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- J34
- Real Madrid-Espanyol (4-0)
Le Real Madrid, champion et conquérant
Vainqueur de l’Espanyol ce samedi (4-0), le Real Madrid s’est assuré un 35e titre de champion d’Espagne. La conclusion d’une saison domestique dominée de la tête et des épaules par une équipe portée par des individualités solides.
Cinq. C’est le nombre de journées que le Real Madrid aura passé loin de son fauteuil de leader. Pas très loin en réalité, puisque la bande à Carlo Ancelotti ne se sera départie de ce rôle de chef de file que pour endosser celui de troisième (au soir de la 2e journée) et de dauphin (entre les 9e et 12e journées). Dès lors, le reste ne fut qu’une course effrénée en tête d’un championnat maîtrisé, achevée en ce samedi 30 avril par un succès devant l’autre adversaire catalan, l’Espanyol. La conclusion d’une campagne solide, portée comme il se doit par une ossature retrouvée et une jeunesse (enfin) révélée.
La culture de la gagne
Il paraissait pourtant difficile d’imaginer telle domination à l’entame de cet exercice 2021-2022. Au sortir d’un cycle Zidane conclu de manière poussive (malgré une demi-finale de Ligue des champions), dans la grisaille et le silence pesant de Valdebebas, le Real Madrid avançait quelque peu amoindri vers son nouvel horizon. Paysage que l’on pensait assombri, qui plus est, par la résurgence d’un Atlético fraîchement couronné ou d’un Séville ambitieux. Il n’en aura cependant rien été. Renforcé par la seule arrivée de David Alaba en défense, les Merengues se sont ainsi déroulé le tapis rouge par étapes, jalonnées de victoires clés.
Le premier pas vers la rédemption a eu lieu au Mestalla de Valence. En terre hostile, les traces de la déroute subie quelques mois auparavant (4-1) s’étant en effet accentués à l’ouverture du score d’Hugo Duro. Sans le savoir, l’ancien du Castilla enclenchait alors une machine à remonter le temps, élément fondateur de toute une saison pour les Madrilènes. Renversant la marche en deux minutes, les Blancs s’étaient imposés(1-2), annonçant la couleur de cette force mentale, à même de les suivre durant près de dix mois. Par deux fois devant Séville, face à la Real Sociedad, à Vigo ou à Osasuna : on a effectivement souvent cru voir les hommes d’Ancelotti vaciller. Mais comme « abandonner n’est pas une option », tel que le proclame Luka Modrić, le club royal a toujours su se relever. Une maxime probante.
Mental d’acier, jambes de feu
De ses ressources psychologiques, le Real Madrid a finalement su tirer la quintessence pour effrayer des rivaux trop irréguliers. Moribond et encore plongé dans ses incertitudes, le FC Barcelone a été le premier à craquer, chez lui, au Camp Nou. Suffisant pour mettre sur les rails une formation amenée à régner seule (74% de victoires). Car après le Barça, l’Atlético n’a, à son tour, pas eu son mot à dire, éparpillé dans un Santiago Bernabéu redevenu résidence principale. Et pour ajouter du vice à la déception, c’est au Wanda Metropolitano que se déroulera le pasillo (haie d’honneur réservée aux champions) si cher à Florentino Pérez, le 8 mai prochain, date de la joute retour.
En élargissant la focale de ces succès, la saison madrilène n’a donc jamais semblé aussi complète. Ne s’inclinant qu’à trois reprises (face à l’Espanyol lors du match aller, à Getafe et contre le FC Barcelone), les hommes de « Carletto » ont surtout su s’inscrire dans la durée. À l’image de cette série de 15 rencontres sans défaite toutes compétitions confondues (entre le 24 octobre et le 22 décembre) ou de ces 15 points sur 18 possibles pris face au top 5 national (total qui pourrait s’élever à 21 sur 24 en cas de victoire contre l’Atlético et le Betis dans les prochaines semaines). Cette notion de mental, si elle a fait ses preuves durant les 90 minutes d’un match, a, avant tout, permis aux Blancos de ne pas baisser pavillon dans la défaite. En témoigne la piqûre de rappel du FC Barcelone, venu se venger avec l’art et la manière dans la capitale (0-4). Une déroute salutaire, qui a réveillé un Real Madrid se pensant, au mois de mars, déjà à l’abri et ayant permis à tout un contingent de rester en alerte, jusqu’à la validation de ce sacre désormais acquis.
