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Le Real Madrid pleure Goyo Benito, son magnifique salopard
Dans la catégorie des défenseurs durs sur l’homme, Goyo Benito faisait assurément partie de la tête de liste. Décédé à 73 ans des suites d’une longue maladie, l’ancien stoppeur du Real Madrid laisse à ce monde l’idée selon laquelle mieux vaut marcher sur les pieds des autres plutôt que le contraire.
Roi des rois, le Real Madrid est aujourd’hui un club à l’identité affirmée. Adorée ou honnie, la Maison-Blanche permet aux fans de football de s’accorder sur une chose : dans les grands rendez-vous, la défense merengue a toujours voulu s’armer de salopards en chef. Fabio Cannavaro le bon d’abord, Pepe la brute ensuite, sans oublier Sergio Ramos, monstrueux truand aussi fort dans les airs que sur terre. Seulement voilà, le Real ne s’est pas mis à appliquer cette méthode en un simple claquement de doigts. S’il est désormais perçu comme le plus grand club de l’histoire, c’est parce que cette méthode de rugosité défensive a fait ses preuves dans le temps. Mais alors, d’où vient cette capacité à susciter la crainte du duel physique face à l’adversaire ? Une partie de la réponse réside dans la personnalité de Gregorio « Goyo » Benito Rubio, décédé ce jeudi des suites d’une longue maladie.
Comunicado Oficial: fallecimiento de Goyo Benito.#RealMadrid
— Real Madrid C.F. (@realmadrid) April 2, 2020
« Sors la hache, Benito ! »
Depuis l’enfance, « Goyo » Benito s’est pris de passion pour la compétition. Individuelle d’abord, puisque le garçon scolarisé à Atocha pratique l’athlétisme à forte dose et obtient le titre de champion national des écoles en lancer de javelot avec un lancer mesuré à 62 mètres. Collective ensuite : le jeune homme intègre les rangs de l’équipe espoirs du Real Madrid en 1963. Âgé de seize ans, son mental de champion lui permet d’intégrer l’équipe première en cinq ans, dont les deux dernières années effectuées en prêt chez le voisin du Rayo Vallecano. Le 4 octobre 1969, Benito signe son premier contrat professionnel au Real et s’apprête à tout dégommer sur son passage. Généreux dans l’effort physique, Benito récoltait régulièrement les éloges des défenseurs et les multiples plaintes des attaquants. Un soir de Clásico au Bernabéu, la légende raconte que Bio, l’avant-centre brésilien du Barça, voit le milieu de terrain Pirri communiquer ses instructions à son stoppeur : « Goyo, défoule-toi sur le noir, on ne peut pas voir s’il a des hématomes ! » La consigne est dégueulasse, mais entendue, et Bio, autant muselé que choqué, ne touche quasiment plus un ballon du match.
Aussi destructeur qu’un Tyson Fury, Goyo Benito n’avait pas la langue dans sa poche au moment d’évoquer sa manière de défendre : « Ou c’est le joueur adverse qui passe, ou c’est le ballon. Mais les deux en même temps, devant moi, ça me paraît difficile. »
Une manière de marquer son territoire et de gagner le respect de ses pairs avec des trophées à la clé. En treize saisons complètes sous le maillot de l’équipe professionnelle du Real Madrid, le défenseur central soulève six championnats d’Espagne (1972, 1975, 1976, 1978, 1979, 1980) et cinq Coupes du Roi (1970, 1974, 1975, 1980, 1982) avant de définitivement ranger ses crampons. Parfait représentant de la furia española, période creuse en matière de trophées pour la sélection espagnole, Benito était un joueur international idolâtré par le public du Bernabéu qui chantait à l’unisson « ¡ Saca el hacha, Benito ! » (Sors la hache, en VF) au moment où le Real devait sortir les muscles pour vaincre.
Restaurateur et proche de Pérez
Au moment de quitter la pelouse, Goyo Benito n’était pas non plus cantonné au métier de simple footballeur. Détenteur d’un restaurant sur le Paseo de Castellana à Madrid, l’homme savait également servir de lien social entre tous les habitants de la ville, parfois coéquipiers ou simples supporters, pour se réunir autour d’une table bien garnie. Fédérateur, l’ancien numéro 5 du Real Madrid était également très apprécié de Florentino Pérez. L’actuel président des Blancos avait notamment pu compter sur le soutien de la légende madrilène lors des élections présidentielles de 1995. Malgré la défaite contre Ramón Mendoza, Pérez avait bien gardé en mémoire cette aide au moment de prendre connaissance des soucis de santé de son ami. Depuis plus de dix ans, Goyo Benito bénéficiait d’une résidence particulière afin de se soigner. Hélas, aucune hache ne peut mettre un stop à la mort quand elle décide de passer à l’acte.
Par Antoine Donnarieix