acquis le Genoa en Italie, le Standard de Liège en Belgique et Vasco de Gama au Brésil, sans parler de sa participation importante au capital du FC Séville. De quoi prendre quelques points. « Le Red Star possède une identité unique dans le monde du football, et c’est un honneur de contribuer à bâtir son avenir dans le respect de ses traditions, promet-il. Nous sommes impatients de finaliser son rachat et de travailler main dans la main avec tous nos partenaires et les supporters. » Le respect des traditions. C’est justement tout l’enjeu des mois à venir. Principaux groupes de supporters de la tribune Rino Della Negra, le Collectif Red Star Bauer et les Red Star Fans n’ont pas tardé à réagir via les réseaux sociaux en associant 777 Parners à « une fièvre acheteuse qui interroge ». Avant d’ajouter, méfiants : « Au sein d’une nébuleuse prétendument sportive, nous serions alors la vulgaire variable d’ajustement d’une multinationale dont les intérêts ne sont pas compatibles avec ceux que nous défendons : proximité, ancrage local, indépendance et transparence. Ce même type d’organisation a coûté leur stabilité et leur avenir à de nombreux clubs (Málaga, Sochaux, Bordeaux, NDLR). Si nous comprenons que la gestion d’un club de haut niveau implique l’engagement de partenaires économiques sérieux, comment croire qu’un groupe financier basé à Miami pourrait manifester un intérêt sincère ? »
Selon Vincent Chutet-Mezence, le président du Collectif Red Star Bauer, il s’agit là d’un « véritable coup de massue ». « Nous craignons de perdre notre identité, nos valeurs, et de devenir un banal club de football », dit-il, tout en comprenant « les besoins d’investissements économiques ». « Nous exigeons d’être consultés autour d’un débat transparent associant tous les acteurs concernés », conclut-il. Chez Jacques, l’administrateur d’un groupe Facebook dédié à l’actualité du club, les propos sont plus mesurés. « N’est-ce pas ce que souhaitent certaines et certains pour en finir avec un plafond de verre sportif qui nous limite au National ? » ose-t-il. « C’est malheureusement par là qu’il faut passer avec tous les risques que cela engendre », lui répond Michel avant que Laurent n’ouvre le débat : « Il faut savoir ce que l’on veut : un club éthique avec des valeurs, droit dans ses bottes, mais condamné à végéter, ou un club qui par son histoire mérite d’évoluer et s’accorder aux réalités du foot d’aujourd’hui. »
Objectif Paris 2024
Au club, on ne semble pas inquiet par cette nouvelle fronde, les supporters étant dans leur rôle. Au service communication, on assure que « l’objectif du président est d’avoir quelqu’un en face de lui qui comprenne l’environnement dans lequel il arrive et ce qu’on a mis en place avec le nouveau stade, qui traînait depuis 30 ans, ainsi que le centre d’entraînement de Marville où va s’installer le futur centre de formation et le Red Star Lab avec tout l’accompagnement éducatif que l’on propose aux jeunes. À l’inverse d’autres clubs qui ont pu être rachetés lors de périodes troubles, le projet ici est diamétralement opposé. Avec plus de moyens, on peut très bien continuer à cultiver ce qu’on a impulsé ces dernières années. Après, on ne peut pas contrôler le point de vue de chacun. » Pour sa part, le maire socialiste de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, se dit confiant. « Je rencontrerai très prochainement Josh Wander afin de m’assurer que son projet pour le Red Star soit totalement aligné à notre vision, nos valeurs et notre histoire », affirme-t-il, lui l’enfant de la ville qui, depuis son élection en 2020, clame haut et fort son ambition de revoir le Red Star en Ligue 1. Alors que la mise en service de la tribune Sud au pied de l’immeuble iconique Planète Z est prévue dès la saison prochaine, le stade vient d’être sélectionné comme site d’entraînement pour les épreuves de football des JO de Paris 2024. Situé à moins de deux kilomètres du futur village des athlètes, celui-ci devrait prendre la forme d’une enceinte à l’anglaise de 10 000 places, avec toitures végétalisées, jardins-terrasses, bureaux, commerces et services de santé. Les pelleteuses n’ont pas fini de rythmer le quotidien d’un quartier qui ne veut surtout pas perdre son âme. Mais qui ne serait pas contre accueillir, demain, l’élite du football français.
Le projet Bauer 2024. ©Réalites
Par Florian Dacheux
Propos de Louison Auger et du service communication du Red Star recueillis par FD.
Photos : IconSport, Florian Dacheux et Réalités.