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Le Maroc sur l’Atlas du foot féminin

Par Benjamin Laguerre, à Rabat
Le Maroc sur l’Atlas du foot féminin

Le parcours de l'équipe nationale du Maroc a créé la surprise lors de cette CAN féminine 2022. Sur et en dehors du terrain, les Lionnes de l'Atlas, battues seulement en finale par l'Afrique du Sud (1-2), ont déjoué les pronostics en faisant tomber quelques barrières et préjugés à domicile. Le royaume chérifien s'est pris de passion pour les joueuses de Reynald Pedros : un engouement national qui a pris une dimension sociétale inattendue.

« Mes garçons se sont comportés comme des filles ! » La boutade de Walid Regragui après la victoire de son équipe en demi-finales de la Coupe du Trône la semaine dernière n’en était pas une ! En course pour un triplé inédit (coupe-championnat-Ligue des champions), l’entraîneur de l’équipe masculine du Wydad Casablanca marquait ainsi sa reconnaissance envers le parcours des Lionnes de l’Atlas lors de cette CAN. En effet, en ce mois de juillet, une ferveur inespérée est apparue entre le peuple marocain et sa sélection féminine de football. Le pari n’était pourtant pas forcément gagné au départ : aucune équipe arabe n’avait atteint la finale de la CAN féminine depuis sa création en 1991 (le Nigeria trustant 11 trophées sur 13) et l’équipe entraînée par Reynald Pedros (depuis décembre 2020) ne semblait pas vraiment en mesure de troubler l’ordre établi.

« C’est la première fois qu’on entend parler de foot féminin ici au Maroc »

Si bien qu’au premier tour, pour encourager l’équipe nationale, on a sollicité des supportrices de tous bords. Abdelhamid Ouriarhi, entraîneur dans la lointaine province de Berkane à l’est du pays, témoigne : « La fédération nous a affrété six cars et nous a demandé de ramener un maximum de filles, licenciées ou pas, pour aller assister au premier match. Toutes vêtues de rouge et vert, les filles étaient aux anges ! De retour à la maison, ces adolescentes n’attendaient qu’une chose : pouvoir retourner voir un match à Rabat (plus de 7 heures de route, NDLR)! » Elles vont vivre la suite de la compétition depuis chez elles, mais avec un regard nouveau et une passion contagieuse. Pendant ce premier tour couronné par trois victoires marocaines, l’emballement autour de cette sélection a effectivement pris comme un feu de paille. Les joueuses Fatima, Rosella et Khadija sont devenues des prénoms qui résonnent alors aux oreilles des Marocains et animent les conversations, avec un mélange de fierté nationale et de reconnaissance du sport féminin.

On avait pleinement conscience de notre rôle pendant cette CAN à la maison. On voulait montrer aux parents de chaque fille ici que c’est possible de réussir à travers le sport.

Cette sélection se retrouve alors portée par un public très large et bénéficie d’une couverture médiatique totalement nouvelle : audiences inédites, plateaux spéciaux pendant le JT, panneaux publicitaires dans les rues, spots radio et télé… Les joueuses occupent le quotidien des Marocains et deviennent en quelques jours des symboles de réussite sportive pour tout un pays. Et en particulier pour la jeunesse marocaine. Myriam et Rabia, 11 ans et 7 ans, jeunes apprenties footballeuses en claquettes devant leur maison, l’affirment : « C’est la première fois qu’on entend parler de foot féminin ici au Maroc, c’est une fierté ! » À quelques mètres de là, au « hanout » (épicerie) du coin, leur mère, El Yakoute, maillot de l’équipe nationale sur les épaules, va dans le même sens : « Le traitement médiatique autour de cette sélection féminine est totalement nouveau, on imagine donc que les retombées dépasseront le cadre du sport. Tout le monde parle depuis deux semaines du parcours des Marocaines, c’est la même chose que si c’étaient les garçons. Et puis pour nous, ces joueuses sont un peu nos filles à tous, Marocains d’ici ou de l’étranger, on s’identifie à elles ! »

50 000 spectateurs pour la finale, nouveau record

C’est exactement ce que confirme la meilleure joueuse du tournoi, la capitaine des Rouge et Vert, Ghizlane Chebbak : « On avait pleinement conscience de notre rôle pendant cette CAN à la maison. On se devait de faire honneur au football féminin marocain pour montrer aux parents de chaque fille ici que c’est possible de réussir à travers le sport, mais aussi d’être adulée par le public. On a donc fait tout notre possible pour montrer que c’était réalisable. Cette CAN est une première étape qu’on doit consolider absolument demain. »

Ce n’est donc pas la défaite en finale samedi dernier contre les Banyana Banyana de l’Afrique du Sud (1-2), dans un stade Moulay Abdallah qui affichait complet deux heures avant le coup d’envoi (record d’affluence pour un match féminin en Afrique : 50 000 spectateurs), qui viendra atténuer ce sentiment de réussite et de conquête. Qualifiées pour la première fois de leur histoire pour la Coupe du monde 2023, les Lionnes de l’Atlas ont fait un pas de géant en quelques semaines. L’exploit réalisé par les Marocaines en battant l’ogre nigérian en demi-finales et leur parcours global valent sans doute beaucoup plus que mille discours. « Fatima, Rosella, Khadija… » ont occupé la une des journaux et les discussions animées des cafés en ce début d’été. Ces joueuses, symboles de l’explosion du football féminin marocain durant cette CAN, constituent maintenant de nouveaux modèles de réussite jusqu’alors inédits.

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Par Benjamin Laguerre, à Rabat

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