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  • OM-Montpellier (5-4)
  • 22 août 1998

Le jour où l’OM a renversé Montpellier 5-4

Par Arnaud Clément
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Le jour où l’OM a renversé Montpellier 5-4

Si la légende de l'OM s'est nourrie de multiples exploits européens ou de titres hexagonaux, c'est pourtant un simple Marseille-Montpellier, match de championnat d'une saison de feu bouclée sans titre, qui a constitué le plus fou des scénarios de l'histoire du club.

Si l’exercice 1998-1999 est resté comme l’un des plus mémorables de l’histoire de la D1, c’est en partie grâce au mano a mano OM-Bordeaux, qui trouvera son épilogue au Parc des Princes grâce à la botte de Pascal Feindouno, mais aussi grâce au talent d’Okocha, venu claquer le plus beau but du championnat dès la première journée à Lescure, ou de Wiltord terminant pichichi, ou encore de la pléiade de tout frais champions du monde réjouissant encore les stades hexagonaux à l’aube de la diaspora. Mais s’il est un match en particulier qui symbolise à lui seul la magie, le caractère étouffant ou la ferveur autour de cette saison-là, c’est bel et bien cet OM-Montpellier de la troisième journée. « Personne n’a compris ce qui s’est passé ce soir-là, nous les premiers. Déjà, rentrer aux vestiaires à la pause au Vélodrome avec quatre buts d’avance, face à cette équipe, ça relevait de l’impossible. Mais se faire rattraper et devancer en moins de trente minutes, on entrait dans l’irrationnel » , pose d’entrée Jean-Christophe Rouvière, le Montpelliérain de toujours, âgé de vingt-quatre ans au moment des faits.

Irrationnel pour les uns, complètement fou pour d’autres, magique pour ceux l’ayant vécu des gradins, les avis diffèrent pour qualifier cet épisode. Seule certitude, les protagonistes de l’époque ont bien du mal à se l’expliquer, même presque quinze ans après. « Je me rappelle qu’après le match, nous étions tous K.O. par ce qui venait d’arriver. Mais je crois que plus que de la déception, c’était de l’incompréhension qui régnait » , témoigne Philippe Delaye, toujours employé au MHSC. « Tu ressors abasourdi de tout ça parce que ça relève un peu du cauchemar, quand même » , rajoute Pascal Fugier. Et Laurent Robert, le grand espoir de l’époque, d’employer grosso modo le même champ lexical : « Bon, j’étais jeune, je débutais à haut niveau. Mais lorsque tu perds de cette manière, même face aux grands noms du football, tu ne comprends rien. » Un sentiment peu ou prou le même qu’on soit du côté des perdants ou des gagnants, Éric Roy se remémorant le caractère surnaturel de la chose : « Quand on a commencé à revenir et que le public nous portait, nous sommes entrés dans une espèce d’euphorie comme tu en connais peu de fois dans ta carrière. Comme si nous ne touchions plus terre en fait. »

Deux équipes de ouf

Pour en rajouter une couche, le casting de l’époque est loin d’être vilain. « J’en ai joué des matchs contre l’OM avec Montpellier. Mais le seul dont je me souviens parfaitement des compos, c’est celui-là. Il n’y avait que des grands noms de chaque côté, des internationaux, etc » , atteste Jean-Christophe Rouvière. D’un côté, l’armada marseillaise, forte des ambitions légitimes et du portefeuille de Robert-Louis Dreyfus, présente Blanc, Pirès, Ravanelli, Maurice, Gallas ou encore Bravo dans son onze de départ, Rolland Courbis se payant même le luxe d’asseoir Christophe Dugarry sur le banc avec Titi Camara ou Andreas Köpke. Côté montpelliérain, le squad de Jean-Louis Gasset a aussi fière allure avec son parfait amalgame d’anciens en défense, Sauzée, Baills, Silvestre ou Fugier en tête, et d’arguments offensifs reconnus ou en passe de l’être, que ce soit avec Gravelaine, Delaye, Robert ou Bakayoko, pas encore en mode serial killer de tourterelles. « Même si l’OM était costaud, nous étions redoutés. Nous avions la meilleure attaque après cinq journées et proposions une qualité de jeu qui était crainte » , soutient d’ailleurs Philippe Delaye, comme pour signaler que le score à l’issue de la première période était tout sauf usurpé.

Ce fut pourtant un grand débat des décortiqueurs de l’époque que de savoir si l’OM était passé à côté de ses quarante-cinq premières minutes ou si ces Héraultais avaient mangé du lion. Un peu des deux sans doute, encore que. « Nous étions arrivés avec beaucoup de confiance, tactiquement très au point et sûrs de nos forces » , renchérit Delaye. Même constat pour Pascal Fugier, pour qui Montpellier avait fait la première mi-temps de rêve : « Chaque fois qu’on attaquait, on marquait. Devant, Laurent et Baka allaient très vite et comme Xavier Gravelaine distillait à tout-va juste derrière eux… » Tellement bien qu’il ne faut que dix-neuf petites minutes à Robert, Sauzée et Bakayoko par deux fois pour plonger Stéphane Porato et sa bande dans un état de mort clinique. « C’était l’horreur. Je devais jouer ce match, mais mon contrat tout juste signé n’avait pas été homologué par la Ligue. Du coup, j’ai regardé ce match des tribunes, en Jean-Bouin. Et alors, plus les buts défilaient pour Montpellier, plus les spectateurs autour de moi me regardaient mauvais » , se marre aujourd’hui Peter Luccin, qui quittera Madrid pour Dallas et son nouveau challenge en MLS d’ici quelques jours.

