Le monde des ultras se mobilise pour Noa

« Noa, c’est une anguille, il aime les clubs en vogue. Une fois c’est Paris, une autre fois Marseille. En ce moment, c’est Lens parce que c’est la sensation de la L1. Mais son club de cœur reste toujours V.A », explique Lylian, son beau-père. Il y a donc un côté épicurien du foot chez cet ado de 15 ans atteint d’une infirmité motrice cérébrale (IMC). « Il adore aller dans les stades, c’est son échappatoire du week-end après avoir passé sa semaine à l’IME (NDLR, institut médico-éducatif). Au stade du Hainaut, il vit les matchs à fond dans son fauteuil roulant, à défaut de pouvoir jouer au foot comme les autres jeunes. »

« Notre boîte aux lettres déborde tous les jours »

Et ça tombe bien, car ce jeune Valenciennois est en train de nouer des liens avec des supporters du monde entier. « On reçoit des stickers de groupes ultras de partout en France, en Europe et même du Brésil ou d’Argentine. Depuis janvier, on doit en être à 5000 autocollants. Notre boîte aux lettres déborde tous les jours. Le facteur devient fou, sourit Lylian, il y a souvent des petits mots sympas et même très touchants à l’intérieur des paquets. Le soir, je l’appelle avant qu’il n’aille se coucher et je les lui lis, ça lui met du baume au cœur. On nous invite aussi à aller au stade Vélodrome, à Bollaert, à Geoffroy-Guichard, en Allemagne ou en Pologne. On fera quelques stades quand ils seront rouverts au public. »

Comment Noa a-t-il pu devenir le porte-étendard des ultras des stades de foot ? Tout a commencé lors d’un froid dimanche de janvier, sur le parking du stade du Hainaut à Valenciennes. « J’avais vu qu’il y avait une manifestation contre le président du VAFC, indique Lylian, je me suis dit que c’était l’occasion de retrouver un peu l’ambiance du stade dont on est privé depuis le début de la crise et qui manque beaucoup à Noa. Je lui ai dit :« Mets ton écharpe, on va aller chanter. » On n’y allait pas pour la contestation. Le capo des Ultras Roisters a vu Noa et il lui a donné des stickers de son groupe pour les coller sur les roues de son fauteuil. J’ai tout de suite lu dans son regard, car Noa ne s’exprime quasiment pas, que ça le rendait heureux. »

Un tweet et c’est parti…

Un déclic pour Lylian qui s’empresse, en rentrant, de publier une photo de son beau-fils face au stade sur Twitter avec le hashtag : #unstickersultrapourNoa. Le message est vite relayé par un membre des Ultras Roisters influent au sein de l’association nationale des supporters (ANS). La Toile s’est alors embrasée pour Noa, comme une tribune en feu. « On a été impressionnés par la vitesse à laquelle ça a pris, confie le beau-père qui tient soigneusement un cahier avec tous les clubs et groupes reçus. Il y a quasiment tous les groupes ultras de L1 et L2 et même de divisions inférieures. Énormément de groupes allemands de Munich, Dresde, Francfort, Cologne… Beaucoup de Belges du Standard, d’Anderlecht, de Molenbeek, de Mons… Il y a vraiment de tout : des groupes hollandais, espagnols, italiens, portugais, polonais, chypriotes et ça commence à arriver du Brésil et d’Argentine. » Mais très peu d’Angleterre, où la culture ultra est beaucoup moins prégnante. « On en a reçu de Chelsea », glisse Lylian qui tente de répondre à chaque courrier sur lequel figure une adresse d’expéditeur. Noa leur adresse alors un mot en retour : « Mon cœur ira toujours plus vite que mes jambes pour vous dire merci. Amitiés ultras. »

Des écharpes, en plus des autocollants

« On ne connaissait pas ce milieu, reconnaît Lylian, les ultras me font penser aux bikers qui sont souvent présentés comme des brutes, alors qu’ils ont un grand cœur et sont emplis de belles valeurs de solidarité, de générosité et d’esprit de famille. J’aurais tellement envie de tous les serrer dans mes bras pour leur dire un grand merci tant ils apportent de la joie et du bonheur à Noa. Pendant qu’on ouvre ses courriers, qu’on s’occupe de ses autocollants, qu’on les colle ou les encadre soigneusement, lui ne pense plus à son handicap. D’ailleurs, il va devoir porter un corset et il y était très réticent. C’était une vraie difficulté dernièrement. Et il m’a dit : « Si tu colles des stickers dessus, alors je le mettrai…’  »

Regonflé à bloc par tant de bienveillance à son égard, Noa a eu envie, à son tour, de faire plaisir. Aussi a-t-il fait réaliser un cadre avec des stickers ultra, qu’il a lui-même choisis, pour le faire envoyer à un autre enfant malade : Andréas, le petit supporter du RC Lens souffrant d’une leucémie. Son message : « Force à toi Andréas. » Noa ne veut pas que sa belle aventure avec les supporters de football s’arrête. Maintenant, il rêve de recevoir d’autres écharpes que certains groupes ultras lui ont déjà envoyées et qui garnissent les murs de sa chambre. « On va lui faire des couvertures avec des écharpes pour couvrir ses jambes les soirs de matchs », se réjouit Lylian. Car la nouvelle mascotte des ultras a bien envie de profiter un peu de son nouveau statut en arpentant les stades de foot avec son beau-père dès la fin de la pandémie.