S’abonner au mag
  • Angleterre
  • Aston Villa

Le jour où l’opération Père Noël a tourné au vinaigre à Aston Villa

Par Julien Duez
7 minutes
Le jour où l’opération Père Noël a tourné au vinaigre à Aston Villa

Le 13 décembre 1998, à l’occasion d’un match contre Arsenal, les dirigeants d’Aston Villa décident de faire plaisir à leur public en engageant des parachutistes déguisés en Père Noël. L’opération aéroportée a bien failli remettre en cause la fameuse magie de Noël pour l’un d’entre eux...

Une histoire vraie issue du magazine SO FOOT, numéro 182 (décembre 2020).

2020 fut une année de merde pour tout le monde y compris pour les supporters d’Aston Villa. Privés de stade à cause de la Covid-19 pour leur retour dans l’élite, les fans des Claret and Blue ont dû faire comme tout le monde : regarder leur équipe à la télévision. Un crève-cœur, d’autant que la saison 2019-2020 a coïncidé avec la première victoire du club de Birmingham face à Arsenal dans son antre de Villa Park depuis 22 ans. De quoi réveiller quelques souvenirs. En 1998, les Lions comptent parmi les membres du subtop de Premier League. Colin Abbott, historien des Villans, se souvient encore d’un début de saison tonitruant : « À la mi-novembre, le club était sur une série de douze matchs sans défaite. Après une victoire à Southampton, le manager a réuni ses joueurs sur la pelouse pour les prendre en photo, et cela avait été perçu comme un geste arrogant, car le titre se gagne en mai, pas en novembre. La preuve, derrière, nous enchaînons avec quatre rencontres sans gagner. » La mauvaise série profite alors à Manchester United et Arsenal, les deux vrais prétendants au sacre. C’est d’ailleurs en leur qualité de champions en titre que les Gunners se présentent à Birmingham, une ville plus connue pour son épais brouillard que pour son climat tropical. « J’étais avec mon père en tribune latérale, et c’est comme si nous étions assis sur un courant d’air », illustre Owen Strickland, un ancien flic qui profitait alors d’un jour de congé pour assister au dernier choc de l’année à Villa Park. Venue également en famille, Donna Williams se rappelle que le speaker avait annoncé une surprise aux 39 000 spectateurs présents ce jour-là : à la mi-temps, trois parachutistes de la Royal Air Force (RAF) atterriront déguisés en Père Noël, au milieu de la pelouse. « De mémoire, c’était une première ! Habituellement, on avait le droit à d’anciens joueurs qui revenaient saluer le public. »

Mon fils de 7 ans s’est immédiatement mis à pleurer. Il était persuadé qu’il n’aurait plus jamais de cadeaux parce que le Père Noël venait de mourir !

L’homme qui tombe à pic

Les 45 premières minutes sont animées par Nicolas Anelka, deux fois passeur décisif pour Dennis Bergkamp. La suite, c’est l’ancien défenseur des Gunners, Gilles Grimandi, qui la raconte : « J’étais remplaçant, et Wenger m’a demandé d’aller m’échauffer pendant la pause. À un moment, je lève la tête et j’aperçois un type qui tombe du ciel. Ensuite, j’entends un bruit sourd et je vois un Papa Noël qui s’écrase juste derrière moi. » Le type en question est le sergent Nigel Rogoff. Il a 39 ans et compte plus de 6000 sauts à son actif. Mais ce 13 décembre 1998, il s’envole pour la dernière fois. Il a opté pour un modèle de parachute plus rapide que ses deux comparses et les mauvaises conditions météo lui sont fatales : au lieu d’atterrir dans le rond central, il heurte le toit de la tribune Trinity Road, puis s’écrase au sol après une chute libre de 30 mètres. Dans les travées, les fans, stupéfaits, ne peuvent que constater l’horreur de la situation : Rogoff lutte entre la vie et la mort dans un costume rouge pourlingue. « C’est très dur d’imaginer que l’on a vu quelqu’un se tuer sous ses yeux », résume Abbott. Pour ceux qui croient encore à la magie de Noël, ça l’est encore plus. Sean Lynch, un supporter venu au Villa Park avec ses enfants, est là pour en attester : « Mon fils de 7 ans s’est immédiatement mis à pleurer, rejoue-t-il. Il était persuadé qu’il n’aurait plus jamais de cadeaux parce que le Père Noël venait de mourir ! »

Je bafouillais, j’essayais de leur expliquer en anglais ce qu’il s’était passé et ils m’ont répondu : « Qu’est-ce que tu nous racontes toi, avec tes histoires de Père Noël? » Ils pensaient que je me foutais de leur gueule.