La patte Courbis

Sur le terrain aussi, Éric Roy se rappelle le bourbier dans lequel il s’est retrouvé : « On n’est pas bons, mais c’est surtout le scénario catastrophe qui nous fait déjouer. Tu en prends un, puis deux, donc tu sens que ça se corse. Et à ce moment-là, tu essayes d’en faire plus individuellement, ce qui nous désorganise. C’est à ce moment précis où on déjoue complètement. D’où le fait qu’on arrive à la pause à 0-4 et complètement démoralisés. » D’autant que de par la configuration du Vélodrome et ce tunnel situé au coin du terrain, les joueurs doivent endurer quelques secondes de plus l’une des plus terribles broncas que le public ait jamais offertes un soir de match. « Mais c’est là que Rolland a été bon » , tempère l’ancien coach des Aiglons, actuellement consultant pour beIN Sport. Pendant que Laurent Robert et consorts s’interrogent tout sourire sur la teneur de leur exploit à venir, coach Courbis remet les siens à flot. « Je suis descendu aux vestiaires et si je me souviens bien, le coach avait un discours hyper positif » , note Luccin, confirmé dans ses propos par Éric Roy : « Rolland nous dit que s’ils avaient marqué quatre fois, on devait pouvoir le faire aussi au vu de nos armes. Et là, on se regarde avec les mecs et on se demande tous ce qu’il vient de fumer. N’empêche qu’inconsciemment, on le garde en tête. »

Pourtant, au retour des vestiaires, il ne se passe rien dans le premier quart d’heure. Rien ou presque, Jean-Christophe Rouvière ayant lui le souvenir d’une assistance vidée de plusieurs milliers de supporters pleins de honte ou de colère, se prêtant au chambrage et lançant des « olés » de circonstance à chaque passe des visiteurs. Arrivent l’heure de jeu et le tournant du match. L’entrée de Dugarry ? Que nenni, plutôt le duel raté de Pascal Fugier. « Je suis parti à la limite du hors-jeu pour aller disputer le duel avec Porato. Mais il touche légèrement mon ballon et le détourne du cadre » , raconte l’intéressé. « Si je pouvais changer une chose dans ce match ? Ça serait évidemment que mon ami Pascal ne la rate pas, celle-là » , se marre aujourd’hui Philippe Delaye. Une poignée de secondes plus tard, le troisième champion du monde du groupe phocéen entre sur le pré. Et l’ami Fugier de penser que c’est bel et bien cet épisode qui change la donne : « Tactiquement, les entrées de Titi Camara et Dugarry nous font mal. Elles nous perturbent et, dès lors, on recule. » « Dans le jeu, l’OM n’était pas plus fort. Mais derrière, sur les coups de pied arrêtés et avec leur taille, ils nous font mal » , se rappelle Laurent Robert.

Le 12e homme, le vrai

C’est pourtant par le jeu que Marseille entame sa « remuntada » . Sur son premier ballon, Duga dépose un caviar sur la tête de Maurice et commence son argumentaire intitulé : « Voilà pourquoi tu dois me mettre titulaire, coach ! » Un doublé de la tête du Bordelais plus tard et l’OM a refait les trois quarts de son retard en dix minutes. « Derrière, tu ne fais que subir. Cette impression de rouleau compresseur qu’avait cette équipe à l’époque, c’est marrant, mais ça me fait penser au Barça actuel. Non pas par le style, mais par leur potentiel offensif. Dès qu’ils mettaient un but, tu pouvais être sûr qu’ils allaient enchaîner derrière » , compare Pascal Fugier. D’autant que le glacial Vélodrome est devenu entre-temps un Vésuve qui pète le feu. « C’est aussi un peu le public qui nous a poussés au fond des filets. Un vrai douzième homme, puissant comme pouvait l’être ce stade à cette période » , se souvient Rouvière. Philippe Delaye ne dit pas autre chose d’ailleurs : « Cette atmosphère… C’est là que j’ai senti à quel point l’expression « douzième homme » prenait tout son sens. On sentait que le match nous échappait à ce moment-là. » Ce même sentiment qui a permis à Éric Roy de voir le but de l’égalisation avant qu’il ne finisse façon Laurent Blanc face au Paraguay en huitièmes de finale : « Quand Robert Pirès sert Fabrizio Ravanelli, je sais qu’il va me la dévier de la tête et que j’ai marqué avant même de faire le geste. Cette action, je l’ai déjà vue, toujours dans cette euphorie particulière. Et derrière, avec le soutien des supporters, tu sais que tu vas aller chercher le cinquième. »

Ce qui se passe dans le temps additionnel grâce à Laurent Blanc sur penalty, après que Serredszum a accroché son ancien pote messin Pirès dans la surface. Rolland Courbis peut alors savourer une victoire qu’il avait pronostiquée pour rire à la mi-temps, en croisant Michel Mézy et Loulou Nicollin. Un Loulou beau joueur, venu féliciter les Olympiens dans leur vestiaire au terme de la rencontre. Comme pour rajouter à l’unicité du scénario, qui fera la Une des J.T. et même un peu plus comme l’atteste Rouvière : « Bon, j’aime bien en rajouter, mais pour schématiser, tu pouvais limite voir les buts chez Drucker à la télé. » Le signe de l’extravagance de cette partie, qui garde une place particulière dans la mémoire de tous les protagonistes. « Quand je reviens sur Marseille, tu peux être sûr que j’en parle avec mes amis » , s’amuse Luccin. Et Rouvière le joyeux drille de trouver la formule juste pour justifier de l’énormité de cette soirée : « J’ai joué quelques matchs au niveau professionnel (450, ndlr), mais pourtant, c’est bien le seul pour lequel on m’appelle chaque année. »

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