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Le jour où l’hôtel des adversaires du PSV a pris feu

Par Julien Duez
Le jour où l’hôtel des adversaires du PSV a pris feu

Le 29 septembre 1971, le Hallescher FC Chemie, modeste club est-allemand, s’apprête à tenter l’exploit de battre le PSV Eindhoven en Coupe de l’UEFA. Mais la rencontre n’aura jamais lieu : la veille du match retour, l’hôtel des joueurs du HFC est réduit en cendres.

« N’insistez pas. J’ai déjà raconté cette histoire des dizaines de fois et c’est à chaque fois très difficile pour moi de me souvenir de tout ça. Je ne veux plus en parler. » À 76 ans, Klaus Urbanczyk, ancien international est-allemand, aimerait qu’on le sollicite pour autre chose que le souvenir de la nuit du 28 septembre 1971, lorsqu’il a échappé à la mort dans un terrible incendie survenu à Eindhoven. Ce jour-là, son équipe du Hallescher FC Chemie se prépare à affronter le PSV à l’occasion du match retour du premier tour de la Coupe de l’UEFA. Deux semaines plus tôt, au stade Kurt Wabbel de Halle, devant 35 000 personnes, l’aller s’est achevé sur un encourageant 0-0 face à des Bataves donnés grands favoris.« Cette année-là, nous avions terminé quatrièmes du championnat, se souvient Pleun Strik, le capitaine du PSV de l’époque. Et pour être francs, nous ne connaissions pas vraiment notre adversaire. Dans nos esprits, ce match ne devait être qu’une formalité. »

L’hippocampe argenté

À l’aube des années 1970, le Hallescher FC Chemie est loin de jouer les premiers rôles de l’Oberliga est-allemande. Son principal fait d’armes est une coupe nationale glanée en 1962. En championnat, le club de Saxe-Anhalt lutte alors contre la relégation en deuxième division et vit dans l’ombre de son rival voisin, le 1. FC Magdebourg, qui truste les premières places en compagnie du Dynamo Dresde ou du FC Carl Zeiss Iéna. En 1971, les Rouge et Blanc obtiennent pourtant le meilleur classement de leur histoire : une troisième place qualificative pour la Coupe de l’UEFA. Autant dire que la joie est à son comble lorsque le tirage au sort leur offre une joute aller-retour face au prestigieux PSV Eindhoven. À l’époque, l’équipe est-allemande est composée principalement de jeunes talents sans grande expérience. À la rigueur, un homme se distingue : Klaus Urbanczyk, un défenseur central aux 34 sélections avec la Nationalmannschaft der DDR. À Eindhoven, ce dernier et ses coéquipiers du HFC prennent leurs quartiers aux troisième et quatrième étages de l’hôtel ‘t zilverne zeepard ( « L’hippocampe argenté » ). Ils occupent les lieux avec des médecins, venus pour un congrès.

La veille de la rencontre, la pluie tombe par seaux entiers. Tout le monde craint que le match ne soit annulé, et les joueurs vont se coucher dans un mélange de stress et d’excitation. Puis, vers cinq heures du matin, tous les occupants de l’hôtel sont réveillés par une puissante détonation. Une bouteille de gaz vient d’exploser dans la cuisine et a déclenché un violent incendie qui gagne rapidement tout le bâtiment. Dans les couloirs, c’est la panique, les principales issues sont bloquées. Rassemblant son courage et son sang-froid, Klaus Urbanczyk, aidé d’un coéquipier et du masseur de l’équipe, prend les devants pour sauver les pensionnaires de l’hôtel coincés dans leur chambre. En fracassant des fenêtres, il leur permet de s’échapper par le toit.« Nous avons tout simplement fait ce que nous devions faire, commentait-il en 2006 dans les colonnes du Mitteldeutsche Zeitung, à l’occasion des quarante ans du HFC.Ce n’était pas réfléchi, c’était tout simplement instinctif. » De nombreuses personnes lui doivent la vie. Mais devant la progression des flammes, « Banne » , comme on le surnomme dans le club où il a effectué toute sa carrière, fait vite face à un dilemme cornélien : se sauver lui-même ou périr à son tour.

