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Le mystérieux François Clerc
François Clerc a donc signé, cet été, à Saint-Étienne. Drôle d'ironie pour un joueur qui a connu ses plus belles heures et la liquette bleue en portant le maillot lyonnais. Après un procès, une grave blessure, un passage à Nice et l'oubli, la question se pose : mais qu'est donc devenu François Clerc ?
On a en tête l’image d’un joueur, pas forcément brillant, mais qui a su se faire sa place, au plus haut niveau, sans faire de bruit et l’air de rien. En l’espace de deux mois, en 2006, François Clerc passe du statut de soldat lambda de Ligue 1 à celui d’international. Après un prêt très moyen et sans histoire à Toulouse, où il ne joue que très peu, il n’est qu’une doublure comme une autre au sein de l’effectif all stars de l’OL. Mais une cascade de blessures (Caçapa, Monsoreau, Berthod et Réveillère) et le départ de Lamine Diatta à la CAN lui offrent un peu de temps de jeu, et le natif de Bourg-en-Bresse se révèle alors en équipe première.
Pion du très grand Lyon
Titulaire en huitième de finale de Champions League contre Eindhoven, il détonne, étonne et grappille une place de titulaire, celle-ci étant libre. « En début de saison, j’étais loin de croire que j’allais jouer en Ligue des champions. Je revenais d’un prêt à Toulouse qui ne s’était pas bien passé puisque l’entraîneur me faisait très peu confiance. Même si j’étais revenu de là-bas avec un mental renforcé par cette mauvaise expérience, je me doutais bien que j’étais surtout destiné à évoluer avec la réserve » , raconte-t-il alors. Raymond Domenech, toujours à l’affût d’un contre pied médiatique, lui offre dans la foulée sa première sélection début mars contre la Slovaquie, alors que le joueur n’a que 14 matchs de Ligue 1 dans les baskets. Sur le pré, quel joueur est François Clerc ? La ressemblance avec Anthony Réveillère, son concurrent direct, est frappante. Il est ce fameux « joueur appliqué » , « solide » , honnête défenseur et attaquant, bon partout, excellent nulle part. Dans le très grand Lyon, il s’incruste dans la rotation au poste d’arrière droit et profite de l’orgie collective permanente pour se mettre bien et se montrer.
Le hic, durant cette période douce, c’est que François Clerc s’engage en faveur de Marseille. L’euphorie de l’ascension sans doute, la peur de n’être qu’un intérimaire à Lyon aussi. Avant de se retirer, désireux de continuer son aventure chez le Lyon tout puissant. Et de doubler son salaire. L’histoire se poursuit devant la Cour d’Appel d’Aix en Provence. Après une longue procédure, elle reconnaît, fin juillet 2010, la validité de l’engagement pris par le joueur. François Clerc avait alors donné son accord à l’OM en vertu du règlement de la FIFA, autorisant les joueurs, à six mois de la fin de leur contrat, à s’engager avec un autre club. Il est condamné à dédommager le préjudice de l’OM et doit payer la somme de 130 000 € de dommages et intérêts.
Homme blessé, joueur sans club
En 2008, il participe à l’Euro en Mitteleuropa. Doublure de Willy Sagnol, il joue contre l’Italie. Une titularisation en grande compétition qui fait figure de point culminant de sa carrière. Dans la foulée, lors de la première journée de la saison 2008-2009, il se blesse gravement contre Toulouse, tout seul, sur un contrôle, tranquille. S’ensuit une longue et lente descente vers l’oubli. Opéré des ligaments croisés du genou gauche, puis du ménisque sous arthroscopie du genou droit un an plus tard, l’homme cumule les blessures, joue très peu et touche le fond. 19 matchs en deux saisons, une misère. Libre de tout contrat à l’été 2010 à la fin de son bail avec l’Olympique lyonnais, sans club, François Clerc s’entraîne avec l’OGC Nice et attend une opportunité.
À 27 ans, quatre ans après sa première sélection. Glauque. Il évoque « des périodes difficiles avec parfois de la haine » . Mais annonce : « Je ne vais pas lâcher maintenant après m’être tant accroché pour revenir. Le marché est ce qu’il est, les clubs veulent dégraisser les effectifs et alléger les masses salariales. J’ai 27 ans, je veux rejouer au foot. » Éric Roy flaire la bonne pioche pour enrichir son groupe, le board de l’OGC Nice y voit l’occasion de remettre sur pied un international gratuit et de profiter d’une plus-value à la revente. À Nice, où il signe donc, il devient un cadre par défaut d’une équipe de bas de tableau, l’ex-international sur le retour qui s’arrache sans briller dans une équipe qui joue sa vie tous les week-ends. Un joueur qui fait le boulot, mais pas tellement plus. Très loin de sa stature lyonnaise donc. Malgré deux saisons complètes (71 matches, 6 buts), l’équipe de France désormais très loin, il est définitivement rentré dans le rang.
Concurrencer Loïc Perrin ?
Censé prolonger son aventure niçoise avant l’arrivée de Claude Puel, il n’a finalement pas souhaité continuer. La source de ce revirement est peut-être à trouver dans des tensions entre les deux hommes lorsqu’ils cohabitaient à l’OL. François Clerc déclarait d’ailleurs ces propos, en novembre 2011 dans L’Équipe : « J’en veux à Claude Puel, car en mars et décembre 2009, j’ai repris la compétition alors que je n’étais pas prêt. Puel, au niveau de la psychologie, il y a mieux. » Avant d’ajouter : « Ce qui inquiétant depuis deux saisons, c’est le niveau de jeu. Combien de très bons matches Lyon a-t-il réussi en ayant la maîtrise, en étant vraiment au-dessus ? Pas tant que ça. Vu les joueurs, logiquement, la qualité de jeu devrait être largement supérieure. »
Son nouveau club, ironie du sort, se trouve être Saint-Étienne, à l’affut, qui lui a proposé un contrat de trois ans. Il offrira alors une alternative au poste d’arrière droit au polyvalent et souvent blessé Loïc Perrin. Concurrencer Loïc Perrin, un drôle de défi. Peut-être davantage révélateur du niveau réel du joueur. Un défi qui lui ressemble finalement : un club historique à la relance qui cherche à grandir avec un ex-international à la recherche de ses sensations passées, le mariage paraît cohérent. Latéral euphorique à Lyon, latéral besogneux à Nice, il retrouvera alors sa véritable histoire. Celle d’un latéral de Ligue 1.
Par Antoine Mestres