- Le 7 décembre 2004
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Le jour où la compil’ OM All Stars est sortie
Vendredi dernier, c'était l'embouteillage dans les rayons rap français des disquaires. Booba, Rohff, Nekfeu, Jul, Joey Starr, les gros poissons s'étaient donné rendez-vous. Mais il y a 11 ans, le 7 décembre 2004, c'étaient les rappeurs marseillais qui envahissaient les Fnac en se réunissant le temps d'un CD à la gloire de leur équipe, OM All Stars.
Chanter au stade est un plaisir simple. Quelques milliers de fans pour remplir la place, quelques centaines d’ultras pour chauffer l’ambiance, et quelques dizaines de minutes pour vibrer. Mais le chant de stade, c’est surtout quelques rimes pauvres, quand ce ne sont pas de simples onomatopées hurlées sur l’air de Seven Nation Army des White Stripes. Frustrant quand on est un artiste accro aux rimes techniques et aux flows millimétrés. Alors fin 2004, la scène rap de Massilia décide d’offrir un album entier au club de son cœur. L’affaire part d’une discussion entre deux potes, sortis de la même école de commerce, l’un travaillant dans la maison de disques BMG, l’autre au service marketing de l’OM. Tous les deux fans de rap, ils imaginent le projet et en parlent à Gilles, alors manager de Faf Larage. « Ils sont venus me chercher parce qu’ils me connaissaient, j’avais déjà travaillé avec BMG pour le CD Chroniques de Mars. Ils m’ont demandé si ça m’intéressait, ce que j’en pensais. C’était une belle époque pour ça » , se souvient Gilles, qui sort rapidement son carnet d’adresses pour proposer un casting 5 étoiles à la maison de disques.
Du rap et du reggae, de Chartres à Marseille
L’armada phocéenne répond vite présente. IAM, les Psy4 de la Rime, Keny Arkana, Faf Larage, Def Bond… Tout le monde monte dans le bateau, ni une ni deux. DJ Djel de la Fonky Family, à l’œuvre sur l’intro du CD, en vibre encore : « Pour l’OM, on le fait les yeux fermés. Le club, c’est ce qui permet à la ville d’être connue dans le monde. On était là pour faire un truc qui allait rester. » Bouga, interprète du mythique Belsunce Breakdown, pousse encore plus loin : « Ça aurait été un projet autour de Notre-Dame-de-la-Garde, on aurait fait pareil ! » Quant à Boss One du 3e Œil, il n’oublie pas les basiques : « Dans ces cas-là, tu te rends automatiquement disponible. Pas comme les Parisiens, qui trouvent toujours une excuse pour ne pas être libres. » Mais les rappeurs n’ont pas le monologue de l’hommage au Vélodrome, puisque le pionnier du reggae Jo Corbeau figure également sur la tracklist, et que le Massilia Sound System avait été approché. Et Gilles, le chef d’orchestre, ajoute fièrement : « L’OM est un club qui a une aura bien plus large que Marseille. C’était, et c’est encore aujourd’hui le club préféré des Français. On a voulu élargir. » Élargir, ça veut dire caser ce featuring surprenant entre Bakar, straight outta Chartres, et le Parisien Lord Kossity. Le premier explique sa présence tout naturellement : « J’avais des bonnes connexions avec les Marseillais. On voulait montrer le talent, peu importe d’où tu viens, c’est ça le message qu’on a voulu faire passer. Avec l’ego des rappeurs de maintenant, je sais pas si ça se ferait. S’ils savent que ça peut aller au-delà du simple Paris contre Marseille. » Les Marseillais leur ont donc gentiment ouvert les bras, car comme le dit simplement DJ Djel, « on n’est pas chauvins » .
MC Habib Bamogo et Lil’ Abdoulaye Meïté
20 chansons et onze années plus tard, OM All Stars est encore considéré comme une fierté par ceux qui y ont participé. Boss One, pourtant auteur de quelques classiques, n’hésite par à assurer que « c’est le genre de projets qui restent, qui devient une référence, comme les Chroniques de Mars ou la BO deTaxi. Ça fait partie des galettes incontournables. » Auteur sur le CD du titre Le taulier vous dit merci, Bouga confie de son côté : « Des gens m’appellent encore le taulier. » Porté par le single des Psy4 En avant les Marseillais, l’album, après sa sortie, est solidement soutenu par l’OM. Car au-delà de passer la commande, le club a aidé à la promo, en organisant une conférence de presse au Vélodrome, ou en invitant les artistes au stade. Certains joueurs sont même allées jusqu’à passer derrière le micro, comme Abdoulaye Meïté qui a partagé la cabine du 3e Œil, ou Habib Bamogo qui lâche quelques rimes avec Faf Larage sur le morceau Mars dans la peau. « Faf l’a encadré et l’a aidé à poser » , s’amuse encore Gilles. Des collaborations évidemment facilitées par les amitiés qui existaient entre certains rappeurs et des joueurs de l’OM, et par le fait qu’énormément de joueurs étaient fans de rap. Le résumé est signé Boss One : « C’était une reconnaissance pour les artistes. On a toujours baigné dans l’OM. Et comme beaucoup de joueurs écoutaient du rap, ça permettait de lier le tout. »
Le 13, ce porte-bonheur
Avec le recul, Gilles regrette malgré tout une promotion pas assez ambitieuse. Il en rit aujourd’hui, en se rappelant que « même ceux qui étaient motivés chez BMG ont dit que si ça avait été chez Universal, ça aurait été une autre paire de manches. J’imagine qu’ils pensaient que comme c’était l’OM, juste en claquant des doigts, ils allaient en vendre 800 000 à Marseille ! » Il se souvient vaguement de chiffres avoisinant les 70 000 CD vendus, mais juge surtout qu’au moins trois clips auraient été nécessaires, ainsi qu’une tournée avec les artistes qui auraient pu être présents. « Les maisons de disques en France ont du mal à prendre des risques » , ajoute-t-il sobrement. Mais au-delà du marketing et de l’aspect commercial, les artistes marseillais aiment faire de ce genre d’aventures une preuve de leur solidarité, et de la puissance de leurs liens. Ainsi, Gilles n’hésite pas à sortir les photos souvenirs : « On a commencé à faire des soirées il y a très longtemps. Bouga était maître de cérémonie, Djel faisait partie de nos DJs. Il y avait des petits concerts, un micro ouvert, une soirée DJ, et il y avait tous ces gens là. » Et ce même Bouga de conclure : « C’est sympa d’être marseillais ! »
Par Alexandre Doskov
Tous propos recueillis par AD