Dans les vestiaires, les 22 acteurs ignorent totalement l’epic fail qui vient d’avoir lieu. « Quand mes coéquipiers sont revenus sur le terrain, j’étais encore tout chamboulé, explique Grimandi. Je bafouillais, j’essayais de leur expliquer ce qu’il s’était passé et ils m’ont répondu :« Qu’est-ce que tu nous racontes toi, avec tes histoires de Père Noël ? »Ils pensaient que je me foutais de leur gueule. » Entré en fin de match à la place de Ljungberg, l’ancien défenseur jure encore que l’événement n’a pas eu d’incidence sur la suite du match. En tribunes, c’est une autre limonade. Pour le comprendre, il faut suivre Strickland : « Mon père m’a dit qu’il avait besoin d’aller aux toilettes pour se remettre de ses émotions. Au bout d’un quart d’heure, il n’était toujours pas revenu, alors j’ai commencé à m’inquiéter. En allant le chercher, j’ai vu les stewards qui l’avaient assis sur une chaise et enroulé dans une couverture. On pensait que c’était son cœur, donc il a été transporté au poste de secours du stade. » Le même endroit par lequel a transité le sergent Rogoff avant son transfert à l’hôpital. « On a dû arriver cinq minutes après lui. Il y avait du sang partout, et surtout, il flottait une horrible odeur… Ça n’aidait clairement pas à se sentir mieux ! » Pour ne prendre aucun risque, celui qui est entre-temps devenu magicien quitte Villa Park avec son paternel, et le ramène en voiture à la maison. Derrière eux, le stade rugit : un but de Julian Joachim suivi d’un doublé de Dion Dublin retourne la situation et offre la victoire aux locaux. « C’était un sacré ascenseur émotionnel, sourit Abbott. Nous étions passés du traumatisme de la mi-temps à l’euphorie d’un succès contre la meilleure équipe du championnat, ce qui nous assurait de fêter Noël en tête du classement. »

De la poisse à la traversée de l’Atlantique

Le malheureux Père Noël, lui, passera de moins bonnes fêtes. Une opération, trois semaines sous respirateur artificiel et 177 poches de sang transfusées plus tard, Rogoff doit se faire amputer de la jambe gauche… « J’ai pensé qu’il allait finir paralysé, mais j’ai appris qu’il s’en était plutôt bien sorti : il s’est marié avec l’infirmière qui s’occupait de lui et ils ont eu deux enfants », relate Grimandi, qui garde encore le souvenir d’une saison noire. Et pas seulement à cause du triplé des Mancuniens : « Un mois avant cet incident, notre chauffeur de bus a écrasé le type qui l’aidait à faire sa manœuvre pour se garer. Et deux semaines plus tard, lors d’un match contre le Panathinaïkos, un supporter est mort en tombant de la tribune. Que ce parachutiste n’ait pas été la troisième victime de la saison a presque été un soulagement ! » À sa sortie de l’hôpital, Rogoff a vécu une sorte de renaissance : après avoir passé son brevet de pilote d’avion, il a fait le tour de Grande-Bretagne en kayak et en vélo adapté, mais aussi une traversée de l’Atlantique à la rame, avec trois autres vétérans amputés de la RAF. Des exploits dont l’intéressé ne souhaite désormais plus parler, préférant rester éloigné de la lumière. « Peu après son amputation, le club l’a invité et il a reçu un accueil triomphal du public, s’émeut Rob Bishop, un ancien journaliste devenu rédacteur des programmes de match des Villans. Ce jour-là, il m’a même demandé un ballon et a commencé à enchaîner les jongles. Pas mal, pour un gars qui n’a plus qu’une seule jambe ! » Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas son (seul) petit soulier. Tu lui dois au moins ça, ordure.

Dans cet article :
Arsenal prêt à chiper Luis Campos au PSG ?
Dans cet article :

Par Julien Duez

À lire aussi
Articles en tendances
Logo de l'équipe France
Les notes des Bleus
  • Ligue des nations
  • J6
  • Italie-France (1-3)
Les notes des Bleus

Les notes des Bleus

Les notes des Bleus
13
Revivez Italie-France (1-3)
  • Ligue des Nations
  • J6
  • Italie-France
Revivez Italie-France (1-3)

Revivez Italie-France (1-3)

Revivez Italie-France (1-3)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

Arsenal

Angleterre