- France
- Ligue 1
- 29e journée
- Saint-Etienne/PSG
Le jour où Saint-Etienne a donné son premier titre au PSG
Mai 1982, le Parc des Princes est le théâtre de l'une des plus belles finales de la Coupe de France entre le PSG et l'AS Saint-Étienne. Michel Platini y joue son dernier match en France et Francis Borelli bouffe la pelouse. Soirée de folie.
« Cher monsieur, Platini : Paris vous attend » . En avril 1982, c’est un Francis Borelli amoureux qui prend la plume pour tenter de séduire le meilleur joueur français de l’époque : Platoche. Avant de s’envoler pour l’Espagne avec les Bleus, le numéro 10 français a une saison avec l’AS Saint-Étienne à terminer. Surtout, il a un avenir à embrasser. Arrivé à Sainté en 1979, l’ancien Nancéien va quitter le Forez. Son dernier match se jouera au Parc des Princes contre le Paris SG en finale de Coupe de France. Alors le président un peu fou du PSG tente de séduire le génie de Joeuf. « Ce que je vous propose, c’est d’entrer plus encore dans l’histoire de notre sport en devenant le bâtisseur d’un destin qui nous est promis » peut-on lire sur la lettre du patron. L’histoire avance que Platini est séduit… mais Jean-François Larios est passé par là. L’actuel coéquipier de Platini à Sainté a cocufié le numéro 10 ou tenté trop ouvertement de le faire. En France, c’est devenu invivable pour un Platini qui se fait recevoir à coups de « cocu » dans tous les stades. Plutôt que de se risquer au Paris SG, Platini choisit la Juventus. Ce match de Coupe de France est donc son dernier en France. Il le sait.
Borelli dans le rond central
C’est donc un super jubilé que le Parc s’apprête à fêter. Clairement, les Verts sont favoris : ils restent sur neuf matches sans défaite, lors de la dernière journée, ils se sont même amusés avec le FC Metz, laminé 9 buts à 2 à Geoffreoy-Guichard. Le PSG, lui, a péniblement fini septième du championnat, n’empochant que deux victoires sur les dix derniers matches. Triste. Pourtant, on le sait aujourd’hui, la logique ne sera pas respectée puisque le PSG l’emporte aux tirs au but (6-5) au terme d’un match mémorable qui a vu Francis Borelli venir embrasser la pelouse au moment de l’égalisation de Dominique Rocheteau, dans les derniers moments de la prolongation. « Le but de Rocheteau, c’est le moment le plus intense de ma vie. Je n’y croyais plus. C’était cuit, pour plaisanter, je disais aux gens à côté de moi : « On ne peut pas ne pas égaliser ! » Et puis Rocheteau a marqué… C’était la délivrance ! L’explosion de joie ! Impensable… Alors, j’ai embrassé la pelouse, cette terre bénie du Parc, pour remercier le ciel… comme les Musulmans que je voyais en Tunisie, qui embrassaient la terre pour remercier leur Dieu » , déclarait dans PSG Magazine en 1987, le défunt président.
Une autre époque décidément. Borelli a passé son match sur le banc de touche. La séance de tirs au but dans le rond central, sa fameuse sacoche à la main, gesticulant et courant à chaque tentative réussie des siens. Unique. Mythique. Une séance interminable d’ailleurs : Battiston, Zanon, Rep, Larios et Platini marquent pour Saint-Étienne, quand dans le même temps Bathenay, Renaut, Rocheteau, Surjak et Fernandez leur répondent. On recommence et Dominique Baratelli, dit Doumé le chat, détourne le tir au but d’un autre moustachu, Christian Lopez. Jean-Marc Pilorget se présente alors devant Jean Castaneda. Le gardien stéphanois anticipe sur sa droite, il est pris à contre-pied. But. Paname vient de gagner son premier trophée. Douze ans après sa création. « Si on y a mis le temps, on y a aussi mis la manière, puisque Paris ne fait pas les choses comme tout le monde », lâche Borelli dans les vestiaires du Parc à la fin du match. Entre deux soupes de champagne sur la tronche.
Le doublé de Platini
Dans un Parc des Princes blindé, le Paris SG aligne deux anciens Verts : le capitaine Dominique Bathenay et Dominique Rocheteau. De son côté, Sainté sort l’artillerie lourde : Platini, Lopez, Rep, Battiston, Janvion and co. Normalement, il n’y a pas photo entre les deux teams. D’autant que Robert Herbin tente un coup de bluff en plaçant Platini au poste d’avant-centre. Peyroche avait mis en place un système au milieu pour contrecarrer l’organisation du meneur de jeu de l’équipe de France. Tant pis. Il l’a dans l’os. Le coach parisien revient vite dans le match avec une tactique à l’ancienne : l’individuelle. C’est moche mais efficace. Lemoult ne devait pas lâcher Platini, Pilorget était au cul de Johnny Rep, Col sur Laurent Paganelli. Oui, à l’époque le blondinet était considéré comme une menace sur le pré. Du moins, il était aussi redoutable qu’actuellement sur le banc de touche, micro en main.
La première mi-temps est nerveuse, rythmée, indécise. On voit même Mustapha Dahleb faire des fautes de boucher. L’Algérien découpe tout ce qui porte du Verts. Ce n’est pas dans ses habitudes. Dans la foulée, Michel Vautrot refuse logiquement un caramel de Surjak sur un coup-franc direct alors qu’il s’agissait d’un coup-franc indirect. Autre époque…
La seconde période s’emballe très vite. Surjak, toujours, s’amuse sur son côté et décale le grand Toko. Contrôle-reprise de volée-but. C’est la folie. Vingt minutes plus tard, Platini surgit au cœur de la surface pour fumer Baratelli sur un caviar de Zanon. Tout est à refaire et on enquille sur la prolongation. Les dégaines sont fatiguées. Les chaussettes sur les chevilles. Sans pitié, Platini valide un doublé à la 99e. La messe est dite et les minutes défilent. Sur son banc, Peyroche, alors coach du PSG, et Borelli ne tiennent plus en place. Il faut attendre la 120e pour voir Dominique Rocheteau, l’ancien Ange Vert, envoyer sa reprise de volée dans les ficelles de Castaneda. Énorme bordel autour de la pelouse. Francis Borelli envahit le terrain. Dans son sillage, des dizaines de supporters (la rumeur veut que Basile Boli, alors jeune adolescent, faisait partie des envahisseurs de terrain).
Il faut plus d’une demi-heure pour calmer tout le monde et enclencher la séance des tirs au but, qui sera fatale aux Stéphanois. Un match à part dans l’histoire du PSG, comme le raconte Luis Fernandez dans les colonnes du Parisien en janvier dernier : « C‘était le grand Saint-Étienne et nous avions réussi quelque chose de fort. Je revois le but de Rocheteau et l’envahissement du terrain en fin de match. On avait enfin un public et une âme. » Une âme qui a sauvé le PSG lors des tours précédents puisque après l’obstacle Bordeaux en quart de finale après prolongation, c’est Tours qui sautera en demi-finale lors d’une séance de tirs au but mythique, avec seulement 3 buts inscrits et un Baratelli écœurant. Moustache au vent. Ce PSG avait quelque chose d’insaisissable. Comme son président de l’époque. Dans l’autre camp, Michel Platini quitte la France avec un gout amer en bouche. Direction l’Espagne, pour le Mondial, puis la Juventus Turin pour trois Ballons d’Or et es lignes en plus sur le CV. Entre le PSG et Saint-Étienne, il s’est passé quelque chose.
Par Mathieu Faure