Un seul 9
Plus que toutes les autres, cette saison aura notamment permis au Real Madrid de se trouver des hommes. Des joueurs de talent, n’ayant eu de cesse de légitimer leur rôle de taulier pour pallier les quelques failles d’un entraîneur parfois friable. Le technicien italien se sera effectivement accoudé à un onze type, quasi inamovible, malgré un effectif quantitativement et qualitativement suffisant. De quoi pousser sur le banc Luka Jović, Dani Ceballos, Gareth Bale ou Eden Hazard, cumulant 1919 minutes à eux quatre (l’équivalent de 20 matchs complets, seulement). Évidence incarnée, Karim Benzema a ainsi dû poursuivre son travail de sape pour porter le collectif.
Irrésistible depuis près de deux ans, l’international français n’a jamais semblé aussi souverain. Meilleur buteur, avec 26 réalisations (et comeilleur passeur aux côtés d’Ousmane Dembélé avec 11 offrandes), d’un championnat dans lequel il devrait terminer Pichichi (une première depuis son arrivée en Espagne à l’été 2009), Benzema a, dès le mois d’août, orienté son groupe sur le chemin du succès. « Sommes-nous dépendants de Karim Benzema ? Bien sûr ! Et j’en suis très content », s’amusait même Ancelotti en conférence de presse, dans un discours teinté de lucidité. Le Lyonnais, n’ayant jamais passé plus de deux rencontres sans marquer (un but toutes les 96 minutes en Liga), capitaine exemplaire et leader majeur, s’est chargé de transcender les siens. En tête de liste : Vinícius Júnior.
Une question d’hommes
Métamorphosé depuis la saison dernière, le Brésilien a affiné sa mue. Plus serein dans le jeu, « Vini » a surtout fini par apprendre à se montrer décisif. La bagatelle de 14 buts, 9 passes décisives et une facette de déstabilisateur devenue dévastatrice pour les adversaires. Symbole de cet aboutissement, la complicité immuable liant l’ailier à son mentor Benzema (6 passes décisives de l’Auriverde vers le Gone, cinq dans le sens inverse), le duo étant impliqué sur 57% des réalisations inscrites par leur club (40 buts sur 73). La preuve d’une jeunesse retrouvée à la Maison-Blanche. Un renouveau de plus en plus affirmé par les émergences croissantes de Rodrygo ou Federico Valverde. Décrit comme vieillissant, à juste titre, l’effectif madrilène a néanmoins pu compter sur ses valeurs sûres. En passe de prolonger jusqu’en 2023 et avec une reconversion à la clé, Luka Modrić en est l’élément clé. Indiscutable, indispensable et faisant fi de ses 36 ans (9 matchs manqués en Liga cette saison), « Lukita » a mis sa science à disposition de la relève, bien au-delà des statistiques, stabilisant un milieu de terrain quelques fois déséquilibré ou chamboulé par les absences.
Enfin, si la Casa Blanca s’est assurée d’un confort domestique probant, c’est avant tout grâce à une défense de fer. Le trio Courtois-Alaba-Militão fonctionnant à plein régime, en dépit d’automatismes encore en rodage. L’association austro-brésilienne aura effectivement su passer le cap des départs massifs de Sergio Ramos et Raphaël Varane, donnée légitimant un peu plus ce statut de deuxième défense du championnat (29 buts encaissés, derrière Séville : 28) et les 74% de tirs arrêtés par match de son géant belge. Champion et dominateur, le Real Madrid a donc réalisé la saison idéale, pour rappeler de quoi sont faits les plus grands : de trophées. 35, en l’occurrence.
Par Adel Bentaha