Un bilan effroyable

Son instinct le pousse à sauter par la fenêtre. Une chute de six mètres qui le fait atterrir sur un auvent, avant de rebondir dans une benne à ordures. « La dernière chose dont je me souviens, c’est d’avoir crié mon groupe sanguin : « O positif, O positif ! » » Son appel est entendu par un médecin, client de l’hôtel. Lorsqu’Urbanczyk reprend connaissance, il est à l’hôpital et a déjà été opéré. Une chance que ne connaît pas son jeune coéquipier Wolfgang Hoffmann, 21 ans, mort dans les flammes en essayant de sauver des vêtements de l’Ouest achetés en Hongrie. Le bilan de la catastrophe est effroyable : 12 victimes et une vingtaine de blessés graves.

La dernière chose dont je me souviens, c’est d’avoir crié mon groupe sanguin : « O positif, O positif! »

« Nous avons appris la nouvelle quelques heures avant le match, se rappelle Pleun Strik. Lorsque nous sommes allés constater les dégâts, il ne restait plus rien. L’hôtel était complètement détruit. » Le traumatisme, énorme, oblige le HFC a déclaré forfait. Maigre consolation, l’attitude d’Urbanczyk et de ses compagnons durant le drame est qualifiée d’« héroïque » par la presse néerlandaise. En RDA, au sein d’une société dans laquelle le sport est un important outil de propagande, les joueurs sont également présentés comme des modèles à suivre. Une récupération qui énerve profondément l’entraîneur de l’époque, Walter Schmidt. « La descente aux enfers du club est à mettre en lien avec les événements d’Eindhoven, explique-t-il. Au lieu d’être suivis psychologiquement, les joueurs ont été baladés en place publique. » Effectivement, les conséquences sont brutales : une saison plus tard, le HFC descend en deuxième division. Avant de remonter la saison suivante, pour retrouver sa place de second couteau, entre le ventre mou et la relégation.

Une rouste et des hommages

Quatre semaines après le drame, « Banne » quitte enfin sa chambre d’hôtel pour rentrer en RDA. Soigné, mais pas guéri, le joueur décide de prendre sa retraite à la fin de la saison 1971-1972, après douze ans et 250 matchs de première division à son actif. S’ensuit une carrière d’entraîneur qui, ironiquement, le conduit chez le rival de Magdebourg, avec lequel il termine deux fois vice-champion de RDA et remporte deux coupes nationales. Depuis la fin des années 1990, il est de retour dans son club de toujours, en qualité de recruteur. En avril 2006, trente-cinq ans après le drame, c’est donc de l’intérieur que ce dernier a pu suivre les préparatifs du match retour symbolique entre le HFC et le PSV. Ce jour-là, toutes les stars du PSV –Cocu, Vennegoor of Hesselink, Farfán…– assurent le spectacle sur la pelouse du stade Kurt-Wabbel, rebaptisé depuis Erdgas Sportpark. Au-delà de la défaite de son club de cœur (12-2), « Banne » profite surtout de l’occasion pour s’offrir d’émouvantes retrouvailles avec son ancien adversaire, Guus Hiddink. « À l’époque, tu étais un bien meilleur joueur que moi », lui avoue même l’entraîneur batave en lui remettant un maillot du PSV à son nom. Un hommage que reçoivent aussi ses coéquipiers de l’époque et qui referme la blessure la plus profonde de l’histoire du Hallescher FC.

Images de l’incendie à partir de la 50e seconde dans la vidéo.

Article paru dans le SO FOOT #145.

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Par Julien Duez

– Sauf mention contraire, tous propos recueillis par Julien Duez.

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